La mort de Napoléon Ier survient le à Longwood sur l’île de Sainte-Hélène, durant son exil, à l'âge de 51 ans. Elle est due à un cancer de l'estomac, résultant d'une aggravation d'un ulcère. À partir des années 1950, certains auteurs ont contesté cette version, et ont proposé une cause d'origine criminelle à la suite d'un empoisonnement à l'arsenic. Cette thèse est réfutée par les historiens spécialistes de Napoléon Ier.
Circonstances de la mort de Napoléon
Alité depuis le , l'empereur est atteint de douleurs atroces à l'estomac. Il accepte de moins en moins les aliments, les vomissements réguliers l'affaiblissent de jour en jour. Il se lève le mais une faiblesse l’oblige à se faire recoucher. Il a fait placer en face de son lit le buste de son fils, sur lequel il a constamment les yeux fixés.
Le 3 mai, les symptômes deviennent plus alarmants. Le 4 mai, on a quelque espoir à la suite d'une forte dose de calomel (toxique chlorure de mercure) administrée par son médecin anglais Archibald Arnott et deux de ses confrères, mais contre l'avis du médecin corse François Antommarchi. L'effet qui en résulte est toutefois extrêmement violent[4].
Durant la nuit du 4 au , Napoléon est dans un état comateux. À peine conscient, il semble qu'il prononce les mots « tête… armée… ». Dès le matin, ses compagnons se réunissent à son chevet, se doutant bien que cette journée-là sera la dernière. Il expire le samedi à 17 h 49, étant âgé de cinquante et un ans, huit mois, vingt et un jours.
Le lendemain, le gouverneur de l'île sir Hudson Lowe vient en personne avec son état-major et le commissaire français, le marquis de Montchenu, constater officiellement la mort du « général Bonaparte ». En sortant de Longwood, il déclare à son entourage : « Hé bien, Messieurs, c'était le plus grand ennemi de l'Angleterre et le mien aussi ; mais je lui pardonne tout. À la mort d'un si grand homme, on ne doit éprouver qu'une profonde douleur et de profonds regrets. »
Autopsie
D’après le désir qu’avait manifesté Napoléon, son corps fut ouvert le à 14 h par François Antommarchi (prosecteur expérimenté) assisté de sept médecins britanniques, afin de constater la cause physique de sa maladie, et de profiter dans la suite de ce document dans le cas où son fils serait attaqué de quelque incommodité offrant des analogies avec le mal qui était sur le point de l’emporter lui-même : car Napoléon était persuadé qu’il mourrait d’une maladie semblable à celle qui avait enlevé son père Charles Bonaparte, à savoir un cancer de l'estomac[c].
Son autopsie a cependant donné lieu à de nombreuses controverses depuis 1821 causées par les nombreux rapports, officiels et officieux, dont pas moins de trois, tous différents, pour le seul docteur Antommarchi[5].
Avant de refermer le cadavre, on en tira le cœur et l’estomac, que l’on renferma dans des coupes d’argent contenant de l’esprit de vin.
L’opération terminée, le corps fut revêtu de l’uniforme des chasseurs à cheval de la garde impériale, orné de tous les ordres que le défunt avait créés ou reçus pendant son règne, après quoi il fut placé sur le lit de fer qu’il avait coutume de faire porter à sa suite dans ses campagnes ; le manteau bleu brodé en argent qu’il portait à la bataille de Marengo lui servait de drap mortuaire.
Analyse contemporaine
Le gouverneur britannique de l'île Hudson Lowe parvient à un consensus entre les rapports d’autopsie britanniques et français : il en conclut à une mort causée par un cancer de l'estomac.
De nos jours cette version officielle est remise en cause. Les circonstances de sa mort ont été largement sujettes à spéculations, notamment depuis qu'en 1961 l'empoisonnement à l'arsenic a été évoqué par Sten Forshufvud, dentiste suédois expert en toxicologie[6].
Ulcère aggravé
Le médecin corse François Antommarchi[8] et cinq médecins anglais[9] notent dans leurs procès-verbaux de l'autopsie l'existence d'un ulcère gastrique chronique perforé (ce qui aurait provoqué une péritonite fatale) probablement,en évolution vers le cancer et de lésions pulmonaires liées à la tuberculose. Un autre procès-verbal réalisé 2 ans plus tard le par le docteur Walter Henry confirme cet ulcère aggravé par la présence d'« amas d'ulcérations cancéreuses ou de squirres »[10]. Thierry Lentz et Jacques Macé considèrent que cette thèse correspondant au procès-verbal initial est la plus crédible historiquement[11].
