Le royalismeprotestant en France au XXe siècle est un courant de pensée qui vise à rétablir la monarchie de manière durable en France. Déjà présent au XIXe siècle, c'est au XXe siècle et plus particulièrement pendant l'entre-deux-guerres qu'il atteindra son apogée, avant de péricliter jusqu'à quasiment disparaître. Il connaît, durant les années 1990, un certain regain.
Souvent considéré comme appartenant à la droite protestante, le pasteur Élie Lauriol le considère comme ayant sa place au sein du christianisme social.
À la suite de la dissolution de la chambre, de nouvelles élections ont lieu le . Jean Teulon siège de nouveau à la Chambre. Il refusera, tout comme Robert-Auguste Creuzé, de prêter allégeance au roi Louis-Philippe[1].
En 1901, Gaston Mercier publie, aux Éditions Perrin, L'esprit protestant, Politique - Religion (1512 - 1900). Dans cet ouvrage, il distingue deux types de protestants, d'un côté les « vrais », fidèles au texte de la Déclaration de foi de 1872, et de l'autre les protestants libéraux adeptes de Félix Pécaut, partisans de Dreyfus et de l'école laïque, qu'il considère comme en dehors du culte réformé[4].
En 1906, l'industriel Gaston Japy adresse une lettre ouverte à Charles Maurras dans la Gazette de France. Il y évoque son mépris du Bloc des gauches et mentionne plusieurs protestants qui partagent son avis, tels que le député Georges Berger, l'avocat Maurice Sibille et le journaliste Émile Deshayes[3]. Le , La Revue publie les propos du géographe Onésime Reclus, où il dénonce le poids politique des protestants, qu'il considère disproportionné[4].
Fin 1911, apparait La revue La Bonne Cause. Disparue en , elle était liée à la Jeunesse protestante patriote[1].
En 1920, Freddy Durrleman fonde La Cause, une association destinée à la solidarité sociale et à l'évangélisation. Principalement urbaine, elle réunit des membres des classes moyennes et de la bourgeoisie. Dès 1928, La Cause anime des émissions religieuses sur Radio-Paris. En 1923, Henri Eberhard et Jean Cadier fondent la Brigade de la Drôme, organisation qui poursuit le même but que La Cause, mais principalement implantée dans les campagnes.
En 1925, Louis Lafon fonde la revue La Vie nouvelle qui , à l'instar de La Bonne Cause, dénonce l'anti-protestantisme de Charles Maurras et de l'Action française[1].
En 1926, un dénommé Francus publie, aux Éditions E. Sansot, La monarchie mais… confession de foi d'un protestant royaliste[3].
L’Association Sully (1925-1939), premier mouvement protestant royaliste
Fondée en 1925, sous le nom d'Action protestante, elle adopte le nom d'Association Sully en 1930[1],[6],[7]. D'obédience ultraroyaliste et légitimiste[6], elle est surnommée « petite cousine germaine de l'Action française » par l'historien Patrick Cabanel et entretient des liens étroits avec cette dernière[1],[6],[7],[8],après à son excommunication en 1926[8].
Elle est coprésidée par Eugène Kuhlmann, le colonel de Latour-Dejean et Louis de Seynes, frère d'Étienne de Seynes.
Alors qu'à cette époque, l'Action française réunit entre 60 000 et 70 000 membres[9], l'Association Sully, elle, réunit entre 4 000 et 5 000[1],[6],[7] des 800 000 protestants français, qui représente 1,9 % de la population[10].
Parmi ses membres, on trouve notamment Auguste Lecerf, Noël Vesper, Henri Boegner[1],[6],[7], Pierre Courthial, Louis Dupin de Saint-André, Roland Jeanneret, le général Abel Clément-Grandcourt, Roger Boutitie, Philipe Secrétan, Amaury de Seynes, Hugues de Cabrol, Pierre Guiminal[1] et, de manière éphémère, Roland de Pury[1],[6]. Principalement bourgeoise et urbaine, elle peut présente au sein du prolétariat ainsi qu'en zone rurale[1],[6],[7].
Elle édite plusieurs bulletins locaux, mais le plus important est le Bulletin du Groupe du Bas Languedoc de l'association Sully[1],[6],[7]. Il paraît à partir du et change son nom en Sully, en 1937[1],[11]et prend une envergure nationale[1].
Il atteindra les deux mille abonnés[6],[7]avec un tirage moyen de cinq mille exemplaires[6]. Sully disparaît une première fois en 1939, en même temps que l'Association Sully[1],[11].
Seconde Guerre mondiale, les Sullystes dans la résistance et la collaboration
Le Cercle Fustel de Coulanges, fondé par Henri Boegner en 1927[1],[6],[7], partiellement impliqué dans la collaboration, réuni de nombreux membres de l'Association Sully[6],[7].
Auguste Lecerf, lui, choisit le camp de la résistance[13], tout comme Roland de Pury[14], devenu partisan de Karl Barth[6],[7].
De manière plus globale, les protestants français, de tous bords politiques, furent très majoritaire hostiles à la collaboration. Un rassemblement a lieu en 1941, à Pomeyrol où les pasteurs condamnent le totalitarisme et l'antisémitisme du régime de Vichy[1].
Après la libération, l'Union des protestants monarchistes (1946-1957)
L'Union des protestants monarchistes est fondée en 1946[15]. Elle est animée par Roger Boutitie[1],[16] qui publia dans la revue Sully durant les années 1930, ainsi que Philippe Secrétan, Amaury de Seynes, deux anciens membres de l'AS, et le docteur André Schlemmer[1]. Elle réunit luthériens et réformés[16].
