Les manuscrits de Tombouctou sont un ensemble de copies d'ouvrages plus anciens connus dans le monde afro-musulman ainsi que des productions locales originales datant, pour la plupart, de la période allant du XVIIe au XIXe siècle. D'une taille très variable (de quelques feuillets à plusieurs centaines), on estime que leur nombre s'élève à plusieurs dizaines de milliers, conservés à Tombouctou et dans toute la région.
Présentation
La majorité de ces manuscrits sont écrits en arabe, ou bien dans une langue africaine (songhaï , haoussa et peul notamment) à l'aide d'une version africanisée de l'alphabet arabe appelée « écriture adjami ».
En 1995, un premier volume d'inventaire des manuscrits du centre Ahmed-Baba[3] a été publié. Les 1 500 manuscrits recensés sont principalement en arabe et incluent des Corans, recueils d'hadiths, traités de fiqh, de grammaire, de théologie scolastique, soufisme, biographies du Prophète, vers de louange du Prophète, prières, supplications, logique, philosophie, astronomie, médecine, mathématiques, rhétorique, traités sur la transcendance et l'occulte, œuvres diverses en vers, sermons, homélies, testaments, traités sur le djihad, textes historiques, et textes n'entrant dans aucune catégorie simple[4]. Ils proviennent du Mali, mais aussi du Niger, de Mauritanie, du Maroc, ainsi que de pays du Proche ou Moyen-Orient[4].
D'après des conservateurs maliens, une grande partie des manuscrits classés patrimoine universel concernent le Maroc, soit plus de 30 % des manuscrits recensés. On trouve notamment des textes qui évoquent le Maroc et les rapports économiques et culturels entre ce dernier et d’autres pays, alors que d'autres ont été écrits par des scientifiques marocains. Ce n'est pas anodin puisque Tombouctou sera dominé par la dynastie des Saadiens puis par les Alaouites. Ainsi, la région du Mali sera administrée par le Pachalik de Tombouctou dont le gouverneur est nommé par le sultan du Maroc Ahmed al-Mansour, mais aussi par Moulay Ismail et leurs successeurs Arma de 1591 jusqu'en 1825 lorsque les Touaregs prennent la ville de Tombouctou[5].
Transmis d'une génération à l'autre au sein de familles de Tombouctou, ces manuscrits sont souvent conservés dans des conditions médiocres[8]. Une partie des grandes bibliothèques privées (familiales) sont dégradées par des insectes et les outrages du temps, ainsi que par des accidents divers. Ainsi, en , notamment, une de ces bibliothèques domestiques fut inondée et 700 manuscrits furent alors détruits[9].
Trafics
La reconnaissance de la valeur de ces manuscrits médiévaux a diminué et certains d'entre eux ont été vendus[10]. Le magazine Time a ainsi relaté qu'un imam a vendu certains d'entre eux 50 $US pièce[réf. souhaitée].
Les successions sont aussi souvent l'occasion de l'éclatement de bibliothèques ou de la perte ou vente de documents anciens et uniques [11].
À partir de l'été 2011, des érudits et volontaires, notamment dirigés par Abdelkader Haidara et Stéphanie Diakité, ont clandestinement évacué de 160 000 à 300 000 manuscrits selon les sources de Tombouctou (et peut-être à partir d'autres villes) vers la capitale pour les protéger de la destruction par les islamistes jihadistes d'AQMI dont certains ont fait des autodafés de manuscrits anciens[réf. souhaitée]. Mme Diakité a ainsi dit : « Nous avons compris le pouvoir de ces bibliothèques quand des personnes de tous horizons, de tous milieux sociaux et parlant toutes les langues du Mali, et quand des villages entiers de la région s’engagèrent corps et âme et prirent souvent des risques considérables pour nous aider à évacuer les manuscrits au Sud du Mali ». Une association, T 160k, a pour projet de protéger et restaurer ces documents[réf. souhaitée].
Selon l'historien Bruce Hall, « le nouveau bâtiment de l'Institut Ahmed Baba inauguré en 2009 ne contenait en réalité pas de documents précieux, le directeur ayant refusé de les y transférer afin d'obtenir davantage d'aides »[13].
