C'est le CSA qui guide la mise en place de la ceinture des leucogranites en feuillets ou en lobes qui la jalonne, depuis la pointe jusqu'à Nantes. Sur le plan pétrographique, ce massif est ainsi constitué par un leucogranite à deux micas (biotite et muscovite) de grain très fin (millimétrique) dont le faciès varie selon la distance au cisaillement[Note 1]. « La texture grenue devient fréquemment mylonitique planaire. Les grains de quartz forment des structures en mortier autour des autres minéraux. Le microcline est dominant, son maclage fin est souvent estompé par la tectonique. Le plagioclase (oligoclase) est automorphe. Les muscovites losangiques sont nettement plus abondantes que les biotites plus petites et plus nettement orientées, ce qui indiquerait une muscovitisation tardive. Sphène et apatite sont les minéraux accessoires. La muscovitisation affecte généralement le granite dans sa masse ». Cette roche plutonique présente une déformation très hétérogène qui se traduit notamment par un débit en lames de quelques décimètres d'épaisseur, très redressées et orientées est-ouest (orientation plus ou moins mylonitique), parallèlement au CSA. Les axes de structuration hercynienne (N 110 °E) s'expriment par les deux grands accidents linéamentaires et la morphologie actuelle de la pointe[5].
Source : Climatologie mensuelle à la pointe du Raz (1961-1990)[6]
Lieu touristique
Le peintre Eugène Boudin, un des mentors de l'impressionnisme, séjourne dès 1855 en Bretagne et y effectuera plus de 23 déplacements. Il fait un long voyage entre Le Croisic et la pointe du Raz en passant par Pont-Aven[7].
Pointe du Raz, vue de la pointe du Van
Pointe du Raz, vue de la baie des Trépassés
Site naturel de notoriété internationale, il fait l'objet d'une importante fréquentation touristique (en 1990, 1/2 million de visiteurs par an pour 4 300 habitants, 1 million aujourd'hui). Cette pression humaine, et notamment le sur-piétinement qui conduit à la dégradation paysagère et écologique du site, a nécessité des mesures de protection environnementale dans le cadre d'une opération Grand site national, pour restaurer son couvert végétal composé principalement de bruyère, et d'une mise en valeur du territoire. Cinq hôtels se sont partagés la pointe simultanément. Ils sont détruits par l'armée allemande à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Deux sont reconstruits sur le site inscrit en 1942 : l'hôtel de l'Iroise en 1952[Note 3] et l'hôtel de l'Atlantique six ans plus tard. En 1958, les élus locaux décident de rationaliser le développement de baraquements commerciaux et votent la construction d'une cité commerciale qui sort de terre en 1962. Regroupant quatorze enseignes jouxtant le sémaphore, elle est organisée autour d'un parking payant l'été de deux hectares en forme de « piste d'aviation » et recouvert d'un bitume rouge, peut-être supposé évoquer la couleur des bruyères en fleurs[Note 4]. Le programme gouvernemental « cent mesures pour l'amélioration de l'environnement » en 1970, visant à restaurer la naturalité de la pointe, se heurte à la réticence des commerçants et au projet de centrale nucléaire de Plogoff qui remet en cause l'argumentaire pour la préservation du site. La pointe est un site classé le 21 décembre 1987 et est inscrite au programme de réhabilitation des grands sites nationaux dégradés. Les deux hôtels sont démolis en juin 1996, et la cité commerciale en avril 1997. Parallèlement, un nouveau centre commercial et deux parkings sont construits 800 mètres à l'est du sémaphore[Note 5], dans la vallée de Bestrée[Note 6], pour être à peine visibles de la pointe, des chemins de randonnée sont aménagés et à partir de 1995, des méthodes de restauration passives (mise en défens par monofil ou bifils) mais aussi actives (revégétalisation par reconquête spontanée, transplant de mottes, dépôt de broyats de lande fauchée, ensemencement hydraulique) sont mises en œuvre et font l'objet de suivis scientifiques réguliers par des chercheurs du SEPNB, en liaison avec le Conservatoire botanique national de Brest et le Conservatoire du littoral[8],[9]. La réhabilitation est menée en 1996-2000 dans le cadre d'un programme financé par l'État et des entreprises mécènes pour faire de ce lieu un Grand site de France. Cette gestion lui a valu l'obtention du label Grand Site de France en 2004, puis son renouvellement sur un périmètre étendu en 2012 (ensemble des espaces naturels côtiers, soit 2 000 ha et 4 communes), suivi d'un second renouvellement le 31 juillet 2019 (8 700 ha et 5 communes)[10]. Le Syndicat mixte pour l'aménagement et la protection de la pointe du Raz et du Cap Sizun (rassemblant la communauté de communes Cap Sizun - Pointe du Raz, le Conservatoire du littoral et le conseil départemental du Finistère) assure la gestion du site.
