Le Maître d'Édouard IV désigne par convention un enlumineur actif entre 1470 et 1500 à Bruges. Il doit son nom à plusieurs manuscrits peints pour le roi Édouard IV d'Angleterre auquel il a contribué. Enlumineur prolifique, plusieurs dizaines de manuscrits lui sont attribués au total. Il a été proposé de l'identifier soit à un assistant de Willem Vrelant, soit au frère de Loyset Liédet, Huchon.
Éléments biographiques
L'artiste est pour la première fois identifié et nommé par l'historien de l'art allemand Friedrich Winkler en 1915 puis en 1925 à partir de cinq miniatures dans le premier tome d'une Bible historiale destinée au roi Édouard IV[1],[2]. Un grand nombre de miniatures dans plusieurs manuscrits lui est rapidement attribué[3].
Il s'agit d'un enlumineur actif à Bruges des années 1470 à 1500. Il semble être à ses débuts un jeune associé du Maître du Flavius Josèphe du musée Soane qui réalise plusieurs frontispices de manuscrits dans lesquels il reste cantonné à quelques petites miniatures, toujours à destination du roi d'Angleterre. Son style est alors fortement influencé par Willem Vrelant dont il réutilise de nombreux motifs et travaille régulièrement aussi avec lui au début de sa carrière. Il collabore très étroitement pour plusieurs manuscrits avec toujours le même copiste, ce qui a fait penser aux historiens de l'art qu'il s'agissait de la même personne et que le maître exerçait aussi le métier de copiste. Il travaille à plusieurs reprises pour Beaudouin II de Lannoy et Jean II d'Oettingen, deux membres de l'aristocratie du Comté de Hainaut, ce qui pourrait indiquer que l'artiste s'est exilé un temps dans cette région au cours des années 1480. Il pourrait s'être aussi installé à Lille, ces deux aristocrates ayant des liens avec cette ville et le Maître d'Édouard IV ayant aussi peint des manuscrits pour des commanditaires de cette ville à cette même époque[4]. Au cours de la décennie suivante, il continue à collaborer régulièrement avec d'autres enlumineurs brugeois à la réalisation de manuscrits de textes historiques ou pseudo-historiques[3].
Identification
Anne Van Buren[5] a proposé de l'identifier à un des principaux assistants de Willem Vrelant, Adriaen de Raet. Il apparait pour la première fois au sein de la confrérie de Saint-Jean-l'évangéliste de Bruges en 1474 comme apprenti de Vrelant puis devient par la suite un membre à part entière. Pendant 7 ans après la mort de Vrelant en 1482, il est souvent associé dans les archives de la confrérie à la femme de ce dernier, Marie, en compagnie d'un autre associé, Betkin Scepens. De Raet prend son premier apprenti en 1487. À partir de 1499, il assure des fonctions à responsabilité au sein de la corporation et devient finalement gouverneur de cette confrérie en 1530. Il décède en 1534[3].
De son côté, Dominique Vanwijnsberghe a proposé une autre identification : selon lui, le Maître d'Édouard IV aurait résidé à Lille autour des années 1483-1484 d'après l'origine de certains manuscrits enluminés. Or, à cette même période, résidait dans la même ville l'enlumineur Loyset Liédet ainsi que son frère Huchon Liédet qui semble être présent sur place à ses côtés, comme l'atteste un document d'archives. Vanwijnsberghe a donc proposé d'identifier le Maître à ce dernier. Mentionné pour la première fois dans les archives brugeoises en 1477, Huchon Liédet apparait dans la Guilde de Saint-Jean de Bruges de 1479 à 1484 puis disparait ensuite, ce qui pourrait correspondre à la période du séjour à Lille du Maître d'Édouard IV[6].
Style
Le Maître montre une grande inventivité dans ses compositions par son sens de la narration et de la synthèse. Ses personnages possèdent des attitudes très variées et sont associés de manière habile. Leurs visages sont bien dessinés, avec des bouches lippues et les joues rouges et leur expression est souvent dure voire canaille. Sa palette de couleur est restreinte à l'usage du saumon, vert, bleu gris et bleu azur. Ces couleurs sont souvent complétées par un marron rehaussé d'or pour imiter les tissus dorés par exemple. Elles sont appliquées à coups de pinceaux larges pour rendre des effets de texture. Ses paysages sont disposés en perspective atmosphérique avec des arbres groupés en petits bouquets, des rochers grumeleux, des tertres de gazon[3].
Au cours des années 1490, son style évolue pour devenir plus maniéré, avec des plus grands coups de pinceaux, des modelés plus épais, des formes plus irrégulières. Son travail est de plus en plus délégué à des assistants moins doués, tels que le Maître aux Têtes triviales[3].
Œuvres attribuées
Bodo Brinkmann lui attribue l'enluminure de 47 manuscrits et 20 feuillets isolés, même si toutes ces attributions ne font pas l'unanimité[3].