Shamil Jeppie, directeur du projet de conservation des manuscrits de Tombouctou à l'université du Cap, estime que plus de 90 % des manuscrits ont été sauvés[14].
Il existe des collections de manuscrits d'origine malienne en Égypte et au Maroc[15]. Plus généralement, des manuscrits d'Afrique francophone subsaharienne sont présents dans diverses collections d'Europe et des États-Unis[15].
Il existe aussi des manuscrits similaires préservés précairement dans des bibliothèques privées à Chinguetti en Mauritanie, et des collections de textes islamiques sahariens sont conservées à Niamey au Niger[4].
On estime à environ 300 000 le nombre de manuscrits présents dans les régions nord du Mali, dont peut-être 50 000 à Tombouctou[16], et à 900 000 ceux d'une région plus vaste englobant une partie de la Mauritanie et du Niger[17].
↑Handlist of manuscripts in the Centre de documentation et de recherches historiques Ahmed Baba, Timbuktu. Volume I, Londres, al-Furqān Islamic Heritage Foundation
↑ ab et cMohamed Saïd Ould Hamody, Manuscrits africains anciens, Colloque "Bibliothèques nationales en Afrique francophone au 21e siècle", Dakar, École des Bibliothécaires Archivistes et Documentalistes de Dakar, 5 au 7 mai 2003
↑Jean-Michel Djian, journaliste et professeur à Paris-VIII., « Tombouctou, épicentre du nouvel obscurantisme islamiste africain », Le Monde, (lire en ligne).
Al-Minaḥ al-ḥamīda fī šarḥ al-Farīda, Muḥammad Bāba Ibn Muḥammad Al-amīn Ibn Ḥabīb Ibn Al-muḫtār, Commentaire de grammaire sur al-Farīda de Ğalāl al-Dīn al-Suyūṭī
Fatḥ al-wadūd bi-šarḥ Tuḥfat al-mawdūd, Al-muḫtār Ibn Aḥmād Ibn Abī Bakr Al-kuntī, commentaire de grammaire sur Tuḥfat al-mawdūd [fī al-maqṣūr wa-al-mamdūd] d'Ibn Mālik (années 1860)
Naṣr/ Našr al-bunūd ʿalā Marāqī al-suʿūd, ʿabd Allāh Ibn Ibrāhīm Ibn Al-imām Al-ʿalawī [al-šinqīṭī, commentaire de fiqh : commentaire du poème Marāqī al-suʿūd li-mubtaġī al-raqiy wa-al-ṣuʿūd d'al-Šinqīṭī par lui-même (années 1800)
Naṣr al-bunūd ʿalā marāqī al-suʿūd, ʿabd Allāh Ibn Ibrahīm Ibn Al-imām Al-ʿalawī [al-šinqīṭī], traité sur les fondements du fiqh (années 1860)
Nuzhat al-rāwīwa-buġyat al-ḥāwī (tome 1er), Al-muḫtār Ibn Aḥmad Ibn Abī Bakr Al-kuntī, Traité Tawḥīd : eschatologie, les prophètes, etc. (années 1850) (manuscrit arabe No 5365)
Tarikh el-Fettach ou Chronique du chercheur documents arabes relatifs à l'histoire du Soudan par Mahmoud Kâti ben El-Hadj El-Motaouakkel Kâti et lhun de ses petits-fils ; Traduction française accompagnée de notes, d'un index et d'une carte par O. Houdas et Maurice Delafosse, Paris, 1913.
Johane Claire Ntsame Essono, « La ruée vers l’or de Tombouctou : étude des effets de patrimonialisation sur les entreprises de sauvegarde du patrimoine culturel malien », 2015. (https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01294491/document)
Jean-Louis Triaud, « Tombouctou ou le retour du mythe. L'exposition médiatique des manuscrits de Tombouctou », dans Daouda Gary-Tounkara et Didier Nativel, L'Afrique des savoirs au sud du Sahara (XVIe-XXIe siècle). Paris, Karthala, 2012 : 201-22.