La série U et la série B sont les deux séries d'archives judiciaires des archives départementales en France. La série U, série moderne consacrée à l'administration de la justice depuis 1800, prolonge la série B, série ancienne vouée au même domaine avant 1800[1]. Cette série est essentiellement composée des différents fonds issus des institutions créées par de la réforme de l'an VIII. Pour certains départements, cette série compte quantitativement parmi les plus importantes séries modernes[2].
Cadre réglementaire
Dans les services d'Archives départementales et dans leurs répertoires et publications, les titres apparaissent différemment selon les départements, par exemple comme Justice (depuis 1800) ou Justice 1800-1940, ou Justice, depuis 1860 (en Haute-Savoie, sous administration sarde avant 1860), mais la série U se termine officiellement avec la réforme du ( pour les justices de paix) ; la suite se trouvant dans la série continue W.
Chaque fonds d'une sous-série, s'il y en a plusieurs, est affecté d'un nombre à partir de 1, par exemple, « 3 U 3 - Tribunal d'instance de… »
Quelle que soit la juridiction relevant d'une de ses sous-séries, l'essentiel du fond se compose en principe :
des décisions du tribunal (arrêts ou jugements, ordonnances) ;
des dossiers de procédures (procès-verbaux, déclarations de témoins, etc.).
Variations du classement selon les services
D'un département à l'autre, en raison de l'organisation des circonscriptions judiciaires (Cour d'appel notamment), des pertes et destructions (Corse[3] ; Marne[4] ; etc.), le nombre de fonds judiciaires conservés est très variable et davantage encore le volume total de ces archives,pratiquement dans un rapport de un à dix[réf. nécessaire] : beaucoup de sous-séries sont fréquemment absentes à cause de leur destruction ou simplement parce qu'elles n'ont jamais existé. Des services sont tout à fait satisfaits - voire fiers - de « leur » série U, comme les Archives départementales du Calvados qui possèderaient « L'une des plus belles séries U de France, quantitativement (1 794 mètres) et qualitativement »[5].
Au XXe siècle, beaucoup de services ont fait état dans leur guide de l'ampleur de la tâche à effectuer pour achever le traitement de ces archives, par leur volume et par le désordre qui était leur lot avant leurs versements par les greffes. L'afflux d'archives étant continuel, voire croissant, la situation n'a pu que se prolonger en ce siècle en dépit des efforts.
En pratique, si la structuration imposée par le plan de classement est utile en première approche, le poids du passé est tel qu'assez souvent les fonds sont affectés de cotes en décalage avec ce plan : les archives d'un tribunal de commerce pourront ainsi se trouver sous une « Sous-série 25 U » au lieu de la « Sous-série 6 U ». Certaines présentations de la série, comme dans les guides des Archives départementales sont de nature hybride : les fonds et les moyens de les consulter sont présentés non selon leur ordonnancement dans le dépôt mais en référence au cadre réglementaire, par exemple en Savoie à la page 319 du guide des archives de 1979[6] ou dans le Jura[7]. Les introductions en tête des répertoires font habituellement un état de cet éloignement du plan de classement pour avertir le lecteur
Sans d'ailleurs que cela complique la recherche et la communication des documents, un extrait de la présentation en ligne des Archives du Bas-Rhin[8] pour les 2344 cotes de cette série fournit un exemple de situation réelle dans laquelle il est difficile de retrouver même approximativement le plan de classement :
U 1-64 : Fonds de la préfecture ;
U 65-1013 : Fonds des greffes des tribunaux de première instance ;
U 1014-2229 : Fonds des greffes des justices de paix ;
U 2230-2344 : Fonds du greffe du tribunal de commerce de Strasbourg.
