cristaux rhomboédriques bien formés très rares, habituellement massive, amas granulaires sur les parois, masses granulaires terreuses, efflorescences souvent au sol dans les déserts arides, encroûtements, croûtes terreuses et pulvérulentes...
La nitronatrite, autrefois nommée nitratine, soude nitratée ou nitre cubique, est une espèce minérale anhydre composée du cation sodium et de l'anion nitrate correspondant au nitrate de sodium de formule chimique NaNO3, appartenant au système cristallin trigonal. Ce minéral incolore pur ou blanchâtre de densité 2,26, fragile de dureté souvent inférieure à 2 sur l'échelle Mohs, transparent à éclat vitreux, se trouve le plus souvent dans les contrées désertiques, en particulier au nord du Chili, ou dans des cavités ou grottes généralement sèches et abritées des précipitations.
C'est un minéral nullement rare et parfois très fréquent dans les milieux arides comme dans le désert d'Atacama ou en Californie, où il entre dans la composition de roches nitratées en croûtes argileuses que les Américains d'origine hispanique et les géologues dénomment caliche[4].
Histoire
Les origines égyptiennes du terme grec nitron et du natron sont communes. Toutefois, ici, les chimistes rappellent avant tout la composition chimique avec la racine nitro pour l'anion nitrate et la racine natr(i) pour le cation natrium ou sodium.
Le géotype est représenté par les échantillons prélevés en 1821 près du port d'Iquique dans la région minéralogique de Tarapacà au Chili, ils sont alors dénommés par Mariano Eduardo de Rivero y Ustáriz, jeune minéralogiste et chimiste péruvien (1798–1857) alors très actif dans la région andine, soude nitratée naturelle ou native[5]. Mélangée à des argiles, des évaporites et autres roches, la roche nitronatrite dénommées caliche forme des couches géologiques continues étendues sur plus de 250 km de longueur dans cette province.
Le minéral a été ensuite appelé Natron-Nitrat par Johann August Friedrich Breithaupt en 1832[6].
Le minéralogiste autrichien Haidinger le nomme en 1845 die Nitratin[7]. Ce dernier terme a été adopté par les minéralogistes anglo-saxons après son acceptation éphémère par les savants français qui l'avaient transformé en nitratine.
En 1845, des géologues ont découvert et répertorié des formations nitratées dans les Confidence Hills ou les collines de la Confiance, au sud de la vallée de la Mort, au sud de l'état actuel de la Californie.
Cristallochimie
La nitronatrite a la même structure cristalline que la calcite.
Propriétés physico-chimiques
La nitronatrite, au goût salé ou à la saveur fraîche légèrement amère selon les glycochimistes, est une matière hygroscopique. Exposé à l'air humide, un échantillon de ce minéral solide finit par former une flaque visqueuse composée d'une solution dense de nitrate de sodium.
Elle est très soluble dans l'eau. Ce dernier solvant pur peut contenir jusqu'à 921g·l-1 à 25 °C.
Sa solubilité pour 100g d'eau pure croît avec le facteur température, elle passe de 73g à 0 °C, à 180g à 100 °C[8].
Elle est légèrement soluble dans la glycérine et l'alcool à 95 %. Elle est très soluble dans l'ammoniac et l'hydrazine.
Elle fuse sur les charbons ardents, mais moins vite que le nitre. Le pouvoir explosif est moindre avec un corps réducteur à la chaleur.
Les échantillons massifs génèrent par frottement une électricité résineuse, donc émettent des ions négatifs, voire des électrons.
La cristallisation de minéraux nitrates, tels que la nitronatrite, le nitre et la nitromagnésite, sur les parois des peintures murales d'église ou de bâtiments prestigieux, est à l'origine de détérioration catastrophique en cas de variations de température et d'humidité ambiante, voire de mutations thermiques pluriséculaires ou d'infiltrations lentes ou rapides d'eau[9].
Gîtes et gisements
Le nitronatrite, de couleur la plus souvent blanche colorée par les impuretés, est habituellement en croûtes massives blanches, grises ou brun jaunâtre ou rougeâtre, en efflorescences soyeuses parfois grises, mais aussi en masses grenues ou terreuses à l'origine associée à des encroûtements.
Les amas granulaires sur les parois finissent par former une roche massive stable en absence d'eau, sans présence de matière réductrice et d'effet de chaleur en point chaud. Dans les zones très arides, la nitronatrite forme des efflorescences à même le sol.
