Cet article concerne l'opéra. Pour l'événement historique, voir Vêpres siciliennes.
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Les Vêpres siciliennes est un grand opéra en cinq actes de Giuseppe Verdi, sur un livret d'Eugène Scribe et Charles Duveyrier, créé le 13 juin 1855 à l'Opéra de Paris salle Le Peletier.
Dans les années 1830, se développe en France sous l'impulsion de compositeurs tels que Giacomo Meyerbeer et Jacques Fromental Halévy le genre du « grand opéra » : œuvres en quatre ou cinq actes, avec distribution et orchestre de grande envergure, ballet, décors et effets de scène spectaculaires, basées sur des intrigues d'origine historique.
En 1852, un contrat est signé entre Verdi, qui vient de remporter un immense succès en Italie avec son Rigoletto d'après Victor Hugo[1], et l'Opéra de Paris, alors même que la mode est un peu passée, en vue d'une représentation lors de l’exposition universelle de 1855[2].
Alors que la période dite « patriotique » de Verdi s'est achevée avec La battaglia di Legnano, en 1849, le compositeur accepte de revenir à un sujet politique en consacrant un opéra à l'épisode des Vêpres siciliennes, soulèvement populaire à Palerme puis dans le reste de la Sicile contre les Angevins qui dominaient l'île. Ce sujet possède alors une forte dimension politique puisqu'en Italie, plusieurs mouvements prônent l'unification de la péninsule, y compris en prenant les armes contre les forces étrangères qui occupent le pays[2]. Cette aspiration unitaire italienne est alors vue avec bienveillance par Napoléon III après l'engagement du Piémont aux côtés des troupes françaises et anglaises dans la guerre de Crimée[2].
C'est le premier opéra en français de Verdi, si l'on ne tient pas compte de Jérusalem, qui est une version fortement remaniée des Lombards. Le livret, confié au plus grand dramaturge français de son époque, Eugène Scribe, en collaboration avec Charles Duveyrier, ne plaît pas à Verdi qui met du temps à le mettre en musique, Scribe refusant toute modification[3] malgré les menaces de rupture de contrat de Verdi. Il conteste la façon dont Scribe présente Jean de Procida comme un conspirateur assoiffé de sang et de vengeance, sans sens de l'honneur, alors que le gouverneur français apparait comme magnanime et repenti de ses violences passées. « Plus je réfléchis à ce sujet, plus je suis persuadé qu’il est périlleux. Il blesse les Français puisqu’ils sont massacrés ; il blesse les Italiens, parce que M. Scribe, altérant le caractère historique de Procida, en a fait (selon son système favori) un conspirateur commun, mettant dans sa main l’inévitable poignard. Mon Dieu ! dans l’histoire de chaque peuple il y a des vertus et des crimes, et nous ne sommes pas pires que les autres. De toute manière, je suis italien avant tout, et coûte que coûte je ne me rendrai jamais complice d’une injure faite à mon pays. » écrit Verdi[2].
Les répétitions sont également marquées par l'absence de la chanteuse principale, Sophie Cruvelli, plus occupée par sa vie privée que par sa carrière[4]. Verdi écrit à son collaborateur Francesco Maria Piave : « La Cruvelli s'est enfuie !!! Où ? Le diable seul le sait. Au début, la nouvelle m'a quelque peu ennuyé mais maintenant je ris sous cape. […] Cette disparition me donne le droit de résilier mon contrat et je n'ai pas laissé échapper l'occasion ; je l'ai officiellement demandé[5]. » Bien que se plaignant de la mauvaise volonté de Scribe et de l'ambiance délétère des répétitions[6], Verdi essuie toutefois un refus de la part de François-Louis Crosnier, alors administrateur du Théâtre impérial de l'Opéra, et continue son travail.
L'opéra est créé le 13 juin suivant, salle Le Peletier, en présence de Napoléon III, de l'impératrice Eugénie et du duc de Porto[7].
En mars 1282, les Vêpres siciliennes ont lieu à Palerme durant les fêtes de Pâques.
La duchesse Hélène, dont le frère a été condamné à mort, est contrainte par un soldat français à chanter. Celle-ci, avec son chant excite la haine des Siciliens contre les Français. Montfort, le gouverneur, intervient et calme tout le monde. Arrive Henri, qui vient juste d'être gracié. Ignorant que Montfort est présent, il se met à l'insulter. Le gouverneur demande à tout le monde de partir afin de rester seul avec le jeune imprudent. Il lui demande son nom mais celui-ci refuse puis il tente de l'acheter en lui offrant un grade dans son armée et essuie un nouveau refus. Montfort interdit alors à Henri de parler avec la duchesse : celui-ci, à nouveau, brave l'interdit.