En rapprochant tous les rapports d'autopsie, il apparaît nettement que le gros ulcère gastrique perforé, bouché par le lobe gauche du foie, n'a pas provoqué la mort de l'Empereur. Le fait que le docteur Antommarchi éprouve des difficultés à séparer la paroi externe de l'estomac du foie plaide en faveur d'une fibrose ancienne, datant de plusieurs semaines ou mois avant la mort. En revanche, tous les témoins, médecins et non médecins, décrivent une muqueuse gastrique en mauvais état sur pratiquement toute sa surface avec un « amas d'ulcérations ». Cette pathologie a été bien décrite quelques années plus tard par Jean Cruveilhier, en 1830, sous le nom de « gastrorrhagie ». Elle provoque un saignement microscopique chronique qui entraîne une carence en fer, puis une anémie et conduit à la mort par exsanguination (perte de plus de 40 % du volume sanguin total)[12]
Cancer à l'estomac
Une étude publiée en 2007 dans la revue Nature Clinical Practice Gastroenterology and Hepatology[13] suggère que Napoléon présentait une lésion gastrique tumorale compatible avec un cancer de l'estomac. Cette étude repose sur les descriptions faites par Antommarchi, dans son deuxième compte-rendu d'autopsie publié en 1825, quatre ans après celle-ci. Or, il a été démontré[14] que ce rapport d'autopsie plagie, en partie, un article médical publié en par le Dr Rullier dans la revue Archives Générales de Médecine et intitulé « Note sur un petit engorgement cancéreux de l’estomac, extrêmement circonscrit, perforé à son centre, et suivi de l’épanchement des aliments dans l’abdomen ». En plus d'être un plagiat, le rapport de 1825 d'Antommarchi est un faux[15].
Antommarchi décrit entre autres des « glandes lymphatiques […] le long des courbures de l’estomac […] en partie tuméfiées, squirrheuses, quelques-unes même en suppuration » ainsi qu'un « lobe supérieur [pulmonaire] parsemé de tubercules et de quelques petites excavations tuberculeuses », ce qu'aucun autre témoin ne rapporta[16].
Dans trois comptes rendus d'autopsie rédigés en par les médecins anglais présents, Antommarchi lui-même, et Thomas Reade[17] ainsi que dans un compte rendu publié en 1823 par le Dr Henry, il n'est pas fait mention de ganglions intra-abdominaux susceptibles de correspondre à des métastases ganglionnaires, ni de métastases viscérales intra ou extra-abdominales, ni de tuberculose pulmonaire. Les poumons sont décrits comme normaux ce que confirmeront ultérieurement les témoignages des non médecins (Montholon, Bertrand, Ali) présents à l'autopsie.
Au total, Napoléon est peut-être mort des suites d'un ulcère ou d'un cancer gastrique perforé-bouché par le foie mais l'absence d'examen histologique de la lésion, l'absence de métastases et les descriptions des lésions abdominales faites par d'autres qu'Antommarchi ne permettent aucune certitude diagnostique contrairement à ce qu'affirme l'article publié dans Nature Clinical Practice Gastroenterology and Hepatology de 2014.
L'article de Bastien et Jeandel apporte la preuve du manque de fiabilité du rapport d'autopsie d'Antommarchi de 1825. Mais, pour certains auteurs, il existe au moins quatre arguments contre le diagnostic de cancer comme cause de décès :
La définition du cancer en 1821 n'est pas basée sur un diagnostic cellulaire, donc microscopique, comme de nos jours. De plus, dans le rapport d'autopsie de Charles Bonaparte, père de l'Empereur, le mot « tumeur » apparaît bien 4 fois, mais pas une seule fois les mots « cancer » ou « squirrhe ». À l'évidence, son estomac a été obstrué par une tumeur bénigne « de la longueur et du volume d'une grosse patate, ou d'une grosse poire d'hiver allongée… rénitente et d'une consistance à demi cartilagineuse »[18].
