Conçu par la NASA et utilisé de à , il était l'un des cinq concepts d'avions étudié pendant le programme, et l'ultime évolution du M2-F2, qui a été reconstruit et lourdement modifié après son violent crash de [1]. Comme pour le M2-F2, « M » signifiait « Manned » (avec un pilote à bord), et « F » signifiait « Flight » (appareil prévu pour le vol). Son concept initial fut étudié par les ingénieurs au Centre de recherche Langley de la NASA, à Hampton, en Virginie, bien que sa reconstruction ait été effectuée par la Northrop Corporation.
Conception et développement
Le programme des « lifting bodies » de la NASA commença dès le début des années 1960 avec le prototype léger M2-F1 en contreplaqué, et se poursuivit avec son évolution « lourde » M2-F2, tout en aluminium. Ce dernier appareil subit un crash violent à l'atterrissage en , qui le détruisit presque complètement et faillit tuer son pilote, Bruce Peterson[2],[3].
Après son crash de 1967, il ne restait quasiment rien d'intact sur le M2-F2. Sa dérive gauche avait été arrachée, son train d'atterrissage aussi, la verrière avait été écrasée, la totalité de son revêtement était cabossée et la structure interne avait été assez lourdement touchée[3],[4]. Le M2-F2 avait toutefois permis de collecter de nombreux résultats, et il permit de se lancer dans la fabrication de nouveaux concepts. Ainsi, alors que tout espoir semblait perdu de le revoir un jour voler, il fut entièrement désossé et reconstruit par les équipes de Northrop, en collaboration avec les ingénieurs de l’Ames Research Center, après trois ans de travail laborieux[1], et reçut le nom de M2-F3[5].
Lors des vols du M2-F2, les pilotes et les ingénieurs avaient noté la grande instabilité latérale de l'appareil, et lors de sa reconstruction il fut équipé d'une dérive verticale supplémentaire entre les deux dérives latérales, et ces dernières furent un peu reculées. L'appareil fut également équipé d'un système de contrôle par réaction, orientant l'appareil sur son axe de roulis grâce à l'éjection de gaz par de petites tuyères, comme sur le X-15[5]. Il fut également doté d'un système d'augmentation d'amplitude des commandes de vol et d'un mini-manche latéral, un dispositif qui est depuis très utilisé sur les avions modernes[1]. Lors d'essais effectués en soufflerie, l'appareil s'avéra nettement plus stable que son prédécesseur, bien qu'étant toujours assez éprouvant à piloter. La présence de la troisième dérive verticale supprimait les risques d'apparition du phénomène oscillatoire désigné « oscillation induite par le pilote(en) », qui avait affecté le M2-F2 pendant ses premiers vols. Les différentes transformations subies pour donner naissance au M2-F3 coûtèrent la somme de 700 000 dollars[5].
Le M2-F3 effectua son premier vol le , avec le pilote de la NASA William « Bill » Dana aux commandes. Le nouvel avion démontra une bien meilleure stabilité latérale et une meilleure réponse aux commandes que l'ancien modèle, et seulement trois vols planés furent nécessaires avant le premier vol propulsé, le . Le 100e vol de l'ensemble des corps portants « lourds » du programme fut effectué le , Bill Dana atteignant à cette occasion une altitude de 20 200 m et une vitesse de Mach 1,370. Au cours de ses 27 missions, le M2-F3 atteignit une vitesse maximale de Mach 1,6. L'altitude la plus élevée fut atteinte le , jour de son dernier vol, avec une altitude de 20 790 m. Le pilote aux commandes était alors John Manke.
Le système de contrôle par réaction (en anglais : reaction control thruster, RCT), similaire à celui installé sur les véhicules placés en orbite, permit d'obtenir des données sur l'efficacité d'un tel système pour le contrôle de l'appareil. Vers la fin du programme, le M2-F3 fut également équipé du système de commandes augmentées et son mini-manche latéral. Ce système est désormais très employé dans les aéronefs modernes de tous types.