Intérêt historique
Des études très diverses peuvent être menées à partir des archives judiciaires[9], par exemple :
l'impact local d'événements nationaux ou internationaux ;
histoire économique et sociale : « infractions aux règlements commerciaux ou professionnels […] dépôt des actes de société et les dossiers de faillite […] les infractions aux lois sur le travail, les accidents du travail, les grèves, conciliations et non conciliations devant le juge de paix entre patrons et ouvriers ; les rapports d'experts fournissent des renseignements sur les exploitations agricoles et industrielles […] »[10]
« Les archives judiciaires enfin sont la source écrite privilégiée des historiens des mentalités par les renseignements de tout ordre qu'elles contiennent sur la grande criminalité mais aussi sur les affaires plus banales de relations familiales, relations de voisinage, rixes, coups et blessures, échanges d'injures et plus rarement les charivaris, les guérisseurs et même un devin… De très vivants tableaux de mœurs sont donnés par les rapports de gendarmerie (description de personnes, d'édifices, textes d'injures ou chansons parfois en occitan.). »[11]
États des fonds
Outre les destructions massives avant et après versements, les fonds tels qu'ils sont proposés à la consultation sont durablement affectés par leurs conditions d'archivage dans les greffes avant versement[12], généralement mauvaises[13], et ils le sont également par le désordre ajouté par les versements au XXe siècle[14] voire par les déménagements entre dépôts[15].
Les archivistes et le personnel plus généralement ont fort à faire pour y mettre bon ordre :
Au début du XXIe siècle, si les fonds de la série sont volumineux, le traitement peut ne pas être achevé et la consultation des documents difficile[20]
Exceptionnellement, le service des Archives des Ardennes a travaillé à compenser les destructions des guerres mondiales : son guide détaille un état des fonds détruits et un état des fonds reconstitués depuis 1945.
Éliminations réglementaires
La masse de documents affectés à la série U est l'objet d'éliminations réglementaires lors des tris, soit par appréciation de leur intérêt soit selon des critères d'échantillonnage, par exemple dans la Sarthe[21], pour le Tribunal de grande instance du Mans :
« Les dossiers de procédures civiles ont été réglementairement éliminés. »
« un vingtième en volume des procès-verbaux de gendarmerie a été conservé. »
un dixième en volume des dossiers correctionnels pour certaines années du XXe siècle (1926-1936) a été conservé.
un cinquième en volume des procédures aboutissant à un non-lieu a été conservé[21].
Ces éliminations sont pourtant en nette contradiction de l'intérêt historique foncier reconnu à cette série ; contradiction bien sensible dans le paragraphe du guide des Archives de la Sarthe consacré aux justices de paix : « Ces documents ont une importance capitale pour l'histoire des mœurs, usages et objets de chicane, notamment pour les procès-verbaux. Lorsqu'il y a eu tri systématique […]. La proportion des documents conservés reste finalement faible. »[22] ou dans celui de l'Eure concernant les tribunaux d'instance « […] le tri et les destructions seront opérés avec prudence étant donné l'intérêt pour l'histoire économique et sociale que revêt cette documentation. »[23].
1 U - Fonds de la préfecture
Le fonds désigné sous le nom de Fonds de la préfecture ne doit pas être confondu avec celui du Conseil de préfecture de la sous-série 9 U, mais l'un et l'autre peuvent se trouver dans la série K qui concerne la préfecture du département, en application de instruction du en ce qui concerne le Fonds « préconisant son classement dans la série K, considérant que l'aspect administratif de ses attributions l'emportait en fait sur leur aspect judiciaire. »[24].
La seule qui n'émane pas de tribunaux, la sous-série 1 U est composée des archives préfectorales concernant l'organisation de la justice :
les élections aux tribunaux de commerce, aux conseils de prud'hommes et tribunaux paritaires cantonaux et d'arrondissement de baux ruraux ;
la formation des jurys d'assises ;
le personnel judiciaire et les officiers publics.
Le Guide des Archives départementales de l'Eure fait une présentation assez détaillée de son fonds conséquent (17 mètres de métrage linéaire) :
Affaires générales concernant l'administration de la justice, circulaires, instructions, depuis l'an II ; personnel judiciaire : candidatures, traitements des juges, dossiers des titulaires et auxiliaires, greffiers, juges de paix, etc., an IX-1976 (avec lacunes).