Le diagnostic de cancer a été soufflé par Napoléon à ses médecins. Lorsque le Dr Arnott lui annonce que son mal siège dans l'estomac, il pense tout de suite à la mort de son père dont le rapport d'autopsie avait révélé l'existence d'une tumeur de l'estomac qui, en obstruant le pylore, avait conduit à la mort par cachexie. Ce diagnostic de cancer convient à Hudson Lowe car il éloigne toute responsabilité du climat hélénien et des Britanniques dans la mort de leur pire ennemi.
Enfin, l'argument essentiel réside dans le fait que le mot « tumeur » n'apparaît dans aucun des rapports d'autopsie. Or, un cancer gastrique est avant tout une prolifération de cellules malignes, donc une tumeur, terme bien connu au début du XIXe siècle. Les Anglais évoquent un « ulcère en voie de cancérisation », ce qui est possible mais ne peut en aucun cas expliquer la mort le .
En cas de cancer gastrique dans les années 1800, la mort survient par un des mécanismes suivants : hémorragie interne massive, obstruction complète interdisant toute alimentation, métastase touchant un organe vital qui le rend inactif. Aucun symptôme, aucune constatation autoptique ne permettent de retenir cette thèse[19].
Cependant, cette étude se base aussi sur le rapport sur les descriptions cliniques (notamment la perte d'une dizaine de kilos les six derniers mois de sa vie) pour conclure à un cancer de l'estomac en phase terminale, cancer causé par un ulcère d'origine bactérienne (Helicobacter pylori)[13].
Thèse de l'empoisonnement à l'arsenic
Sten Forshufvud, stomatologue suédois, proposa cette hypothèse vers 1955 en lisant les mémoires de Louis Joseph Marchand, le valet personnel de Napoléon, qui venaient d'être publiées par les descendants de celui-ci en 1952 et 1955. Les 28 des 31 symptômes décrits (notamment la disparition du système pileux) par Marchand ressemblaient à ceux qu’aurait causé un empoisonnement à l'arsenic.
Forshufvud obtint de sources différentes[réf. nécessaire] plusieurs mèches de cheveux présentées comme appartenant à Napoléon et les fit analyser par le professeur Hamilton Smith de l'université de Glasgow : en découpant les cheveux en petits segments et en analysant chaque segment, puis en se rapportant aux dates auxquelles ces cheveux auraient été recueillis, et en raccordant toutes ces données, il fit un histogramme indiquant l'évolution de la concentration d'arsenic dans l'organisme de Napoléon avant et pendant son exil. Napoléon aurait subi une intoxication chronique à l'arsenic depuis 1805, cet empoisonnement et le climat de l'île l'auraient affaibli jusqu'au point où les traitements médicaux de l'époque, notamment le calomel administré dans les derniers jours de son existence, l’auraient achevé[20].
Cette thèse n'en est pas moins remise en cause par une étude scientifique en 1998 (elle suggère que Napoléon avait un carcinome gastrique et que la mort est due à une hémorragie interne provoquée par l'ingestion de calomel), et sévèrement critiquée par les médecins historiens Paul Gainière et Guy Godlweski ou par l'historien Thierry Lentz, pour qui Napoléon serait mort « de sa belle mort », voire « d’ennui », et qui fait publier avec Jean Tulard un ouvrage collectif Autour de l'empoisonnement de Napoléon où il émet des doutes sur la légitimité des échantillons de cheveux prélevés, de la méthodologie et de l'interprétation des résultats. Interviewés par ses soins et ayant pu relire leurs interviews, les docteurs Kintz et Fornix, qui ont réalisé les analyses toxicologiques, y déclarent ne jamais avoir parlé « d'assassinat » de Napoléon mais d'exposition à l'arsenic, ce qui n'est pas la même chose[21].
En , est paru un ouvrage qui inclut des rapports anglais inédits confirmant les accusations du docteur Thomas Shortt. Ce docteur diagnostiqua une maladie chronique du foie de Napoléon, ce qui a fait naître une thèse selon laquelle il aurait fini par mourir d'un abcès du foie compliqué d'une dysenterie amibienne envers le gouverneur de l'île, Hudson Lowe, de vouloir mettre un terme à la vie de l'illustre captif[incompréhensible]. Ces accusations coûteront au docteur irlandais d'être radié des services médicaux de la Royal Navy[22].
