Une révolution sociale désigne une rupture du système réalisée directement par la société. C'est une transformation radicale globale de l'ensemble des relations sociales quotidiennes et des interactions d'un groupe humain au sein d'un espace donné.
A contrario du mythe du Grand Soir ou de la révolution politique, c'est un processus « ascendant » - par opposition à ceux dirigés du haut vers le bas par des avant-gardes politiques - dans le but de réorganiser l'ensemble de la société. La « révolution sociale » c'est « la capacité collective des gens à transformer radicalement leurs conditions d'existence »[1].
Ainsi, une révolution sociale n'est pas centrée sur la prise du pouvoir politique (il ne s'agit pas de remplacer un pouvoir politique par un autre), mais sur la réappropriation du pouvoir de chacun des membres de la société, un « processus d'égalisation radicale des conditions et de lutte contre toutes les formes de domination »[1].
Un des exemples les plus anciens de révolution sociale (quoiqu'écrasée par les princes du Saint-Empire) est la Guerre des Paysans allemands, qui se déroula entre 1524 et 1526. Ses actions et revendications ont beaucoup de traits communs avec la Révolution française, plus de deux siècles et demi avant celle-ci. Le manifeste des "douze articles" de Memmingen (1525) est le plus éloquent sur les objectifs des insurgés. L'historien allemand Peter Blickle a conceptualisé ce mouvement sous la formule "Révolution de l'homme du commun".
Dans son ouvrage, Hommage à la Catalogne, George Orwell rend compte de la profondeur de ces changements au travers d'une anecdote : « Les serveurs et les clients te regardaient en face et te traitaient comme un égal. Les formes de discours servile et même cérémoniales avaient temporairement disparu. Personne ne disait « monsieur » ni même « vous » ; tout le monde appelait tout le monde « camarade » et « tu », disait « salut » au lieu de « bonjour ». Les pourboires étaient interdits par la loi, ma première expérience fut d'avoir été sermonné par un responsable de l'hôtel pour avoir essayé de donner un pourboire à un employé. »[3]
Mikhaïl Bakounine voit dans cette révolte spontanée qui établit une commune libre cherchant à promouvoir le fédéralisme et prônant des rapports contractuels « la première manifestation éclatante et pratique » de l'anarchisme. Pour les anarchistes, l'échec de la Commune contient de riches et précieux enseignements. La Commune, maintiennent-ils n'a pas été assez loin dans la décentralisation ; elle n'a pas mené à terme le processus de destruction de l'État en son sein ; elle n'a pas poussé jusqu'à l'autogestion les reformes entreprises sur le plan économique ; elle n'a pas achevé son mouvement vers une authentique et complète démocratie participative ; enfin, elle n'a pas complété ses révolutions politiques et économiques par une révolution sociale[5].
Kropotkine écrira en ce sens que les communards ont essayé de consolider la Commune d'abord, en remettant à plus tard la révolution sociale, « tandis que l'unique moyen de procéder était de consolider la Commune par la révolution sociale »[6].
Les idées reposaient en grande partie sur : une très forte décentralisation, appelée « cantonalisme » en Espagne, dans le domaine administratif ; la collectivisation et l'autogestion dans le domaine économique ; le libéralisme dans les domaines moraux et sociaux ; un anticléricalisme virulent dans le domaine religieux ; le rationalisme dans le domaine éducatif.
↑« Première révolution sociale du XXe siècle, la Révolution mexicaine avait donc aussi été, après le déchaînement de la violence, une révolution culturelle » - Romain Robinet, La Révolution mexicaine, Une histoire étudiante, Presses universitaires de Rennes, 2017, [lire en ligne] p. 12 [PDF].