Philippe Lekeuche, né en 1954 à Tournai, est un poète, académicien, et professeur d'université.
Biographie
En 1966, alors âgé de 12 ans, il écrit ses premiers poèmes. Il découvre et lit assidûment l'œuvre de Charles Péguy. En 1968, il rencontre le poète Madeleine Gevers. Durant dix ans, il en est l'élève. Elle-même avait été l'élève de Michel de Ghelderode autour des années 1920[1]. Il est accueilli, en 1970, chez Maurice Carême qui lui transmet une série d'enseignements et le convainc de renoncer à son pseudonyme de l'époque et de signer désormais ses poèmes de son nom propre.
En 1976, sous le conseil du Professeur Jacques Schotte dont il est l'un de ses étudiants, il s'intéresse à la poésie allemande et lit, dans le texte original, les œuvres de Friedrich Hölderlin et Rainer Maria Rilke. La même année, le Professeur Alphonse De Waelhens, éminent philosophe et traducteur de Heidegger, l'invite à participer à son séminaire privé de psychanalyse dans les combles de l'Institut de Philosophie à Leuven, il y est le seul étudiant admis.
En 1980, il séjourne au Szondi Institut à Zürich où il travaille avec Léopold Szondi, le grand psychiatre et psychanalyste hongrois, fondateur de l'Analyse du destin (Schicksalsanalyse). Lekeuche accomplit ensuite son service militaire durant lequel, blessé à la jambe et hospitalisé à Anvers[2], il écrit une étude sur Arthur Rimbaud qui paraît dans Les Cahiers internationaux de symbolisme de Claire Lejeune en 1983[3], année durant laquelle, alors assistant du Professeur Jacques Schotte (psychiatre et psychanalyste de renommée mondiale), il donne à l'Université de Louvain un cours de trente heures sur Les Frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski[4].
En 1985, Maurice Blanchot, romancier et critique littérairefrançais, lui écrit plusieurs lettres à la suite de l'envoi de quelques poèmes dactylographiés. Dans l'une d'elles, Blanchot lui écrit : « Ne vous laissez influencer par personne, pas même par Dieu »[5].
Il obtient son doctorat en psychologie le 5 mai 1987 (parmi le Jury figuraient Henri Maldiney et Roland Kuhn) et publie, la même année, Le chant du destin, avec une préface de Jacques De Decker et des peintures monochromes du peintre Jean Dalemans, aux éditions Cadex à Montpellier. Il se lie d'amitié avec le poète Jean Tordeur, critique littéraire au quotidien Le Soir. Cette année-là, Tordeur donne à lire le tapuscrit du nouveau recueil de poèmes de Lekeuche, Si je vis, à Liliane Wouters qui décide de le publier dans la collection Feux qu'elle vient de fonder aux éditions Les Éperonniers à Bruxelles. Tordeur consacrera un article élogieux à Si je vis dans le quotidien Le Soir[6].
Lekeuche écrit, en 1992, une étude sur Conservateur des charges de Tordeur, qui est publiée dans la revue Source de la Maison de la Poésie de la ville de Namur que dirige le poète Eric Brogniet. Le , par l'entremise d'Alain Bosquet, le quotidien Le Figaro publie son poème L'étranger.
Nommé Professeur de psychologie clinique à l'Université de Louvain en 1994, il poursuit en parallèle son activité de psychothérapeute (psychanalyse), notamment avec les grands toxicomanes et les personnes schizophrènes au "Solbosch" à Bruxelles, puis à l' "Unité 21", Service de psychiatrie des Cliniques Universitaires Saint-Luc à Woluwe, enfin au Centre de Guidance de Louvain-La-Neuve.
En 1995, Claude-Michel Cluny consacre un article très élogieux au dernier recueil du poète, L'existence poétique, dans le numéro de novembre du magazine Lire[7]. La même année, il reçoit le Prix Triennal de Poésie de Belgique pour Celui de rien (paru en 1993).