Intoxication à l'arsenic
Avec le financement de Ben Weider, une analyse fut réalisée par le Dr Pascal Kintz, président de l’Association Internationale des Toxicologues de Médecine Légale, qui considéra en 2003 que l’Empereur avait été intoxiqué à l’arsenic, produit dont il constata la présence en doses massives, non sur la surface comme cela avait été le cas dans les analyses précédentes, mais dans la médulla, le cœur des cheveux du souverain.
Deux ans plus tard, dans les laboratoires ChemTox de Strasbourg, trois séries d'investigations furent réalisées par le Dr Kintz sur cinq mèches de cheveux divers, provenant toutes de différentes collections répandues de par le monde :
Mesure globale de l'arsenic dans cinq mèches de cheveux par spectrophotométrie d'absorption atomique.
Localisation anatomique de l'arsenic dans le cheveu par Nano-SIMS.
Analyse minérale complète avec spéciation, méthode permettant de déterminer avec précision la nature du produit toxique, en l'occurrence de l'arsenic.
Avec ces nouvelles analyses, le Dr Kintz approfondit son étude en déterminant une chronologie dans l’administration du toxique (dont les « pointes » étaient compatibles avec la symptomatologie observée et notée par les compagnons d'exil de l'Empereur), et l'identifia comme l'arsenic minéral, le plus toxique, que l'on trouve sous forme de mort-aux-rats.
Les résultats de ces analyses furent exposés en détail par le Dr Kintz le , à Illkirch-Graffenstaden près de Strasbourg. Dans sa conclusion, le Dr Kintz témoigne : « Dans tous les échantillons de cheveux de l’Empereur, l’ICP-MS a mis en évidence des concentrations massives, concentrations compatibles avec une intoxication chronique par de l’arsenic minéral très toxique. Nous sommes sans ambiguïté sur la piste d’une intoxication criminelle. »[réf. nécessaire]
Plus récemment, dans son article Trois séries d'analyse des cheveux de Napoléon confirment une exposition chronique à l'arsenic (24/01/2008), il ajoute : « Compte tenu de ces données scientifiques, nous pouvons conclure que Napoléon a bien été la victime d'une intoxication chronique à l'arsenic minéral, donc à la mort-aux-rats ».
Ces conclusions ont été soutenues par l’International Museum of Surgical Sciences et l’International College of Surgeons de Chicago[23].
Le , l'Institut italien de physique nucléaire (INFN) des universités de Milan et Pavie conclut sur la base d'échantillons de cheveux conservés dans les musées napoléoniens de France et d'Italie (musée Glauco-Lombardi de Parme, musée Napoléonien de Rome et musée du château de Malmaison), et mesurés par le réacteur nucléaire destiné à la recherche du centre italien, que le taux d'arsenic était anormalement élevé mais comparable à celui des cheveux de sa jeunesse et n'avait rien d'exceptionnel comparés aux taux observés dans les échantillons de Joséphine de Beauharnais et son fils le roi de Rome. L'institut constate que la quantité d'arsenic observée sur ces échantillons est cent fois plus élevée que le niveau mesuré à notre époque, et observe que « l'environnement dans lequel vivaient les gens au début du XIXe siècle conduisait à l'évidence à l'ingestion de quantités d'arsenic que nous considérerions aujourd'hui comme dangereuses »[24],[25].
Sur le plan purement médical
Le diagnostic d'intoxication par l'arsenic ne peut convaincre aucun médecin[réf. nécessaire]. Seule l'intoxication aiguë massive entraîne la mort. Or, tous les partisans de l'empoisonnement évoquent plutôt une intoxication chronique sur plusieurs mois ou années. Cependant, Sten Forshufvud relève 31 signes évocateurs dans lesquels on trouve un mélange de signes d'intoxication aiguë et chronique, des signes secondaires et uniquement des symptômes peu sensibles et peu spécifiques[e].
De plus, lors d'une intoxication chimique, le poison a un tropisme vers certaines molécules du corps ce qui détermine un ordre logique d'apparition des symptômes et une atteinte irréversible des tissus. Ce n'est souvent pas le cas pour les symptômes de Napoléon, en particulier pour la gingivite chère aux dentistes empoisonnistes[26].
Insuffisances et intoxications rénales
Le médecin danois Arne Soerensen a émis l'idée que Napoléon serait mort de ses problèmes urinaires et rénaux, dans son ouvrage Napoleons nyrer (Les reins de Napoléon, éditions Hovedland)[27].