Gîtologie et minéraux associés
Ce minéral est associé à d'autres nitrates dans certaines régions désertiques extrêmement arides, notamment le désert d'Atacama. Une fraction des sources d'azote dans la structure minérale néoformée serait l'apport de gaz diazote par les vents violents et desséchants qui y soufflent souvent. Mais ce minéral nitronatrite imprègne les sols chargés en matières organiques, et il est facile de postuler qu'une des sources principales de ces dépôts azotés sont des masses d'excréments d'animaux transformées par des anciens milieux bactériens, en particulier le guano des oiseaux peuplant autrefois cette côte aux eaux parfois poissonneuses. Il est facilement transporté en surface par les rares eaux de pluies violentes dans les zones basses. Il est dans ce cas fortement associé au nitre.
Dans le cas où le nitre est quasiment absent ou peu présent, la nitronatrite peut provenir de la précipitation de matière soluble issue du lessivage de formations volcaniques, après évaporation de l'eau de transport. Dans ce cas, il s'agit d'un des composants majoritaires des nitrates du Chili, dénommé salpêtre du Chili ou caliche. Elle y est présente massivement à l'état de roche en croûtes alternées avec des couches d'argiles plus ou moins épaisses. Le minéral est ici parfois associé à des borates comme l'iquiquéite par exemple dans le salar de Miraje, province d'Antofagasta.
Les fumerolles, salses et gryphons... de Salton sea en Californie du sud contiennent beaucoup de minéraux azotés, tels que la boussingaultite (NH4)2Mg(SO4)2 • 6 H2O, la koktaïte (NH4)2Ca(SO4)2 • H2O, la lecontite (NH4,K)NaSO4 • 2 H2O, la mascagnite (NH4)2SO4, le salmiac NH4Cl et la tschermigite NH4Al(SO4)2 • 12 H2O, mais aussi déjà de la nitratine[10]. Il est concevable que les bactéries nitrifiantes en présence d'eau ou de trace d'eau puissent avec le temps transformer une fraction de l'azote ammoniacal de cette matière minérale en nitrates, la concentrant ipso facto en nitratine, nitre, nitromagnésite, nitrammite, nitrocalcite. Le transport peut ensuite être discriminant et sélectif. Toutefois, dans la plupart des cas, les concentrations rocheuses n'excèdent pas quelques pourcents en nitrate ou en nitratine, par exemple dans les caliches des Confidence Hills. Enfin, dans certains caliches, milieux oxydants s'ils sont assez concentrés en nitronatrite, de larges traces à de faibles fractions d'anions perchlorates et surtout iodates apparaissent au cours des temps géologiques, par simple oxydation des ions chlorures et iodures[11].
mine Corchia, Berceto, province de Parme, Émilie-Romagne
Mont sant'Angelo, campagne de Rome, Latium
Japon
carrière d'Oya, Toshigi, province du Kanto, île d'Honshu
Pérou
Roumanie
grotte calcaire de Cerna
Russie -Ukraine
Mont Bakla, Bakchisaray et boue du volcan Bulganak, péninsule de Kerch, en Crimée
Venezuela
grottes
Afrique du Nord
Usages
Fertilisant en faible quantité et engrais anciens
En 1920, cet engrais recommandé par les autorités agricoles françaises était utilisé en couverture de printemps, à hauteur de 100 à 400kg par hectare par temps sec. Toutefois, l'analyse chimique des engrais issus des nitrates du Chili a révélé la présence de traces ou de faibles fractions d'anions chlorates ou d'anions oxydants, polluants chroniques qui finissaient à la longue par modifier durablement la chimie des sols.
Chimie de base (synthèse d'acide minéraux comme l'acide nitrique ou l'acide sulfurique, de différents nitrates ou nitrites) et des différents dérivés nitrés.
Agent oxydant, par exemple en métallurgie.
Composant d'émail ou d'émaux pour les verriers et potiers.
Matière comburante pour dispositif de propulsion (fusée).