Tribunal criminel : organisation, nominations, produits des émoluments du greffe, an VIII-IX ; Cour prévôtale : translation de déportés, 1813-1817 ; Cour d'Assises : extraits d'arrêts, 1811-1821 ; formation du jury criminel : correspondance, listes du jury, sommier des électeurs et jurés, convocations, 1808-1940.
Tribunaux divers : instruction, personnel, correspondance, an VIII-1928.
Juridictions commerciales. Tribunaux de commerce : affaires générales, élections consulaires (procès-verbaux et listes électorales), personnel, an IX-1975 ; conseils de prudhommes : procès-verbaux des élections et listes, 1810-1974.
Dépenses de l'Ordre judiciaire, comptabilité des tribunaux, frais de justice ; bureaux d'assistance judiciaire, 1854-1903 ; usages locaux ; officiers ministériels : affaires générales, conseils de discipline ; tableaux des notaires et des avocats, 1804-1939.
2U 109-145. Arrêts de la chambre civile. 1860-1941.
2U 146-159. Arrêts de la chambre d’accusation. 1861-1952.
2U 160-165. Arrêts de la cour d’assise. 1860-1954.
2U 166-197. Appels correctionnels. 1860-1940.
3 U - Tribunaux de première instance
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4 U - Justices de paix
À raison d'une justice pour chaque canton du département et par sa durée s'étendant de l'an VIII à 1958, cette sous-série est très volumineuse si toutes les archives ont été déposées et conservées (voir la question des éliminations). Elle est d'un grand intérêt[25].
5 U - Juridictions prud'homale
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6 U - Tribunaux de commerce
À titre d'exemple, l'essentiel du contenu de cette sous-série pour le Tarn et le tribunal de commerce de Castres est le suivant en reprenant les termes du guide des Archives :
Les sections des guides du Jura et de l'Oise décrivent plus en détail cette sous-série pour chacun de leurs tribunaux de commerce, détails récapitulés ci-dessous :
rôle général des causes : 1836-1954 (tribunal de Salins) ou rôle général pour l'inscription des causes : 1856…1912 (Oise)
registres d'audience : 1807-1899 (tribunal de Beauvais)
Répertoires des actes, tenus par les notaires : « La loi du -, art. 16, confirmée par la loi du 16 floréal an IV, obligeait les notaires, à tenir leurs répertoires en double exemplaire et à déposer l'un de ces exemplaires, dans les deux premiers mois de chaque année, au greffe du tribunal de leur immatriculation (l'exemplaire du répertoire conservé par le notaire, suit, après versements aux Archives départementales, le sort des minutes qu'il concerne, en sous-série 2E). » [26]
Sources complémentaires aux Archives départementales
Les guides et répertoires récapitulent souvent les fonds susceptibles de convenir davantage au lecteur ou d'apporter des données complémentaires ; en voici le sommaire inspiré par le plan de classement :
Série L : à voir pour la liaison autour de l'an VII et VIII avec la série U ;
Série M :
sous-série 1 M : affaires politiques, opinion publique, affaires diverses traitées par le cabinet du préfet ;
sous-série 4 M : rapports de police et de gendarmerie, sûreté générale, surveillance des étrangers, etc ;
Série N : sous-série 4 N - Bâtiments départementaux : tribunaux et prisons ;
Série O : sous-série 2 O - Bâtiments administratifs, contentieux communal ;
Série Q : séquestre, administration et contentieux des domaines, enregistrement des actes judiciaires ;
Série R : justice militaire ;
Série S : expropriations ;
Série T : surveillance de la presse ;
Série V : contentieux relatif à la séparation de l'église et de l'état ;
Série Y : établissements pénitentiaires.