À l'occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon le 5 mai 2021, 200 ans jour pour jour, des cérémonies commémoratives se sont déroulées en France ainsi qu'à Sainte-Hélène.
Différentes cérémonies sont par ailleurs prévues sur l'île de Sainte-Hélène. Le 5 mai, une cérémonie a eu lieu à la maison de Longwood. Le 6 mai, une messe sera donnée dans la chapelle de l'Empereur. Enfin, une cérémonie aura lieu le 9 mai pour la mise en terre de l'empereur. Ces différents événements seront retransmis en direct sur Internet[28].
De nombreux événements (expositions, conférences, concerts...) sont également prévus à travers le monde en 2021. En raison de l'épidémie de COVID-19, un certain nombre d'événements sont susceptibles d'être adaptés ou reportés à une date ultérieure[29].
↑Ce ne sont pas les compagnons d'exil (membres de sa famille, maréchaux d'Empire) que Napoléon aurait souhaité[1].
↑Réalisé à partir d'un griffonnage du général Bertrand pour le placement des différents acteurs, le tableau montre au premier plan ce général (assis devant le médecin François Antommarchi), sa femme Élisabeth-Françoise née Dillon et ses enfants (Napoléon à gauche, Henri à droite, Hortense au centre et Arthur derrière le lit), ainsi que le valet et garde du corps Jean-Abraham Noverraz agenouillé. À droite du lit, le premier valet Louis Marchand et le mamelouk Ali. À l'extrême droite, le majordome Jacques Coursot, le cuisinier Jean Baptiste Alexandre Pierron, le général Montholon, le docteur Francis Burton (réputé pour avoir fabriqué, avec Antommarchi, le masque mortuaire de Napoléon), le docteur Archibald Arnott, et l'officier de service le capitaine William Crokat auquel s'adresse Montholon. À gauche du lit, derrière Antommarchi, l'abbé corse Angelo Paolo Vignali et Mary ‘Betsy’ Hall, l'épouse d'Ali. Steuben a le souci de coller au plus près de la réalité historique, peignant la scène de deuil mais pas la scène d'agonie longue et douloureuse décrite dans les Mémoires de Marchand et d'Antommarchi qui détaillent le gilet de flanelle du mourant recouvert de crachats rougeâtres et ses draps souillés par les diarrhées noires de sang, conséquences de l'hémorragie interne gastrique des suites de la perforation d'un ulcère à l'estomac et de l'ultime médication au calomel[2],[3].
↑Extrait du rapport des médecins, après l’autopsie du corps de Napoléon.
« À la première apparence, le corps paraissait très-gras, ce qui fut confirmé par une incision pratiquée vers le bas-ventre, où la graisse qui couvrait l’abdomen avait plus d’un pouce et demi d’épaisseur. Les poumons étaient très-sains ; le cœur était de la grandeur naturelle, mais revêtu d’une forte couche de graisse ; les oreillettes et les ventricules n’avaient rien d’extraordinaire, si ce n’est que les parties musculaires paraissaient plus pâles qu’elles ne devaient l’être.
« En ouvrant l’abdomen, on vit que la coiffe qui couvre les boyaux était extrêmement grasse ; en examinant l’estomac, on s’aperçut que ce viscère était le siège d’une grande maladie : de fortes adhésions liaient toute la surface supérieure, surtout vers l’extrémité du pylore jusqu’à la surface concave du lobe gauche du foie ; en séparant, ou découvrit qu’un ulcère pénétrait les enveloppes de l’estomac à un pouce du pylore, et qu’il était assez grand pour y passer le petit doigt.
« La surface intérieure de l’estomac, c’est-à-dire presque toute son étendue, présentait une masse d’affection cancéreuse, ou des parties squirreuses se changeant en cancer, l’estomac était presque plein d’un liquide ressemblant à du marc de café.
La surface convexe du côté gauche adhérait au diaphragme ; à l’exception des adhésions occasionnées par la maladie de l’estomac, le foie ne présentait rien de malsain.
Le reste des viscères abdominaux était en bon état.
