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C'est le linguiste allemand Julius Klaproth qui en 1823 dans son ouvrage Asia Polyglotta a découvert le tibéto-birman, dans lequel il incluait les trois langues connues à son époque : le chinois, le tibétain et le birman.
Toutefois, dans le Hou Hanshu 后汉书, on trouve le texte bilingue d'un chant, en chinois et dans une langue tibéto-birmane parlée alors par un peuple désigné comme les Bailang 白狼. Ce peuple habitait le Sichuan actuel au IIIe siècle de notre ère[1]. Ce texte est pourvu d'une traduction ligne par ligne en chinois (langue dans laquelle est composé le texte original, dont le document bailang constitue une traduction) et son déchiffrement a permis de déterminer que cette langue est proche du lolo-birman. C'est la langue la plus anciennement attestée de la famille en dehors du chinois.
Les langues chinoises seraient apparentées au tibéto-birman, et, selon certains chercheurs, ne seraient qu'une branche tibéto-birmane parmi d'autres, qui n'aurait de particulier que son nombre de locuteurs et l'ancienneté de son écriture. C'était déjà l'opinion de Klaproth dès le début du XIXe siècle. Pour des informations sur la reconstruction de la prononciation ancienne du chinois, qui permet de la comparer par la suite aux langues tibéto-birmanes, voir l'article chinois archaïque.
Cette hypothèse d'une famille sino-tibétaine vient du fait que l'on a reconnu plus de 400 mots (489 selon Weldon South Coblin) communs au chinois et au tibéto-birman. En 1988, Jerry Norman, qui jugeait cette hypothèse « inattaquable », a pourtant ajouté que « les correspondances phonologiques entre chinois et tibéto-birman n'ont jamais été étudiées en détail ». La reconnaissance de cet apparentement, et l'établissement de la chronologie des phénomènes historiques ayant eu lieu dans les diverses langues, ont été retardés par le caractère monosyllabique et isolant de nombreuses langues modernes de la famille (et plus généralement de l'aire linguistique d'Asie orientale). Le chinois est une langue monosyllabique et isolante tandis que le tibétain présente certaines caractéristiques agglutinantes qui peuvent donner l'impression d'un air de famille avec des langues non apparentées telles que le mongol ou le japonais. Le tibétain utilise en particulier des suffixes casuels, inconnus du chinois. Des progrès dans la reconstruction du chinois archaïque, faisant ressortir la présence de suffixes (dont un suffixe de « concrétisation » *-s), contribuent à établir l'histoire de la famille et expliquer les divergences ayant abouti aux différences constatées aujourd'hui (en synchronie).
Les données historiques dont on dispose sur les migrations des Tibétains et des Birmans désignent le Tibet oriental comme point de départ. Le nord-est du Tibet est justement l'ancien territoire des Qiang, le peuple tibéto-birman le plus anciennement attesté. Il était déjà connu des Chinois sous la dynastie Shang, vers −1 200 (un millénaire et demi avant les Tibétains). Comme le caractère qui désigne les Qiang 羌 comporte les éléments 人 « personne », « humain » et 羊 « Caprinae » (les caprins: moutons, chèvres, chamois, etc.), ils apparaissent donc comme des éleveurs de caprins, en l’occurrence du Pseudois nayaur, utilisé pour son lait, sa viande, ses cornes et son cuir. Les Chinois les désignaient aussi par l'appellation de Dou Ma Qiang « Qiang aux nombreux chevaux ». Essentiellement éleveurs, ils avaient un mode de vie semi-nomade et un comportement guerrier. Ils vivent actuellement principalement à Wenchuan, au Sichuan occidental. Yu le grand, fondateur de la dynastie Xia, précédant la dynastie Shang, est le fondateur mythique de la culture à la fois pour les Qiang et pour les Han.
Sur leur ancien territoire, le Qinghai et le Gansu oriental, une culture de la fin du néolithique et du début de l'âge du bronze est attestée de −2 200 à −1 600. On l'appelle la culture de Qijia. On y observe une transition de l'agriculture vers le pastoralisme, puis vers un début de nomadisme. Il est permis de supposer que les hommes de Qijia avaient un rapport avec les Qiang, voire avec l'ensemble des Tibéto-Birmans. Tibétains et Birmans n'ont d'ailleurs peut-être été que des rameaux détachés des Qiang.
