Le relargage du méthane de l'Arctique désigne plusieurs formes de rejet du méthane (CH4) contenu dans les mers, les écosystèmes sous-glaciaires et les sols du pergélisol arctique.
Ce processus se déroule naturellement sur des échelles de temps longues, mais il est probable que le changement climatique de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle accentue le phénomène. Le méthane étant un gaz à effet de serre, son relargage accéléré entraîne une rétroaction positive sur le réchauffement climatique, c'est-à-dire une accélération de celui-ci.
La région arctique et certaines zones sub-arctiques[3] diffèrent beaucoup de leurs homologues antarctiques de l'hémisphère sud. L'arctique est l'une des nombreuses sources actuelles de méthane[4].
Les variations futures des émissions arctiques de méthane sont incertaines, mais il existe un consensus sur leur probable augmentation, qui ajoutera ce méthane à celui d'autres sources (fossiles, marines, agricoles, issu des déchets, etc.) du fait de la démographie mondiale, de l’industrialisation de certains pays et de la demande croissante en énergie, ainsi que du réchauffement climatique.
Mais selon certaines sources[réf. nécessaire] en contradiction apparente avec ces « prévisions » la concentration mondiale en CH4 semble s'être stabilisée.
Cette zone forme une sorte de vaste écotone correspondant à la ligne de fonte du sol gelé. Le pergélisol et les hydrates de méthane se détériorent avec la chaleur. Ils peuvent alors libérer de grandes quantités de méthane, sous l'effet de sources locales de chaleur interne (d'origine volcanique) ou du réchauffement climatique global [5],[6]. D'autres sources de méthane existent, notamment les taliks sous-marins, le cours de rivières, le retrait des glaces, le pergélisol sous-marin et la décomposition de gisements d'hydrates de gaz[7].
Le réchauffement climatique amplifie le relargage de CH4 à partir des thermokarsts, pour au moins deux raisons :
La végétalisation du sol (en particulier quand il s'agit de plantes vasculaires de la toundra humide arctique) peut interférer de plusieurs manières (encore mal quantifiées et comprises), avec les émissions de méthane de l'écosystème[10] :
En 2018, les inlandsis sont encore indûment ignorés dans les « budgets » mondiaux du méthane[15],[16].
La vie microbienne, presque absente sur et dans la glace est au contraire intense sous la glace polaire arctique au contact des anciens sols organiques, chaque été, quand l'eau liquide est là abondante et circulante (des taux de 106–107 cellules bactériennes par millilitre d'eau ou de sédiment y sont courants[17] ; l'inlandsis arctique repose en effet en partie sur une invisible mais vaste zone humide encore riche en matière organique, issue d'anciennes toundra et tourbières qui prospéraient là durant les interglaciaires précédents).
Le cycle du méthane y est encore actif[18] mais la quantité totale ou annuelle de méthane relarguable en situation de réchauffement n'est pas encore évaluée.
Des indices (paléo-climatiques notamment[19]) laissent penser que ce CH4 pourrait cependant amplifier le réchauffement climatique[17],[20].
Les analyses isotopiques montrent que le méthane trouvé dans les eaux de fonte de cette région est bien d'origine microbienne. Une étude récente (2019) a conclu que la matière organique sous-glaciaire du Groenland pourrait avoir une masse et une interface avec l'eau de fonte suffisantes pour influencer les cycles biogéochimiques planétaires. Les scientifiques appellent à évaluer le métabolisme estival des microbes sous-glaciaires de l'arctique, et à étudier le bilan émission/puits des écosystèmes sous-glaciaires polaires, car chaque été, en situation anoxique des bactéries y décomposent la matière organique en libérant du CO2 et du CH4. Mais d'autre part, en périphérie du bassin (vers les exutoires d'eau de fonte), l'écosystème microbien sous-glaciaire est plus oxygéné et abrite là une grande quantité de bactéries méthanotrophes (qui « consomment » du méthane).
Les étés 2012 et 2013 des chercheurs ont commencé à étudier la biogéochimie des écosystèmes microbiens situés sous le glacier Russel (bordure ouest du Groenland), via les eaux de fontes drainées sous le glacier : là le méthane se montre essentiellement produit par des bactéries (Methanosarcinales et Methanomicrobiales). Mais en périphérie, la biomasse sous-glaciaire la plus active et abondante s'avère être composée de bactéries méthanotrophes de l’ordre des méthylococcales qui constituent, elles, au contraire un puits de méthane. Durant les deux étés 2012 et 2013, sous ce glacier Russel, le méthane dissous retrouvé dans l'eau de fonte drainée sous le glacier variait de 2,7 et 83 µm ; et sa concentration était toujours inversement corrélée à celle de l'oxygène dissous ; elle était par contre positivement corrélé à la conductivité électrique de l'eau. En conditions aérobie, plus de 98 % du méthane de l'eau sous-glaciaire échantillonnée était consommé en environ 30 jours d'incubation à 4 °C (taux d'oxydation microbienne[21] du méthane estimés à 0,32 µm/j) avec alors des émissions de CO2, mais moins « à effet de serre » que celles de CH4.
À chaque saison de fonte des glaces, se forment sous l'indlandsis des réseaux de ruisseaux, de torrents, tunnels, lacs, etc. Apparaissent alors en périphérie de l'indlansis des « bouffées » d'eaux sursaturées en méthane (CH4 (aq)). Ces eaux drainées sous la calotte glaciaire jusqu'à sa périphérie laissent alors rapidement une partie de leur méthane s'échapper dans l'air[22] (l'« évasion atmosphérique » est dans cette région le principal puits de méthane une fois que le ruissellement atteint la bordure de la calotte de glace) . Pour la zone étudiée, la première estimation de ce flux saisonnier était de 6,3 tonnes (moyenne ; allant de 2,4 à 11 tonnes) de CH4 dissous (CH4aq) transporté latéralement depuis le dessous de la calotte glaciaire.
L'hydrologie sous-glaciaire est moins connue sous une grande partie de l'arctique que sous certains glaciers alpins[23] ou dans certains contextes paléoclimatologiques européens[24]. Elle apparait en arctique être un facteur crucial dans le « contrôle » des flux de méthane de la calotte glaciaire. En effet, lors du drainage des eaux saturées en méthane, seul 17 % de ce méthane exporté est oxydé, le reste passant dans l'air[25]. En arctique, les flux de diffusion de méthane sous-glaciaire (4,4 à 28 millimoles de CH4 par mètre carré et par jour), rivalisent donc avec les émissions des grands fleuves mondiaux (elles aussi longtemps sous-estimées et pour cette raison non-prises en compte dans les bilans globaux)[26].
On constate que plus le climat se réchauffe, aujourd'hui et lors des interglaciaires précédents, plus l'asymétrie des taux de méthane augmente entre les deux pôles. Pendant les périodes interglaciaires précédentes, les concentrations de méthane dans l'atmosphère terrestre étaient environ deux fois plus élevées que les valeurs les plus faibles relevées au cours d'un âge glaciaire.
Les concentrations dans l'atmosphère arctique sont 8 à 10 % plus élevées que dans l'atmosphère de l'Antarctique.
Au cours des périodes glaciaires, ce gradient entre l'Arctique et l'Antarctique s'était réduit pour atteindre un niveau négligeable[27].
Les écosystèmes terrestres sont considérés comme la principale source d’asymétrie, même s'il a été souligné que le rôle de l'océan Arctique est largement sous-estimé[28]. Il a été démontré que la température du sol et le niveau d'humidité avaient un impact important sur les échanges de méthane dans la toundra[29],[30].