En Lachenal meurt dans une crevasse de la Vallée Blanche en exerçant son métier de guide, alors que le manuscrit est prêt à partir à l'impression, cinq ans tout juste après l'expédition[2]. En vertu d'un contrat d'exclusivité alors habituel, les membres s'étaient engagés à ne rien publier sur l'expédition pendant une durée de cinq ans[3]. À sa mort, Maurice Herzog, tuteur de ses fils, récupère le manuscrit et le confie à Lucien Devies qui édulcore le texte et en confie la publication à Gérard Herzog, qui le cosigne sous le titre Carnets du vertige[4],[5]. Il faudra attendre pour que Jean-Claude Lachenal, le fils de Louis, accepte enfin de transmettre la version originale du manuscrit, précieusement conservée, à l'éditeur Michel Guérin : les Carnets du vertige sont alors réédités, tels que livrés par leur auteur. La famille Herzog intente un procès aux éditions Guérin pour la publication de cet ouvrage[6].
Le caviardage de a poussé certains à crier à une censure contre une vérité dérangeante qui risquait d'ébranler le récit officiel. Les choses sont en réalité plus complexes et nuancées[7],[5]. Un élément permet de remettre les choses dans leur contexte : si le manuscrit de Lachenal contenait des vérités cachées, comment expliquer qu'Herzog l'ait naïvement rendu au fils de celui-ci qui le fera publier en ?[non neutre] D'autres pistes sont également à explorer : les contradictions entre le Journal d'expédition de Lachenal, écrit sur place en , et ses Commentaires, six pages rédigées cinq ans plus tard dans un état d'esprit différent[8].
Sur certains points, Lachenal a donné plusieurs versions différentes dans les cinq années qui suivirent l'Annapurna, concernant l'épisode des gelures, la marche d'approche, son état d'esprit etc. La version des Commentaires est la plus négative mais pas forcément la plus véridique. En caviardant ces Commentaires, Lucien Devies, qui avait l'habitude de retoucher les manuscrits des alpinistes avant de les confier aux maisons d'édition, a peut-être simplement agi dans un souci de cohérence. Peut-être aussi a-t-il choisi la version qui correspondait le mieux à l’image qu’il voulait donner de l’expédition, ce qui serait certes moins honorable. La question n’est pas tranchée et ne le sera sans doute jamais.