L'Enfer de Plogoff, galerie creusée par la mer sous la pointe, est réputé pour être le lieu où le flot dépose les noyés. Il est ainsi décrit dans une revue touristique en 1907 : « ...gouffre en forme d'entonnoir où la mer s'engage et gronde avec de sourdes détonations jusqu'à la paroi abrupte où l'on voit, en se penchant, le jour et la mer de l'autre côté d'une fissure qui perce comme un tunnel la masse du cap.»[11]
Un espace commercial et un parking payant sont construits à une distance respectable, reliés au site par une navette de bus et des chevaux du centre équestre de Plogoff. Un sentier européen de grande randonnée de 3 050 km, le sentier européen E5, relie la pointe du Raz à Venise. Le GR34, qui longe toutes les côtes bretonnes depuis le mont Saint-Michel jusqu'à Saint-Nazaire passe également par ce site. L'itinéraire touristique « Route du vent solaire »[12] va de la pointe du Raz à celle de Penmarch en longeant la baie d'Audierne.
Les rochers (Gorle Greiz) situés à l'ouest de la pointe du Raz vus de la mer.
Le terme raz désigne en breton un courant rapide. Cependant le terme breton est un emprunt au français ras, raz de même sens [13],[14]. Il est issu du norroisrás par l'intermédiaire du vieux normand ras (attesté dès 1120 avec le Ras de Catte, aujourd'hui raz de Barfleur). Il a également donné le composé raz-de-marée et est de même origine que le mot anglaisrace « course », mentionné dès le XIIIe siècle, également au sens de « fort courant d'eau », issu lui aussi du norrois[15].
Avant le XIXe siècle, la Marine royale mentionnait le passage ou la pointe du Raz de Fontenoy (puis Fontenay). Cela distinguait ce « raz » par la fontaine (ou plutôt la source) située dans une crique se trouvant à 1 km de la pointe, sur la face Sud du promontoire. Ce lieu est toujours dénommé Feunteun aod, la fontaine de la côte en breton, laquelle était appréciée des bateaux, même de très grande taille, pour s'y ravitailler en eau, car la mer y est très profonde à peu de distance de la côte.
Au XIXe siècle, c'est l'appellation Bec du Raz, démarquage du nom breton, Beg ar Raz qui prévalait dans l'administration des « phares et fanaux ». Le passage du Raz tend ensuite à être dénommé le Raz de Sein.
La pointe du Raz en 1899 (photographie de Marcel Monmarché)
« Dans l'entre-deux-guerres, la pointe du Raz est élevée au rang de curiosité touristique nationale patronnée par le Touring Club de France. (...) Autour des hôtels, des cabanons, des garages et des kiosques à souvenirs fleurissent de manière anarchique, les voitures automobiles roulent à même la lande, les bibelots « soi-disant bretons » ont pignon sur étal (...). Les amoureux du lieu s'émeuvent. En 1928 un journaliste de La Dépêche de Brest et de l'Ouest écrit sur cette foire de bric et de broc un article au vitriol intitulé sans ambiguïté « On est en train de saboter la pointe du Raz »[16].
Les phares et feux du Raz de Sein
Depuis l'Antiquité, le passage entre la pointe du Raz et l'île de Sein, appelé le Raz de Sein, était réputé comme très dangereux pour la navigation et plus particulièrement, la nuit et à la mauvaise saison, en raison de la violence de ses courants marins. C'est pourquoi le phare de la pointe et le phare de l'île furent bâtis dès que les progrès réalisés, durant le premier tiers du XIXe siècle dans les moyens d'éclairage et les équipements optiques, le permirent.
Le rapport de la commission des phares, adopté en 1826, qui définissait le premier réseau d'éclairage maritime français, prévoyait un « phare de premier ordre » à feu fixe au Bec du Raz (ou du Ras)[17]. Ce phare d'environ 18 m de hauteur fut construit sous cette appellation en 1839 et allumé en même temps que celui de l’Île de Sein. Il fut éteint en 1887, car remplacé par le phare habité de la Vieille.