Histoire : nitrières et nitrates du Chili à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle
Une nitrière désigne un lieu où se trouve du nitrate, par conséquent d'où on peut en retirer. Les nitrières naturelles au nord du Chili le long d'une côte aride, en particulier dans la province de Tarapascà, sont des amas considérables de terres nitreuses ou d'argiles nitratées. Les sels impurs extraits de ces croûtes rocheuses ne contiennent au mieux que 25 à 40 % de nitrate de sodium ou nitronatrite, et sont nommées caliche comme la roche, mais ils étaient autrefois improprement dénommés "salpêtre ou nitre du Chili, du Pérou ou de Bolivie", selon le pays exportateur. Les différents nitrates sont extraits par lixiviation avec l'eau.
Le bas prix de revient de cette matière première et surtout son emploi par l'industrie chimique pour les engrais, la synthèse de l'acide nitrique et ses dérivés, comme les composés nitrés utile à l'industrie des explosifs ou de l'armement, ont contribué à son essor et à son apogée à la Belle Époque. En 1920, deux tiers des engrais agricoles était produit dans le monde à partir des nitrates sud-américains. Mais durant l'entre-deux-guerres, le nitrate chilien est entré en concurrence avec la fabrication synthétique, fruit du progrès de la chimie des gaz valorisant les procédés Haber-Bosch et Ostwald, ou encore du procédé Birkeland et Eyde.
↑Nesse, W, introduction to Optical Mineralogy, Fourth Edition (Oxford, New York, Oxford University Press) 2013. appendix II, B.3 pour les derniers chiffres supérieures.
↑Alain Foucault écrit page 53 de son guide du géologue amateur, seconde édition Dunod, 2014, 280 pages, (ISBN978-2-100-71095-9) : "Au Chili, dans le désert d'Atacama, il forme avec du nitre, des croûtes appelées caliche".
↑M. de Rivero, Annales des mines: 6: 596, 1821. Un autre étude du francophile Rivero concernant les masses de fer andines sur la bibliothèque numérique mondiale.
↑Wilhelm Haidinger, Handbuch der bestimmenden Mineralogie. Vienna, 1845, page 488
↑Données de solubilité associées au tableau des corps chimique minéraux du Perry's Chemical Engineer's Handbook, 6e éd.
↑Les sels destructeurs par leurs cristallisations et recristallisations en présence d'infiltrations d'eau ou d'eaux latentes sont aussi surtout les minéraux sulfates (par exemple de la famille du gypse, de la thénardite et de l'epsomite) et les minéraux carbonates (thermonatrite, hydromagnésite, nesquehonite...). Andreas Arnold et Konrad Zehnder, "Monitoring Wall Paintings affected by Soluble Salts" in Sharon Cather (dir.), opus cité, p. 103-125.
↑Paul M. Adams and David K. Lynch, "A mineralogical inventory of geothermalfeatures southeast of the Salton Sea, Imperial County, California" in 2014 Desert symposium, opus cité. Lire également la note page 23.
↑Selon le rapport USGS 1981 de Georges E. Eriksen, opus cité. Il y a aussi des anions chromates, parfois sous forme de dietzéite, tarapacaïte ou lopezite.
Paul M. Adams and David K. Lynch, "A mineralogical inventory of geothermalfeatures southeast of the Salton Sea, Imperial County, California" in 2014 Desert symposium, Not a drop left to drink, Robert E. Reynolds (éditeur), California State University Desert Studies Center, . Article p. 100-111. Ouvrage en ligne.
Andreas Arnold et Konrad Zehnder, "Monitoring Wall Paintings affected by Soluble Salts" , in Sharon Cather (dir.), The Conservation of Wall Paintings: Proceedings of a Symposium organized by the Courtauld Institute of Art and the Getty Conservation Institute, London, July 13–16, 1987, Getty Publications, 1992, 176 pages, article p. 103-125. (ISBN9780892361625).
Cyprien-Prosper Brard, Pierre Auguste Joseph Drapiez, Nouveaux éléments de minéralogie ou Manuel du minéralogiste voyageur: contenant des notions élémentaires sur la minéralogie et la description des espèces minérales connues, avec leurs principaux usages, etc, Volume 3, Société belge de Librairie, éditeur Hauman, Bruxelles, 1838. En particulier, notice p. 151-152. La courte notice reproduite est quasiment la même que celle de l'édition de 1824, non augmentée par Drapiez.
Henri-Jean Schubnel, avec Jean-François Pollin, Jacques Skrok, Larousse des Minéraux, sous la coordination de Gérard Germain, Éditions Larousse, Paris, 1981, 364 p. (ISBN2-03-518201-8). entrée Nitronatrite' p. 243-244.