En , Roger Boutitie, assiste, à Lyon, à plusieurs conférences sur le christianisme social. Le pasteur Élie Lauriol, animateur de l'une d'entre elles, décrètera que les monarchistes protestants avaient leur place au sein de ce milieu[1].
En mai de la même année, l'UPM publie son premier cahier[16], ainsi qu'un second, en . À l'été 1948, elle fait paraître une brochure nommée Actualité de la monarchie. Elle publiera deux autres cahiers. Le dernier paraît en .
Durant l'année 1947, Boutitie et Schlemmer sont reçus trois fois à Paris, puis une nouvelle fois à Lausanne, par Henri d'Orléans, comte de Paris[1].
Selon Samuel M. Osgood, l'UPM est partisane du providentialisme[15],[16], position que réfute le politologue Patrick Louis, qui l'associe au « royalisme spirituel »[16].
Renouveau des années 1990
Bicentenaire de l’exécution de Louis XVI
Au tout début des années 1990, le protestantisme royaliste n'est plus qu'animé par les pasteurs Hugues de Cabrol et Roland Jeanneret, anciens membres de l'Association Sully, mais aussi par André Contamin ainsi que par Édouard Secrétan, fils de Philippe Secrétan. Ce dernier écrit alors un article sur le devoir de commémoration des Français envers leur roi défunt[1].
À partir de 1992, et jusqu'à son décès, en 2008, le protestant Pierre Campguilhem, signe de nombreux articles au sein de la Gazette royale, liée à l'Union des cercles légitimistes de France[17].
L'Association des réformés royaliste est fondée le [1],[20], à Aix-en-Provence[20], au domicile du pasteur Jean-Marc Daumas, dit « de Cornilhac »[1],[20] son coprésident aux côtés du pasteur Vincent Bru[1].
Bien qu'il considère le protestantisme comme l'un « quatre États confédérés » de la France, Charles Maurras se montre admiratif envers certains protestants ainsi qu'envers les militants de l'Association Sully. Il s'attaque davantage à l'interprétation faite de l'héritage protestant au XXe siècle[1].
En 1939, dans les lignes du no 13 de la revue Sully, Noël Vesper rédige le texte Révélation et Révolution. Dans ce dernier, il dit avoir toujours voulu démonter « le contrat tacite et la complicité que l'on nouait entre protestantisme contemporain et la politique de gauche. »[21]. Selon lui « Révélation et Révolution se rencontrent, s'affrontent et s’excluent depuis les premières pages de la Genèse. »[21],[22].
En 1989, lors d'une interview menée par Patrick Louis et François-Marin Fleutot, le pasteur Jean-Marc Daumas défend ses positions royalistes[1],[16]. Il rappelle l'importante tradition monarchiste des huguenots[16], mais aussi que la majorité des monarchies européennes existent dans des pays dont la population est principalement protestante, à savoir l'Angleterre, la Suède, le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas. Il mentionne qu'en 1715, à Monoblet, aux Montèzes, un synode eut cours où les pasteurs prièrent pour le rétablissement de Louis XIV, alors que ce dernier était en train de mourir[1],[16], et ce malgré les persécutions qu'ils subirent sous son règne. Il ajoute qu'ils furent aussi très majoritairement hostiles à l'exécution de Louis XVI, initiateur de l'édit de Versailles. Il déplore que, dans les milieux royalistes, on associe souvent la Réforme à la libre pensée. Il précise que le protestantisme n'a jamais eu vocation à former un nouveau culte, mais à revenir aux racines de ce dernier. Jean-Marc Daumas parle d'une « reformation » et non d'une « révolution »[16].
Bibliographie
Samuel M. Osgood, French Royalism Since 1870, 1970, p. 187
François-Marin Fleutot et Patrick Louis, Les royalistes, enquête sur les amis du Roi aujourd'hui, Albin Michel, 1989, p. 175 à 178
Patrick Louis, Histoire des royalistes, de la Libération à nos jours, Jacques Grancher, 1994
Patrick Cabanel, Les protestants et la République : de 1870 à nos jours, 2000 (ISBN978-2-87027-780-5)
Patrick Cabanel, Histoire des protestants en France, XVIe – XXIe siècle, 2012, p. 1082
Études universitaires
Grace Davie, RightWing Politics among French Protestants (1900-1944), with special reference to the Association Sully, doctorat, London School of Economics, 1975
Yves Freychet, « Sully », analyse politique d'un périodique protestant et monarchiste (1933-1944), sous la direction de Pierre Bolle et Jean Godel, 1980
↑André Encrevé, « Les protestants français au milieu du XXe siècle », dans La Cimade et l’accueil des réfugiés : Identités, répertoires d’actions et politique de l’asile, 1939-1994, Presses universitaires de Paris Nanterre, coll. « Sciences humaines et sociales », (ISBN978-2-8218-5109-2, lire en ligne), p. 41–63
↑Hilaire, Yves Marie,, Mayeur, Jean Marie, et Encrevé, André, 1942-, Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine. 5, Les Protestants, Paris, Beauchesne, , 534 p. (ISBN2-7010-1261-9 et 978-2-7010-1261-2, OCLC28358952, lire en ligne).
↑ abcdefgh et iPatrick Louis, Histoire des royalistes : de la Libération à nos jours, FeniXX réédition numérique, , 224 p. (ISBN978-2-402-10117-2, lire en ligne), p. 175 à 178.