Une tourelle en tôle portant un feu plus modeste fut établi vers 1870 à flanc de falaise au Nord-Ouest afin de créer un alignement phare-feu pointant sur l'îlot de la Vieille. Il était appelé « feu de la falaise du Raz » et fut également éteint en 1887[Note 7],[18].
Feu de la falaise du Raz de Sein (vers 1883)
La base du phare du Bec du Raz fut alors remaniée pour en faire un sémaphore.
Un phare habité, le phare de Tévennec, fut construit de 1869 à 1874 sur l'îlot de Tévennec et fut allumé en 1875. En 1910, il fut transformé en feu permanent sans gardien. En 1887, les travaux de la tourelle de la plate furent entrepris sur le platier de « la Plate » non loin du phare de la Vieille alors en construction et ne furent achevés qu'en 1909.
Accès
L'accès au site est possible en voiture par la D 784 avec un parking payant sauf pour les habitants du Cap Sizun et de l'Île de Sein. Le réseau des autocars BreizhGo dessert aussi le site, avec la ligne 53B le samedi et en transport à la demande le reste du temps[19].
Notes et références
Notes
↑« Ces granites à deux micas présentent une grande variété de faciès en fonction des textures mais aussi en fonction des proportions de biotite et de muscovite. La biotite est parfois absente. Leur granulométrie est variable : à gros grain, à grain moyen et à grain fin. Les faciès dépendent de l'intensité de la déformation subie et sont très changeants en fonction de la distance au cisaillement. D'un faciès isotrope éloigné de la faille, on passera au faciès développant les structures C/S (Cisaillement/Schistosité) générées par la déformation ; puis, au plus près du cisaillement, le leucogranite sera méconnaissable car transformé en mylonite ou en ultramylonite par l'écrasement. En termes d'exploitation granitière, le faciès "jaune aurore" de Bignan est l'un des leucogranites le plus connu », sa nuance jaunâtre résultant de l'oxydation homogène de la surface du massif, sur plusieurs mètres voire sur plus d’une dizaine de mètres d’épaisseur. Source : Indication Géographique Granit de Bretagne
↑Hôtel tenu par Marie Le Coz, il a un côté symbolique et pittoresque qui a mobilisé de nombreux sympathisants pour éviter sa démolition. Cf Agnès Guellec, Le ressource culturelle et les collectivités territoriales, Association pour l'étude du fait départemental, , p. 236.
↑L'ensemble est construit avec des matériaux de la région : toiture en ardoises, parements en pierre locale des bâtiments du centre, murets en pierre sèche qui dissimulent les parkings pour automobilistes et camping-caristes.
↑Doté d'une cale et d'un petit môle, le port-abri de Bestrée a été jusqu'au XXe siècle l'embarcadère pour l'île de Sein et pour la relève des gardiens des phares de la Vieille et d'Ar-Men. Un treuil est installé pour remonter le poisson par les pêcheurs locaux. Cf Alain Lozac'h, Ports de Bretagne Atlantique, Coop Breizh, , p. 178.
↑Figure 9 : Les divers domaines constitutifs de la zone sud armoricaine, tiré de Carine Cartier, « Structure de l’unité de Saint-Georges-sur-Loire et du domaine ligérien (Massif Armoricain). Implications géodynamiques pour la chaîne hercynienne », Géologie appliquée, Université d’Orléans, 2002, p. 24
↑C. Lorenz, Géologie des pays européens: France, Belgique, Luxembourg, Dunod, , p. 135.
↑Notice de Denise Delouche, in: Les Noms qui ont fait l'histoire de Bretagne, 1997, p. 56. Au moins onze rues portent son nom en Bretagne
↑Bernard Fichaut, Max Jonin, Maurice Le Déméz, Frédéric Bioret, « La pointe du Raz, (Finistère, France) : Aménagement modèle ou modèle d'aménagement ? », Cahiers Nantais, nos 47-48, , p. 303-308.
↑Jean-Yves Desdoigts, « L'extrémité du Cap Sizun : restauration de la nature et tourisme. L'opération grand site de la pointe du Raz, de la pointe du Van et de la baie des Trépassés », Norois, no 186, , p. 283-293 (lire en ligne).