Consultation et répertoires numériques
La plupart des fonds conséquents sont dotés de répertoires numériques individuels, parfois accessibles sur le Net, mais seuls certains réunissent tous ceux de la série et se prêtent par ailleurs à une édition, par exemple :
Place particulière doit être faite dans tout intérêt pour cette série à l'ouvrage de Jean-Claude Farcy intitulé Guide des archives judiciaires et pénitentiaires, 1800-1958 : la moitié de son millier de pages est notamment consacrée à dresser pour chaque département un état de cette série et de ses fonds.
Voir aussi
↑Entre 1790 et 1800, c'est dans la série L qu'il faut chercher les fonds judiciaires de la période révolutionnaire.
↑« La série U apparaît comme la plus volumineuse des séries modernes », p. 147 du guide des Pyrénées-Orientales.
↑Corse : « Fonds de la Cour d'appel de Bastia (la bombe qui est tombée sur le Palais de justice de Bastia a détruit de très nombreux documents). » p. 54 du guide.
↑« […] l'attention des lecteurs sera seulement attirée sur les énormes destructions que celle-ci [la série] a subi par suite des guerres de 1914-1918 et 1939-1945. » Guide des Archives de la Marne, p. 151.
↑Exemple d'avertissement au lecteur : « N.B. Les sous-séries ci-dessous correspondent au classement réglementaire de la série U, non au classement actuel en Savoie. » p. 319 du guide.
↑État actuel de classement de la série : comme annoncé plus haut, la série U des Archives départementales du Jura, telle qu'elle est ici présentée, selon le cadre de classement réglementaire, est une vue de l'esprit et préfigure le résultat des travaux à entreprendre. p. 251 du guide du Jura publié en 1993.
↑Fin 2009. Ces cotes sont probablement considérées comme provisoires.
↑« Ce n'est qu'après 1978 que fut entreprise la récupération des archives des justices de paix, restées le plus souvent à l'abandon dans les greniers des mairies des chefs-lieux de cantons lors de leur suppression en 1958. » Guide des Archives départementales du Jura, p. 251.
↑« Il convient d'indiquer que les versements d'archives judiciaires ont été, le plus souvent, opérés dans de mauvaises conditions matérielles […] Il est inutile de souligner l'intérêt des archives judiciaires, […] » Guide des Archives départementales de l'Oise, p. 401.
↑« En raison de l'extrême saturation de l'ancien dépôt des Archives départementales, très peu de fonds d'archives de justices de paix ont été versés. » Guide des Archives de l'Ain
↑« Les différends fonds qui la composent ont été séparés tant bien que mal, et une partie d'entre eux seulement a été repérée. » Guide des Archives départementales de l'Allier, p. 291.
↑« Nous nous sommes attaché à constituer fictivement les différentes sous-séries qui, en vertu de la réglementation en vigueur, doivent former la série U. » Guide des Archives départementales de l'Allier, p. 291. Avertissement semblable dans le guide des Hautes-Alpes p. 367.
↑« On s'est efforcé de tenir à jour le répertoire méthodique provisoire d'une manière qui permette d'apprécier la valeur du contenu de chaque future sous-série. » Guide des Archives départementales de la Sarthe, p. 243.
↑« […] les versements se font régulièrement, motivés surtout par l'exiguïté des locaux des greffes des différents tribunaux existant. » Guide des Archives départementales de l'Ain, p. 137.
↑« Dans les Pyrénées-Orientales, la série U apparaît actuellement comme la plus volumineuse des séries modernes. Elle se présente aussi comme la plus difficilement accessible, faute de classement même sommaire, et de tout véritable répertoire. » Guide des Archives départementales des Pyrénées-Orientales, p. 147.
↑« Ces documents ont une importance capitale pour l'histoire des mœurs, usages et objets de chicane, notamment pour les procès-verbaux. » Guide des Archives de la Sarthe, p. 249.
↑Guide des Archives départementales de l'Oise, p. 408
Sources
Guide des archives départementales dont plusieurs sont cités en références. Les guides intéressants de ce point de vue datant des années 1980 et des années 1990, les extraits donnés à titre d'exemple ou de citation doivent être rapportés à ces années, la série et les instruments de recherche associés ayant nécessairement peu ou prou évolué.