Né à Annecy (Haute-Savoie) le , Louis Lachenal effectue ses premières escalades sur le rocher du Biclope en 1934.
Enfant de chœur assidu[1], il préfère l'univers de la rue aux bancs de l'École des Frères, quai des Cordeliers. Il passe son certificat d'études à l'École Supérieure Technique, puis entre au lycée. Mais déjà, dans ses escapades avec ses camarades, il aime le goût du risque ; et la quête du danger sera toujours chez lui une sorte d'idéal de vie. Devenu louveteau dans une association de scouts, il révèle ses dons d'invention et ses talents de grimpeur. Ainsi, à 13 ans, la vocation l'appelle dans les massifs qui entourent Annecy : la Tournette, le Parmelan, l'Arcalod.
En 1941, il devient membre de l'organisation Jeunesse et Montagne. En 1942, il est porteur breveté du Club alpin français, auquel il a adhéré dès 1937. Cette fonction consiste à seconder un guide lors d'une ascension, voire à assurer son rôle, selon les compétences dont on dispose. En juin-juillet, il participe à un stage d'alpinisme dont il sort premier chef de cordée, l'occasion d'une fête à Chamonix, où il rencontre pour la première fois Lionel Terray. Quelques mois plus tard à peine, il fera connaissance avec Gaston Rébuffat, par hasard, dans un train à l'arrêt. Le 1er octobre, il est engagé comme instructeur alpin et moniteur de ski au centre des Contamines-Montjoie.
Le , il épouse Adèle Rivier (1920-1983). Deux enfants naissent de cette union, Jean-Claude (1944) et Christian (1946). Lachenal construit lui-même son chalet pour leur donner un foyer.
Des Alpes à l'Annapurna
En 1945, il effectue ses premières courses avec Lionel Terray : la face Nord des Droites et la face Est du Moine. Suivront — entre autres, et toujours en compagnie de Lionel Terray — la quatrième ascension de l'éperon Walker en 1946, la seconde ascension de la paroi Eigerwand en 1947[2].
En 1948, il devient membre de la Compagnie des guides de Chamonix. En 1949, il enchaîne les ascensions. En particulier, il entreprend de gravir en une seule journée trois itinéraires jugés difficiles (arête Est du Crocodile, face Est du Caïman, voie Ryan au Plan)[3].
En , le bruit court : une expédition française vers l'Himalaya se prépare. Lucien Devies, président du Comité, en est l'un des principaux organisateurs. Mais les difficultés diplomatiques sont telles qu'on n'ose encore y croire. Et la nouvelle tombe : le Népal ouvre ses frontières. Le , l'expédition quitte Paris pour Le Caire. Puis, le lendemain, elle prend la direction du Népal en passant par Bahreïn, Karachi, New Delhi. La longue marche d'approche du sommet et l'établissement des camps de base prend deux mois complets[4].
Cette victoire sur l'Annapurna est aussi celle d'une équipe : les guides chamoniards Gaston Rébuffat et Lionel Terray, la jeune cordée de Jean Couzy et Marcel Schatz, le DrJacques Oudot, et le cinéaste Marcel Ichac (le seul ayant déjà une expérience himalayenne). Lors de cette expédition, Lachenal a les pieds gelés et doit être amputé. La descente ressemble à un long chemin de croix qui dure plus d'un mois, du au : mauvais temps persistant en cette période de course contre la mousson (brouillard, avalanches, orages…), souffrances multiples (aux pieds, aux yeux…), terrains accidentés (passages de gorges, de moraines encombrées de blocs rocheux, traversée de kilomètres de ravins et de forêts, franchissement de torrents tumultueux…), défection des porteurs, etc.[6]
Après son retour à l'aéroport d'Orly, un séjour à la clinique Vaugirard et la remise de la Légion d'Honneur, Louis Lachenal retourne à Chamonix. Il donne ensuite une série de conférences (Connaissance du Monde), dès 1951 sur le territoire français et jusqu'au Congo belge en 1952. Il se met au pilotage d'automobiles sur les routes françaises, avant de reprendre les entraînements et les ascensions. Il prend la direction de l'équipe de France de ski en descente et slalom, et escalade le mont Rose en .
Mort accidentelle
Lachenal est mort en montagne. Le au soir, il entraîne Jean-Pierre Payot dans une descente à ski de la Vallée Blanche, au-dessus de Chamonix. Skiant en tête à grande vitesse, il disparaît soudain dans une crevasse dissimulée par un pont de neige[7], que Payot évite de justesse. À grand peine, celui-ci réussit à prévenir les guides de Chamonix, et ils récupèrent dans la nuit le corps de Lachenal, tombé à vingt-huit mètres de profondeur[8]. Ramenée à Chamonix, sa dépouille est veillée par ses compagnons de l'Annapurna, Maurice Herzog et Gaston Rébuffat[5].
1942 : première du versant nord-est du col du Caïman
1946 : quatrième ascension de l'éperon nord des Droites, avec Lionel Terray, en huit heures, alors que le meilleur temps réalisé auparavant était de 18 heures ; quatrième ascension de l'éperon Walker en face nord des Grandes Jorasses en 2 jours avec une variante importante dans le haut, due à une erreur provoquée par le brouillard
Prix Guy Wildenstein de l'Académie des sports en 1950, décerné « à un groupement sportif dont la carrière ou l'œuvre d'éducation physique et sportive constituent un exemple », en l'occurrence avec l'ensemble de l'équipe de l'Annapurna : Jean Couzy, Marcel Ichac, Maurice Herzog, Francis de Noyelle, Jacques Oudot, Gaston Rebuffat, Marcel Schatz, et Lionel Terray[11].
Dans les notes prises en vue d'un livre qu'il projetait sur la conquête de l'Annapurna, Louis Lachenal note que son amputation risquait de compromettre la poursuite de sa vie d'alpiniste : « La montagne n’était pas mon occupation du dimanche, c’était ma vie, à moi. Pas seulement ma vie matérielle. » Développant sa divergence avec Herzog, il ajoute : « Je savais que mes pieds gelaient, que le sommet allait me les coûter. Pour moi, cette course était une course comme les autres, plus haute que dans les Alpes, mais sans rien de plus. Si je devais y laisser mes pieds, l’Annapurna, je m’en moquais. Je ne devais pas mes pieds à la jeunesse française. Pour moi, je voulais donc descendre. J’ai posé à Maurice la question de savoir ce qu’il ferait dans ce cas. Il m’a dit qu’il continuerait. Je n’avais pas à juger ses raisons ; l’alpinisme est une chose trop personnelle. Mais j’estimais que s’il continuait seul, il ne reviendrait pas. C’est pour lui et pour lui seul que je n’ai pas fait demi-tour. Cette marche au sommet n’était pas une affaire de prestige national. C’était une affaire de cordée. »[12].
Sur plusieurs points, Lachenal a cependant donné des versions différentes au fil du temps. La version pré-citée, tirée de ses Commentaires, est la plus négative mais diffère d'autres versions plus positives qu'il a pu donner[13].
Selon Lachenal, Herzog avait « un sens très réduit de l'organisation », mais c'était « un extraordinaire animateur » dont la résistance physique et la technique d'alpiniste ont surpris « les trois professionnels de l'équipe » (Lachenal, Rébuffat et Terray)[14]. En août 1955, Herzog et Lachenal font entre amis l'ascension du mont Rose : « tous les mauvais souvenirs étaient effacés »[15].