Il publie plusieurs recueils dont L'État rebelle en 1998, ainsi que Solaire en 1999 et, en 2003, L'homme traversé - Sonnets de la passion, ensemble composé de 70 sonnets écrits en poésie métrique et en vers réguliers. Suivra, en 2005, Cette maladie, au nom perdu aux éditions Jacques Brémond, avec des interventions plastiques de Serge Lunal.
Le , André Velter dédie son émission Poésie sur parole (sur France Culture[8] ) à Le plus fou des hommes et Le feu caché qui viennent de paraître. Le de cette année, Thierry Génicot consacre son émission radiophonique La pensée et les hommes (RTBF) à ces deux mêmes recueils.
Chez le poète, la démarche poétique participe d'une totale radicalité. Pour lui, la Poésie est un absolu, une visée transcendantale trouvant son origine dans un "Ailleurs", une autre dimension, un autre espace-temps du Monde. Elle n'est pas, originairement, affaire de langage et le poème, en son essence, n'est pas fait de mots. Être vivant, organisme organisé dans la matière préverbale de la vie, il est seulement capté après-coup par une langue qui, à la fois, le révèle et l'occulte[9]. Quant à la Poésie, elle est, selon la formule de Novalis, le "Réel absolu" (das echt absolut Reelle)[10].
En paraît L'Éperdu. Jean-Claude Hauc y consacre un article dans Les lettres françaises où il écrit : "L'extrême abandon à ce que nous ignorons et le refus de toute imposture caractérisent depuis toujours la démarche de Lekeuche, faisant songer au courage poétique dont parle Hölderlin"[11]. De même, Pierre Maury dans Le Soir[12], qui avait, en 2008 également, consacré un autre article au poète[13].
Outre de nombreux articles dans le domaine de la psychologie clinique, Lekeuche est l'auteur d'articles sur des poètes ou écrivains contemporains tels que Jean-Claude Hauc, Eric Brogniet, Fabien Abrassart, Yves Namur[14], Jean-Marie Corbusier, Jean Tordeur ou encore Liliane Wouters qui lui fera don, en 2013, d'une préface pour Le jour avant le jour. En 2014, paraît Une vie mélangée et, en 2015, L'éclat noir du désir ; enfin, en 2018, Poème à l'impossible, un long poème, d'un seul tenant, creusant la question du lien entre l'amour et la création poétique, articulation pensée ici dans sa dimension tragique : ce n'est pas l'amour qui est "impossible", c'est plutôt l'impossible qui est la condition même de l'acte poétique.
En 2015, le numéro 57 de la revue Nu(e), coordonné par Myriam Watthee-Delmotte, directrice de recherche au F.N.R.S. et professeur à l'UCL, fut consacré à sa poésie et rassemble de nombreuses contributions de plasticiens, de poètes et d'universitaires tant belges qu'étrangers.
Les éditions Le Taillis pré publient en l'édition en un volume, revue et remaniée, de Si je vis (1988), Celui de rien (1993) et L'état rebelle (1998) sous le titre L'éclat noir du désir.
En 2007, Philippe Lekeuche crée le cours Psychologie, littérature et création, à l'Université de Louvain. Professeur de psychologie clinique en cette université, il mène, depuis 1993, des recherches sur le traitement psychothérapeutique de la schizophrénie, dans le champ de la psychanalyse et de la phénoménologie clinique, ainsi que sur le rapport entre la création en art et son approche psychanalytique. Dans ce cadre, il a dirigé des études sur Kafka, Hölderlin, Rimbaud, Baudelaire, Verlaine, Virginia Woolf, Duras, Camus, Nietzsche.
Par ailleurs, il collabore avec diverses revues littéraires : Le journal des poètes, Francophonie vivante, Europe, Les Lettres françaises.
Il pratique également la photographie depuis 1968.
En 2019, il devient Professeur émérite de l'Université de Louvain (psychopathologie, psychanalyse, phénoménologie clinique).
↑Communication du 13 novembre 2021 à l'Académie Royale de langue et de littérature françaises de Belgique - Voir le texte sur le site de l'Académie à la rubrique Communications.
↑Novalis, Fragmente. Erste, vollständig geordnete Ausgabe hg. von Ernst Kamnitzer, Jess Verlag, Dresden 1929.