Dans une vallée proche de Palerme, se rencontrent Henri, Hélène et Procida, arrivés clandestinement. Celui-ci annonce le soutien de Pierre d'Aragon en cas de début d'insurrection. Henri déclare son amour à la duchesse qui l'accepte à condition qu'il venge son frère. Henri reçoit une invitation de la part de Montfort et la refuse. Ce refus entraîne son arrestation et les Siciliens jurent de le venger. En outre, l'enlèvement des femmes par les soldats français ne fait qu'accentuer la haine de ceux-ci.
Montfort, dans son cabinet, relit une lettre de la mère d'Henri, exécutée depuis dix mois, dont il apprend être le père d'Henri. Celui-ci arrive et apprend la vérité concernant son père, qu'il croyait en exil. Il refuse de le reconnaître comme son père. Le soir, un bal masqué a lieu et parmi les danseurs, Henri reconnaît Procida et Hélène, venus le délivrer et tuer Montfort. Henri empêche ses amis de le faire, au moment où Procida sort sa dague. Les conjurés sont arrêtés.
Procida et Hélène ont été déportés à la forteresse. Henri les rejoint pour tenter de se disculper. S'il y arrive auprès d'Hélène qui lui conserve son amour, l'annonce de son lien de parenté avec Monfort ruine les espoirs de Procida qui a reçu la nouvelle de l'arrivée des armes. Monfort arrive pour annoncer l'arrivée du bourreau et fait le chantage suivant à Henri : soit celui-ci le reconnaît publiquement comme son père, soit ses amis sont exécutés. Celui-ci finit par céder et Monfort annonce les noces entre Henri et la duchesse. Celle-ci hésite à accepter mais Procida l'incite à le faire.
Dans les jardins du palais, se prépare la fête pour le mariage. Procida retrouve Hélène et lui annonce que, dès que les cloches sonneront, l'insurrection commencera. Elle retire sa parole au grand désespoir d'Henri. Montfort arrive et ordonne que le mariage ait lieu. Les cloches sonnent et les Français sont massacrés.
La création à l'Opéra à Paris connaît un grand succès, attirant de riches Piémontais et Lombards à Paris[2]. Berlioz, entre autres, évoque « la majesté souveraine de la musique ». L’œuvre est représentée soixante-deux fois.
Elle est également jouée en 1856 à Lyon, Barcelone, Madrid, en Hongrie, en Belgique, au Portugal, en Allemagne, en Autriche, en Russie, en Angleterre, à Buenos-Aires... sous le titre de I Vespri siciliani[2].
Verdi entreprend rapidement de faire adapter son opéra en italien, afin de le rendre plus « exportable ». Une première version due au poète Arnaldo Fusinato en collaboration étroite avec Verdi est créée le 26 décembre 1855 au Teatro Regio de Parme puis au Teatro Regio de Turin sous le titre Giovanna di Guzman (parfois Giovanna de Guzman ou Giovanna di Gusman), l'action étant transposée en 1640 au Portugal sous occupation espagnole afin d'éviter la censure.
La version italienne adopte plus explicitement la charge patriotique de l’œuvre et amoindrit la figure négative de Procida[2].
La distribution est la suivante :
Entre 1855 et 1856, l'opéra est joué dans au moins quatorze théâtres, et notamment seize fois à Turin et à Parme et quatorze à la Scala de Milan. Parfois des adaptations sont exigées comme une réconciliation générale finale à Palerme, la suppression des allusions religieuses et politiques à Rome[2]. Dotée d'un nouveau livret d'Enrico Caimi, l’œuvre est reprise le 4 février 1856 à la Scala de Milan. Elle portera également les titres de Batilde di Turenna (pour sa création au Teatro San Carlo de Naples en 1857), Giovanna di Braganza et Giovanna di Sicilia avant de retrouver son titre original italianisé, I vespri siciliani, à la création du royaume d'Italie en 1861.
À l'occasion d'une reprise des Vêpres siciliennes à l'opéra, Verdi composa pour le ténor Pierre-François Villaret la romance Ô toi que j'ai chérie, créée le 6 juillet 1863[15]. Ce morceau alternatif, qui substitua l'air original d'Henri au quatrième acte, a été enregistré sur disque[16],[17], mais n'est presque jamais entendu au théâtre même lorsqu'on donne l'opéra dans sa version originale en français. Ainsi, aucune version DVD ne le présente, et il est absent de la version en CD dirigée par Mario Rossi.
La première représentation des Vêpres en italien à l'Opéra Garnier eut lieu le 9 avril 1974, après que la représentation prévue pour le 3 avril eut été annulée à cause de la mort du président Georges Pompidou[7].