À la fin du programme, la NASA donna le prototype à la Smithsonian Institution en . Il est actuellement suspendu à l'intérieur du National Air and Space Museum, à côté du X-15 no 1, qui était jadis son partenaire de hangar à Dryden de 1965 à 1969[6].
Après son violent crash de à bord du M2-F2, Bruce Peterson ne retourna jamais aux commandes d'un prototype, et il ne pilota donc jamais le M2-F3. On ne le revit que quelques années plus tard à bord d'avions plus conventionnels, tels les F-8 Crusader et F-111 Aardvark[4].
Les vols du M2-F3
Il n'y eut qu'un seul exemplaire du M2-F3, reconstruit à partir du M2-F2 et portant le même numéro de série « NASA 803 ». Il effectua 27 vols, dont trois en plané et les autres avec la propulsion activée[7].
Numéro du vol
Date
Pilote
Vitesse maximale
Nombre de Mach
Altitude
Durée du vol
Commentaires
01
Dana
755 km/h
Mach 0,688
13 716 m
0 h 3 min 38 s
1er vol Vol plané non propulsé
02
Dana
708 km/h
Mach 0,660
13 716 m
0 h 3 min 48 s
Vol plané non propulsé
03
Dana
690 km/h
Mach 0,630
13 716 m
0 h 3 min 56 s
Vol plané non propulsé
04
Dana
859 km/h
Mach 0,809
15 819 m
0 h 6 min 17 s
Premier vol propulsé
05
Gentry
755 km/h
Mach 0,707
13 716 m
0 h 4 min 1 s
-
06
Dana
821 km/h
Mach 0,773
13 716 m
0 h 5 min 48 s
Seulement deux chambres allumées sur les quatre que comporte le moteur
07
Dana
988 km/h
Mach 0,930
18 440 m
0 h 5 min 53 s
-
08
Dana
1 035 km/h
Mach 0,974
18 897 m
0 h 6 min 55 s
-
09
Dana
1 164 km/h
Mach 1,095
20 513 m
0 h 6 min 30 s
1er vol supersonique
10
Dana
772 km/h
Mach 0,728
12 801 m
0 h 3 min 30 s
Incendie moteur
11
Dana
784 km/h
Mach 0,739
13 716 m
0 h 3 min 35 s
-
12
Dana
1 357 km/h
Mach 1,274
21 579 m
0 h 6 min 31 s
-
13
Dana
861 km/h
Mach 0,811
14 264 m
0 h 7 min 31 s
Seulement deux chambres allumées
14
Dana
1 049 km/h
Mach 0,989
18 562 m
0 h 7 min 0 s
-
15
Gentry
1 168 km/h
Mach 1,101
20 482 m
0 h 6 min 15 s
-
16
Dana
1 344 km/h
Mach 1,266
20 330 m
0 h 6 min 16 s
-
17
Dana
935 km/h
Mach 0,880
14 020 m
0 h 6 min 27 s
Léger incendie moteur
18
Dana
1 424 km/h
Mach 1,340
20 330 m
0 h 6 min 7 s
-
19
Dana
1 450 km/h
Mach 1,370
20 208 m
0 h 6 min 16 s
100e vol du programme des corps portants de la NASA
20
Manke
961 km/h
Mach 0,905
14 536 m
0 h 5 min 59 s
-
21
Manke
1 292 km/h
Mach 1,213
21 732 m
0 h 6 min 18 s
-
22
Powell
961 km/h
Mach 0,906
14 264 m
0 h 6 min 4 s
-
23
Manke
1 524 km/h
Mach 1,435
20 330 m
0 h 6 min 17 s
Atterrissage prévu sur le lit du lac asséché de Rosamond
24
Powell
1 432 km/h
Mach 1,348
20 269 m
0 h 5 min 57 s
-
25
Powell
1 265 km/h
Mach 1,191
20 817 m
0 h 5 min 32 s
Atterrissage prévu sur le lit du lac asséché de Rosamond
(en) Melvin Smith, An Illustrated History of Space Shuttle : US winged spacecraft : X-15 to Orbiter, Haynes Publishing Group, , 246 p. (ISBN0-85429-480-5), p. 100-104.