Jean Bollack naît à Strasbourg dans une famille juive alsacienne. En 1926, sa famille s'installe en Suisse, à Bâle[3], pour des raisons professionnelles[4]. Il fait ses études secondaires au Gymnasium am Münsterplatz, dont il ressort diplômé en 1943[5]. Alors qu'il est encore lycéen, il suit les cours d'Albert Béguin, qui occupe la chaire de littérature française de l'université de Bâle et qui lui faire lire « mille choses »[6]. Il débute ensuite des études de grec, de français et de philosophie à l'université de Bâle[7], où il suit notamment les cours de Peter von der Mühll. Il y élabore un premier projet de thèse consacré à la doxographie[8]. A Bâle, il rencontre notamment la philosophe Edith Landmann[9]. Il se lie d'amitié avec l'historien de l'art Wilhelm Stein, professeur à l'université de Berne, et fait la connaissance du filleul de celui-ci, Bernhard Böschenstein[6].
Au début des années 1950, Jean Bollack enseigne notamment au Collège Schuré de Barr, dans le Bas-Rhin[14], ainsi qu'au collège de Dreux, en Eure-et-Loir[15]. Il obtient une bourse au CNRS de deux ans, et de 1955 à 1958, il est professeur invité à l'université libre de Berlin[12], où Heinz Wismann suit ses cours en 1956[16],[17]. Jean Bollack y est accueilli au sein du séminaire sur les présocratiques dirigé par Uvo Hölscher et Kurt von Fritz[8]. De 1958 à sa retraite en 1992, il enseigne la littérature grecque à l'université de Lille, d'abord comme assistant et chargé d'enseignement, puis, dès 1965, en tant que professeur de littérature et de pensée grecques[13]. En parallèle, il enseigne également à l'École normale supérieure de Paris de 1968 à 1975. Durant l'année académique 1970-1971, il est membre de l'Institute for Advanced Study de Princeton sur l'invitation du philologue américain Harold F. Cherniss. Pendant l'année universitaire 1982-1983, il est en outre membre du Wissenschaftskolleg de Berlin[12].
Dès son arrivée à Lille en 1958, Jean Bollack se lie notamment d'amitié avec Pierre Bertaux, qui lui demande d'assister à ses séminaires[6]. Il y rencontre ensuite Pierre Bourdieu, qui occupe un poste de maître de conférence dans la même université de 1961 à 1964[18]. En 1967[19] et en 1971[20], il fonde le Centre de recherche philologique, affilié au CNRS en 1973. Des chercheurs comme Mayotte Bollack, Heinz Wismann, Pierre Judet de La Combe, André Laks, Barbara Cassin, Philippe Rousseau participent à son rayonnement[20], ainsi que, un peu plus tard Christoph Koenig, Werner Woergerbauer, Rossella Saetta-Cottone, Denis Thouard, et bien d'autres. La méthode et la pensée caractéristiques développées dans ce cadre permettent de caractériser sur une véritable « École de Lille »[21],[22].
Au cours de sa carrière, Jean Bollack a travaillé sur de nombreux auteurs antiques. Un axe important de sa recherche est la littérature présocratique, avec diverses études consacrées à Empédocle, Héraclite et Parménide. En matière de philosophie antique, il s'est également longuement intéressé à Épicure en compagnie de son épouse, Mayotte Bollack, latiniste et spécialiste de Lucrèce. Il se consacre alors à un autre objet d'études, la tragédie grecque, avec des essais, des commentaires et des traductions autour des œuvres d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide, également en collaboration avec Mayotte Bollack. Parmi ses autres publications majeures en tant qu'helléniste, il a également travaillé sur le papyrus de Lille 76 et a rédigé une biographie du philologue juif allemand Jacob Bernays, oncle paternel de Martha Bernays, épouse de Freud.
Il collabore en 1990 avec la metteuse en scène Ariane Mnouchkine pour la création d'Iphigénie à Aulis, basée sur la traduction qu'il en a faite avec Mayotte Bollack. Le philologue Pierre Judet de La Combe s'associera au projet de mise en scène des Atrides. Son travail sur la tragédie grecque s'est enrichi de sa collaboration avec d'autres acteurs et metteurs en scène, comme avec Alain Milianti, Jacques Lassalle, Marcel Bozonnet, administrateur de la Comédie-Française avec qui il met en scène Antigone de Sophocle[23], André Wilms, Camilla Saraceni, Évelyne Didi, Hélène Lapiower et bien d'autres.