Reconstruction du proto-tibéto-birman
Les trois groupes de langues les mieux étudiés de la famille sont le chinois, le tibétain (7 M de locuteurs) et les langues lolo-birmanes (40 M de locuteurs).
Les langues tibéto-birmanes, à l'exception du qianguique et du kiranti, ne présentent pas une morphologie complexe. Dans la mesure où les deux derniers groupes de langue sont encore insuffisamment étudiés, il est difficile pour le moment de reconstruire le système grammatical de la proto-langue. Tout juste peut-on entrevoir l'existence de certains préfixes et plus rarement de suffixes dans la proto-langue. Certains sont toujours productifs en rGyalrong, un groupe de langues de la sous-famille qianguique dont l'archaïsme est à tous points incomparable dans le reste de la famille.
Préfixes
s- causatif : tibétain]: 'khor « tourner » donne skor « faire tourner ». Se trouve dans toutes les langues de la famille, mais souvent sous la forme d'une opposition sonore / sourd ou non-aspiré / aspiré dus aux changements phonétiques.
k- nominalisateur : en rGyalrong, ce préfixe, avec deux vocalismes différents, sert à former le nom d'agent et le nom d'action (forme d'infinitif). On retrouve ce préfixe en angami-pochuri, en tangkhul et en kiranti
Suffixes
-s passé : tibétain bri « écrire, présent » donne bris « écrire, passé ». Se trouve aussi en rGyalrong, en qiang et peut-être en jinghpo
-n et -s nominalisants : tibétain za « manger » donne zas et zan « nourriture ». Se trouve en chinois, en rGyalrong et peut-être en qiang.
-t applicatif : limbuha:p « pleurer (intr.) », ha:pt « pleurer pour quelqu'un »; quelques traces en chinois et en rGyalrong
-s causatif : limbu ha:p « pleurer (intr.) », ha:ps « faire pleurer qqun », traces en chinois.
Verbes irréguliers
On trouve des verbes irréguliers dans quelques langues telles que le tibétain, le rGyalrong et certaines langues kiranti. Toutefois, il n'existe qu'un seul verbe dont l'irrégularité semble apparentée entre langues de familles différentes et qui pourrait remonter à une irrégularité commune :
manger : tibétain za passé zos : l'alternance a-o pour ce verbe se retrouve en kiranti.
Notes et références
↑Sagart, Laurent, "Questions of method in Chinese-tibeto-burman comparison", Cahiers de linguistique - Asie orientale, Année 1995, Volume 24, Numéro 24-2, p. 245-255
↑(en) Laurent Sagart, Guillaume Jacques, Yunfan Lai et Robin J. Ryder, « Dated language phylogenies shed light on the ancestry of Sino-Tibetan », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 116, no 21, , p. 10317–10322 (ISSN0027-8424 et 1091-6490, PMID31061123, DOI10.1073/pnas.1817972116, lire en ligne, consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
(en) Weldon South Coblin, « A Sinologist's Handlist of Sino-Tibetan Lexical Comparisons », in Monumenta Serica monograph series 18, Steyler Verlag, Nettetal (Allemagne), 1986 ;
André-Georges Haudricourt, « De l’origine des tons en vietnamien », in Journal Asiatique no 242, p. 68–82, 1954 ;
Julius Heinrich Klaproth, Asia Polyglotta, Schubart, Paris, 1823 ;
(en) John Casper Leyden, « On the languages and literature of Indo-Chinese nations », in Asiatic Researches no 10, p. 158–289, 1808 ;
(en) Jerry Norman, Chinese, Cambridge University Press, 1988 ;
Jean Przyluski, « Le Sino-Tibétain », in Antoine Meillet et Marcel Cohen, Les langues du monde, p. 361–384, librairie ancienne Edouard Champion, Paris, 1924.