L'architecte dessine également le mobilier, dont ne subsistent que les éléments encastrés.
Histoire
C'est dans le contexte de l'urbanisation du boulevard Dewandre de Charleroi que l'architecte Marcel Leborgne dessine[a] en 1937 une maison pour Henri Mattot[b], gynécologue[c] et directeur médical de la maternité Reine Astrid[1] érigée à proximité. Il dispose d'une longue parcelle étroite et traversante[1] en chevron[2] dont les façades avant et arrière sont nettement séparées et décalées[3]. Le bâtiment est flanqué de l'immeuble Moreau et se trouve du côté opposé du boulevard par rapport à l'immeuble Henry. Ces deux immeubles, ainsi que la maternité, sont l'œuvre du même architecte et construits à la même époque.
En 1955, lors d'un changement de propriétaire, le second étage est agrandi et une terrasse y est ajoutée[2]. La frise de tuiles dans le haut du bâtiment disparaît à cette occasion[4].
D'autres petites transformations ont été apportées pour adapter l'immeuble à la fonction de bureau, surtout dans la partie arrière[5]. En 2015, il est occupé par un bureau d'architecture[6].
Architecture
Dans cette construction moderniste, Marcel Leborgne parvient à dominer la configuration particulière du terrain pour répondre correctement au programme précis « d'habitation pour un gynécologue célibataire »[7],[8].
« La volumétrie, souvent assez recherchée dans les œuvres antérieures, évolue ici vers un élémentarisme marqué, tandis que l'attention se concentre de plus en plus sur les détails et la richesse des matériaux[9]. »
Le bâtiment comporte trois niveaux.
Au rez-de-chaussée, les espaces sont compartimentés selon leur fonction[2] : à l'avant, vers le boulevard Dewandre, le cabinet médical et, à l'arrière de celui-ci, une salle d'attente et des toilettes. La partie arrière de ce niveau, vers le boulevard Joseph II, est occupée par le garage, la cuisine et l'escalier de service vers le niveau supérieur[3].
En façade principale, la verrière, qui éclaire uniquement le cabinet, s'incurve doucement[7] et invite à entrer[2]. Marcel Leborgne s'est vraisemblablement inspiré de la maison Dotremont, construite en 1932 à Uccle par Louis-Herman De Koninck[7], qui use du même dispositif d'entrée[2].
Le premier étage est un vaste espace complètement ouvert, basé sur les principes de Frank Lloyd Wright[2], qui s'adapte parfaitement aux besoins d'une personne seule. Des cloisons coulissantes y permettent de séparer temporairement[3] le séjour, orienté vers le boulevard Dewandre, de l'espace hygiène et repos. En façade, la grande baie présente une légère saillie ouvrant l'espace intérieur vers le boulevard[7], il se trouve ainsi en interaction avec la rue et le paysage urbain[10]. La rotonde vitrée offre un maximum de lumière[10]. Le balcon est équipé d'un garde-corps métallique se présentant comme un bastingage[2],[d].
Le dernier étage comporte un second appartement, sans doute prévu pour des invités, et une chambre de bonne[2]. Il dispose de deux fenêtres quadrangulaires qui épousent le rythme de l'immeuble Moreau voisin[7].
Les deux premiers niveaux sont habillés de briques en grès de Guérin[11] couleur pierre de France, donnant de la clarté au revêtement[7].
Aménagement intérieur et mobilier
Au rez-de-chaussée, le plan du cabinet de consultation répond à l'usage — bureau, salle d'examen et cabinet de déshabillage — et correspond donc aux critères du modernisme, tandis que le jeu de courbes et de lignes de la cage d'escalier est davantage dans l'esprit de l'Art déco[12]. La polychromie, aujourd'hui disparue, est connue par les descriptions de la revue Bâtir : c'est un mélange de bleu et de dorure à la feuille, de rouge, de teintes ébène de Macassar et abricot pâle, de verts et noirs[11],[6].
Au premier étage, toutes les fonctions sont regroupées dans un même espace[10] dans lequel seul le mobilier distingue l'usage[6]. La polychromie jouait, comme au rez-de-chaussée, sur des contrastes chromatiques[13].
Marcel Leborgne dessine également l'intégralité du mobilier[14] afin de « garantir l'ordre et empêcher d'inutiles variations »[10]. Celui-ci a aujourd'hui disparu[2], sauf les éléments encastrés qui subsistent en partie[15]. Ce mobilier a été réalisé par les Ateliers d'art De Coene frères(nl) de Courtrai[13].
Notes et références
Notes
↑Des plans et photos d'époque sont consultables dans la revue Bâtir (Flouquet 1939a, p. 106-107) et (Flouquet 1939b, p. 303 ; 307), en ligne.
↑Aucun article ou document relatif à la maison ou la maternité Reine Astrid ne mentionne le prénom du médecin. Celui-ci est donné dans un article de la Gazette de Charleroi du 17 avril 1936.
Le patrimoine monumental de la Belgique, vol. 20 : Wallonie, Hainaut, Arrondissement de Charleroi, Liège, Pierre Mardaga, éditeur, , 602 p. (ISBN2-87009-588-0, lire en ligne [PDF]), p. 87.
Anne-Catherine Bioul, Vivre aujourd'hui dans un intérieur d'autrefois, à Charleroi, Namur, Ministère de la Région Wallonne, coll. « Études et documents / Monuments et sites » (no 10), , 245 p., p. 214-218.
Anne-Catherine Bioul, « Marcel Leborgne ou le choix de la modernité « humaine » », Les Cahiers de l'Urbanisme, Wavre, Service public de Wallonie/Éditions Mardaga, no 73, , p. 84-85 (ISBN978-2-8047-0029-4, lire en ligne [PDF]).
Pierre-Louis Flouquet, « Marcel Leborgne, constructeur lyrique », Bâtir, no 80, , p. 297-329 (lire en ligne [PDF]).
Chantal Mengeot et Anne-Catherine Bioul, Le patrimoine de Charleroi : Les fleurs de l'industrie : Art nouveau, Art déco et Modernisme, Namur, Institut du patrimoine wallon, coll. « Carnets du Patrimoine » (no 128), , 64 p. (ISBN978-2-87522-148-3).
Jean-Alexandre Pouleur, Anne-Catherine Bioul et Alain Dauchot, Charleroi, ville d'architectures : Du Temps des Forteresses aux Années Folles 1666-1940, Charleroi, Espace Environnement, , 2e éd. (1re éd. 1992), 112 p. (ISBN978-2-930507-00-2).
Iwan Strauven et Anne Van Loo (dir.), « Leborgne Marcel », dans Dictionnaire de l'architecture en Belgique de 1830 à nos jours, Anvers, Fonds Mercator, , 624 p. (ISBN90-6153-526-3), p. 390-391.
Iwan Strauven (dir.), Judith Le Maire (dir.) et Marie-Noëlle Dailly (dir. et photogr.), 1881-2017 Charleroi métropole, Bruxelles, Mardaga et Cellule architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, coll. « Guide d'architecture moderne et contemporaine » (no 4), , 367 p. (ISBN978-2-8047-0367-7), p. 107.
La version du 19 avril 2023 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.
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