Au XIXe siècle, les villes du sud de la Roumanie telles que Bucarest, Craiova, Galați et Brăila furent les refuges de nombreux révolutionnaires bulgares combattant pour l’émancipation du peuple bulgare, et attirèrent beaucoup d’émigrés politiques, tels que Sophronii de Vratsa, Petro Beron, Khristo Botev, Lyuben Karavelov, Georgi Rakovski, Panayot Hitov, Euloge et Hristo Georgiev. La Roumanie devint également le centre d’organisation du mouvement révolutionnaire bulgare contre les Ottomans : le comité central de ce mouvement fut fondé à Bucarest en 1869. La même année la société bulgare de littérature était établie à Brăila[2]. Certains Bulgares de Bessarabie (Boudjak) se trouvèrent eux aussi sous souveraineté moldave, puis roumaine entre 1856 et 1878 : c'est durant cette période que fut ouvert à Bolhrad le premier lycée bulgare[3].
Les relations entre les deux peuples et les deux pays étaient donc très cordiales et le sont restées jusqu’en 1913. Cette année-là, elles connurent une brutale dégradation lorsque l’état-major roumain, contre l’avis du Parlement, se lança durant la Deuxième guerre balkanique dans une campagne militaire contre la Bulgarie, lui arrachant une partie de son territoire : la Dobroudja du Sud. Cela fut perçu par l’opinion bulgare comme un « coup de poignard dans le dos » et, trois ans plus tard, pendant la Première Guerre mondiale, se traduisit par le massacre à la baïonnette des blessés roumains de la bataille de Turtucaia/Tutrakan (gagnée par la Bulgarie).
Cet épisode dramatique, instrumentalisé par la propagande de l’État roumain, imprégna l’opinion roumaine de l’idée que les Bulgares seraient des barbares, tandis que les Bulgares tenaient les Roumains pour des traîtres. Ni la rétrocession sans guerre de la Dobroudja du Sud par l'accord de Craiova en 1940, ni la « grande amitié prolétarienne bulgaro-roumaine » des années communistes avec la construction du « Pont de l’Amitié » entre Giurgiu et Roussé, ni même l’entrée simultanée des deux pays dans l’Union européenne en 2007 n’ont complètement estompé cette méfiance réciproque, et la situation des minorités, bulgare en Roumanie et roumaine en Bulgarie, s’en ressent encore en 2015[4],[5].
Notes et références
↑Petar Mutafčiev, Bulgares et Roumains dans l'histoire des pays danubiens, Sofia 1932