Outre ses travaux d'helléniste, Jean Bollack a travaillé sur des textes grecs avec des psychanalystes comme Franz Kaltenbeck et Geneviève Morel[24]. Il s'est également intéressé, dès le début de ses études, à la littérature contemporaine. Wilhelm Stein le charge de s'occuper des études de son filleul, Bernhard Böschenstein, lorsque celui-ci vient à Paris au début des années 1950[25]. Grâce à lui, Bollack fait la connaissance en 1959 du philologue et critique littéraire Péter Szondi, qui à son tour l'introduit auprès de l'historien et philologue Gershom Scholem, ainsi qu'auprès du poète allemand Paul Celan, avec qui il se lie d'amitié[26],[27]. Szondi et Celan se donnent la mort au début des années 1970.
Jean Bollack est alors nommé légataire des écrits posthumes de Szondi par les parents de celui-ci, en compagnie de Hellmut Becker[28]. Il s'attachera à faire connaître plus largement les œuvres de Szondi et de Celan, poète dont il demeure l'un des exégètes les plus pénétrants[29].
Premio Marcello Gigante per gli studi classici (2004)[37]
Publications
Jean Bollack, Empédocle, t. I : Introduction à l'ancienne physique, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », .
Jean Bollack, Empédocle, t. II : Les Origines. Édition et traduction des fragments et des témoignages, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », .
Jean Bollack, Empédocle, t. III : Les Origines. Commentaire 1 et 2, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », .
Jean Bollack et André Laks, Épicure à Pythoclès : sur la cosmologie et les phénomènes météorologiques, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, , 371 p. (ISBN978-2-85939-103-4, lire en ligne).
Jean Bollack, L'"Agamemnon" d'Eschyle : le texte et ses interprétations, vol. I, t. I : Prologue, parodos anapestique, parodos lyrique 1, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, (ISBN2-85939-188-6).
Jean Bollack, L'"Agamemnon" d'Eschyle : le texte et ses interprétations, vol. I, t. II : Parodos lyrique 2-3, présentation du premier épisode, premier stasimon, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, (ISBN2-85939-189-4).
Jean Bollack, L'Oedipe roi de Sophocle : le texte et ses interprétations, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires de Lille, coll. « Cahiers de philologie », , 1304 p. (ISBN2-85939-366-8).
Jean Bollack, Pierre de cœur : un poème inédit de Paul Celan, "Le Périgord", Périgueux, Pierre Fanlac éditeur, (ISBN978-2-86577-153-0).
Jean Bollack, Jean-Marie Winkler et Werner Wögerbauer, Sur quatre poèmes de Paul Celan : lecture à plusieurs, Lille, Université de Lille III, coll. « Revue des sciences humaines », .
Jean Bollack, La naissance d’Œdipe : traduction et commentaires d'"Oedipe roi", Paris, Éditions Gallimard, coll. « Tel », , 347 p. (ISBN2-07-074031-5).
Jean Bollack, La Grèce de personne : les mots sous le mythe, Paris, Éditions du Seuil, coll. « L'ordre philosophique », , 485 p. (ISBN2-02-019898-3).
Jean Bollack (préf. Renate Schlesier), Jacob Bernays : un homme entre deux mondes, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Savoirs mieux », , 117 p. (ISBN2-85939-569-5, lire en ligne).
Empédocle (trad. du grec ancien par Jean Bollack), Les purifications : un projet de paix universelle, Paris, Éditions du Seuil, , 144 p. (ISBN2-02-056915-9).
Jean Bollack, Au jour le jour, Paris, Presses universitaires de France, , 1147 p. (ISBN978-2-13-061905-5).
Jean Bollack (trad. Catherine Porter et Susan Tarrow), The art of reading : from Homer to Paul Celan, Washington, D.C., Center for Hellenic Studies, Trustees for Harvard University, , 375 p. (ISBN978-0-674-66019-9, lire en ligne).
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Filmographie
X (court métrage) par Pierre Deschamps (22 min), La Fémis, les films des étudiants, promotion 2014 (consulté le ).