Chronique de Tournai, en collaboration avec le Maître du Flavius Josèphe du musée Soane et le Maître aux Têtes triviales, Bibliothèque royale, Copenhague, Ms.Thott 413,2 (attribution contestée par McKendrick)
Commentaires sur la Guerre des Gaules, Bibliothèque royale du Danemark, Ms.Thott 544,2
Fleur des histoires de Jean Mansel, en collaboration avec le Maître du Flavius Josèphe du musée Soane, le Maître aux mains volubiles et Philippe de Mazerolles, Bibliothèque royale du Danemark, Ms.Thott 568,2 (attribution contestée par McKendrick)
Guiron le Courtoi, 6 tomes, vers 1470, BNF, Fr.359-363[18]
Livre des tournois de René d'Anjou, destiné à Louis de Gruuthuse, deux premières miniatures en collaboration avec le Maître du Flavius Josèphe du musée Soane et le Maître du Livre de prières de Dresde, BNF, Fr.2693
Le secret aux philosophes ou Placides et Timéo de Jean Bonnet et , BNF, Fr.212[19]
Compilation de textes astrologiques, destinée à Louis de Gruuthuse, BNF, Fr.7321A
Cosmographia de Claude Ptolémée, destiné à Louis de Gruuthuse, vers 1485, BNF, Lat.4803[20]
Livre d'heures, vers 1480-1500, en collaboration avec le Maître de Joos van Wassenaar et le Maître du Livre d'heures de Wodhull-Harberton, Blackburn Museum and Art Gallery, Ms Hart 21035
Livre d'heures Da Costa, vers 1510, en collaboration avec le Maître du Livre de prières de Dresde et le Maître du Livre d'heures de Wodhull-Harberton, Bibliothèque royale de Belgique, Ms IV 1260
Heures d'Antoine de Crèvecœur et de Hugues de Mazinghem, ajouts de 7 miniatures en collaboration avec Willem Vrelant (1 miniature) à des miniatures précédentes du Maître de Mansel, bibliothèque de l'Université de Leeds, Brotherton Ms.4[28]
Livre d'heures, en collaboration avec Gérard David, vers 1486, bibliothèque de l'Escurial, Ms Vitr. 12
Livre d'heures à l'usage de Rome, 4 grandes et une petite miniature, Free Library of Philadelphia, MS Lewis E 108[31]
Livre d'heures fragmentaire, vers 1490, 4 miniatures encore conservées attribuées au maître, bibliothèque de l'université de Cambridge, Add.4109[32]
Livre d'heures, vers 1490, par un suiveur du Maître, passé en vente chez Sotheby's le (lot 43)
Heures de Joos van Wassenaar, miniatures du calendrier, en collaboration avec le Maître des Heures Wodhull-Harberton, vers 1480-1490, passé en vente chez Sotheby's le (lot 35)
Heures de Claude de Toulongeon, en collaboration avec le Maître du Portrait de Claude de Toulongeon, vers 1481, passé en vente chez Sotheby's le (lot 30)
Livre d'heures, vers 1470-1480, 24 grandes miniatures, passé en vente chez Heribert Tenschert en 1987 (Katalog XX Illumination und Illustration, numéro 14)
Heures Calderon, 2 grandes et 71 petites miniatures, attribuées au maître et à son atelier, vers 1485, passé en vente chez Christie's le (lot 40, vente de la collection Arcana)[33]
Psautier (appelé aussi Heures de Pembroke), en complément des miniatures d'un suiveur des Maîtres aux rinceaux d'or, vers 1470, Free Library of Philadelphia, MS Lewis E 182[35]
Vie, passion et vengéance de nostre seigneur Jhesu Christ de Jean Mansel, tome 2 pour Baudouin de Lannoy, vers 1486-1493, Bibliothèque de l'Arsenal, Ms.5206
Miroir de la salvation humaine, traduit par Jean Miélot, manuscrit entamé par Jean Le Tavernier vers 1450-1460 et achevé par Loyset Liédet et le maître vers 1470-1480 peut-être pour Baudouin II de Lannoy, BNF, Fr.6275
(en) Scot McKendrick et Thomas Kren, Illuminating the Renaissance : The Triumph of Flemish Manuscript Painting in Europe, Los Angeles, Getty Publications, , 591 p. (ISBN978-0-89236-704-7, lire en ligne), p. 295-305
(de) Bodo Brinkmann, Die flämische Buchmalerei am Ende des Burgunderreichs, Der Meister des Dresdener Gebetbuchs und die Miniaturisten seiner Zeit, Turnhout : Brepols, 1997 (Ars Nova, 1), p.397-398
Ilona Hans-Collas et Pascal Schandel, Manuscrits enluminés des anciens Pays-Bas méridionaux. I. Manuscrits de Louis de Bruges, Paris : Bibliothèque nationale de France, 2009, p. 204-221
(en) Dominique Vanwijnsberghe, « Marketing books for burghers: Jean Markant's activity in Tournai, Lille, and Bruges », dans Elizabeth Morrison et Thomas Kren, Flemish manuscript painting in context : recent research, The J. Paul Getty Museum, , 198 p. (ISBN0-89236-852-7, lire en ligne), p. 135-148
↑(de) Friedrich Winkler, Studien zur Geschichte der niederländischen Miniaturmalerei des XV. u. XVI. Jahrhunderts, Vienne, F. Tempsky , 1915, p.336
↑(de) Friedrich Winkler, Die flämische Buchmalerei des XV. und XVI. Jahrhunderts: Künstler und Werke von den Brüdern van Eyck bis zu Simon Bening [Mit 91 Lichtdrucktafeln], Leipzig, 1925, p.137