« Ont signé :
Thomas SHORT, premier médecin ; Arch. ARNOTT, médecin du 20e régiment ; Francis BURTON, médecin du 66e régiment ; Chas. MICHELL, médecin de Vigo ; Matthieu LEWINGSTONE, médecin de la compagnie des Indes. ».
↑Cette recommandation s'explique pour deux raisons : « D'abord, il est en ce temps-là malséant de laisser pendre ses bras le long de son corps, sans trop savoir qu'en faire. Par ailleurs, les culottes ou les pantalons étant dépourvus de poches — et il serait inconfortable et tout aussi mal élevé d'y fourrer ses mains —, il est fréquent de tenir ces dernières dans son dos ou, variante médiane jugée plus élégante, d'en placer une dans son gilet et l'autre derrière le dos. Les nombreux témoignages du temps nous informent que notre homme opte alternativement pour l'une ou l'autre solution, comme de très nombreux hommes du XVIIIe siècle — quantité de portraits le montrent — et de son époque[7] ».
↑Exemple de la photophobie, crainte de la lumière : ce symptôme ne peut survenir que dans le cadre d'un Accident vasculaire cérébral (AVC) dû à l'arsenic ; or aucun argument ne permet de retrouver un AVC chez le prisonnier de Longwood. Autre exemple : la sensation de pied froid est une paresthésie qui ne survient qu'en cas de neuropathie, s'accompagnant toujours d'une insensibilité que n'avait pas Napoléon (il se plaint lorsque Marchand lui applique un linge trop chaud sur les pieds).
Références
↑Octave Aubry, Napoléon et l'amour, Flammarion, , p. 7
↑Thierry Lentz, Bonaparte n'est plus !, Place des éditeurs, , p. 50
↑Dimitri Casali, David Chanteranne, Napoléon par les peintres, Seuil, , p. 217
↑Albert Benhamou, L'autre Sainte-Hélène : la captivité, la maladie, la mort et les médecins autour de Napoléon, 2010.
↑Albert Benhamou, L'autre Sainte-Hélène : la captivité, la maladie, la mort, et les médecins autour de Napoléon, 2010, voir chapitre Shortt pour l'analyse comparative de tous les rapports d'autopsie.
↑Les mémoires du docteur F Antommarchi ou les derniers moments de Napoléon, Paris, Barrois L'ainé Libraie ainsi qu'à Londres chez H. Colburn, 1825.
↑Rapports d’autopsie des médecins anglais les docteurs Thomas Shortt, Archibald Arnott, Charles Mitchell, Francis Burton, Matthew Livingstone, cité dans Napoléon, Richard Holmes, éd. Gründ, 2006.
↑Le chirurgien militaire anglais Henry (British Museum, Add.Mss, t;202-14, fol.200-201).
↑Thierry Lentz, Jacques Macé, La mort de Napoléon : Mythes, légendes et mystères, éd. Librairie Académique Perrin, 2009, 226 p. (ISBN2262030138).
↑ a et b(en) Alessandro Lugli, Inti Zlobec, Gad Singer, Andrea Kopp Lugli, Luigi M Terracciano & Robert M Genta, « Napoleon Bonaparte's gastric cancer: a clinicopathologic approach to staging, pathogenesis, and etiology », Nature Reviews Gastroenterology and Hepatology, no 4, , p. 52-57 (DOI10.1038/ncpgasthep0684).
↑Roland Jeandel, « Antonmarchi, dernier médecin de Napoléon : requiem pour un faussaire. Le compte rendu d’autopsie publié en 1825 est un plagiat ! », Médecine/sciences, vol. 22, no 4, , p. 434-436.
↑J. Bastien, R. Jeandel, Napoléon à Sainte-Hélène - Étude critique de ses pathologies et des causes de son décès, Éd. Le Publieur, 2005, 220 p.
↑Roland Jeandel, « L’énigme de la mort de Napoléon est-elle enfin résolue ? », Médecine/sciences, vol. 23, no 5, , p. 548-549.
Thierry Lentz, Bonaparte n'est plus ! Le monde apprend la mort de Napoléon, juillet-septembre 1821, Perrin, , 313 p.
Pierre Branda, Léa Charliquart, Chantal Prévot et Émilie Robbe (dir.), Napoléon n'est plus : exposition, Paris, Musée de l'armée, du 31 mars au 19 septembre 2021, Gallimard, , 307 p. (ISBN978-2-07-293160-4)