L’interroi (en latin : interrex ; en grec ancien : μεσοβασιλεύς / mesobasileús) est un magistrat nommé à titre exceptionnel dans la Rome antique, en cas de vacance du pouvoir, c'est-à-dire après la disparition du roi (selon la tradition légendaire rapportée par Tite-Live) ou des magistrats détenteurs de l’imperium (consul ou tribun militaire à pouvoir consulaire).
Sous la République romaine, en cas de vacance du consulat[1] pour cause de mort[1],[2] ou d’abdication[1] des deux consuls ou de troubles ayant retardé l’élection[1],[2], le Sénat décide d’établir un interrègne (interregnum)[2]. Il choisit en son sein un patricien[2] comme premier interroi[3]. Celui-ci, chargé de préparer l’élection des nouveaux consuls par les comices centuriates[3],[2], ne peut les présider, n’ayant pas reçu l’investiture auspicatoire[4]. Le premier interroi en nomme un second qui lui succède[4]. Ayant reçu l’investiture auspicatoire du premier, ce second interroi peut tenir les comices[4]. Les principaux ornements consutaires, dont le siège curule, lui sont accordés[2]. À la suite de Theodor Mommsen[2], l’interroi est d’ordinaire regardé comme le titulaire d’une magistrature extraordinaire. Mais la qualité de magistrat de l’interroi est discutée[2].
L’interroi recevait l’imperium, pouvoir suprême qui lui donnait droit d’établir les augures, et s’ils étaient favorables de réunir le peuple pour procéder selon les rites à l’élection d’un roi (sous la monarchie) ou des magistrats (sous la République).
Sous la République romaine, si au bout de cinq jours les élections n’avaient pas eu lieu, l’interroi désignait son successeur, lui transmettait son imperium et démissionnait. Les interrois se succédaient ainsi, jusqu’à ce que des magistrats soient élus et leur succèdent.
Les noms de trente-sept interrois nous sont parvenus[5]. Leur liste a été établie par Pierre Willems[1].
L'interrègne politique de l'interrex
L'interrègne sous la royauté
D'après la tradition rapportée par Tite-Live[6] et Denys d'Halicarnasse[7], la procédure de choix du nouveau roi débute par un interrègne[8]. Un interroi, tiré au sort parmi les sénateurs, exerce le pouvoir royal pendant cinq jours[8]. Il procède à la « désignation » (designatio) du futur roi et prend les auspices afin de s'assurer que Jupiter agrée la personne ainsi désignée[9]. En cas de réponse négative, un nouvel interroi succède au premier et ainsi de suite, jusqu'à ce que la volonté des dieux se manifeste clairement et que la désignation du roi devienne effective[10]. L'interroi se rend alors devant les comices curiates et leur demande d'approuver le choix en procédant à la « création » (creatio) du nouveau roi[10]. Les comices s'exécutent en votant par acclamations[10].
Selon la tradition[11], le premier interrègne survint à la mort de Romulus et dura jusqu'à ce que Numa Pompilius fût choisi comme roi. Le Sénat décida de distribuer les cent membres dont il était composé en dix décuries, et de confier à chacune d'elles la désignation de celui de ses membres qui exercerait, pour cinq jours, l'autorité.
Le mort d'Ancus Marcius n'ouvrit pas d'interrègne, bien que Tarquin l'Ancien n'accédât au trône qu'avec l'assentiment du Sénat. Il n'y eut plus d'interrègne jusqu'à l'avènement de la République.
L'interrègne sous la République
Durant les débuts de la République romaine au Ve siècle av. J.-C., il fallut nommer plusieurs fois des interrois, lorsque les magistrats suprêmes avaient terminé leur mandat ou étaient morts sans que des élections aient désigné leurs successeurs, retard généralement dû à une crise politique.
Le dernier interroi, Marcus Aemilius Lepidus, fut désigné lors de la crise de début , alors que les élections consulaires n’avaient pas pu être effectuées, en raison des troubles créés par les bandes armées de Clodius Pulcher.
Succession d'au moins deux interrois
D'après Tite-Live[14], au moins deux interrois se succédaient au cours d'un même interrègne : le premier était désigné par le Sénat ou les seuls sénateurs patriciens ; le second, par le premier. Le nombre des interrois se succédant lors d'un même interrègne n'était pas limité : toujours d'après Tite-Live[15], quatorze interrois se sont succédé en .
Choix du premier interroi
La question de savoir si le premier interroi était choisi par le Sénat ou les seuls sénateurs patriciens est discutée. D'après Cicéron[16] et Tite-Live[17], le choix du premier interroi aurait été réservé aux patriciens. Il est acquis que le premier interroi n'était pas désigné par tirage au sort (sortitio) mais la question de savoir si une liste (ordo senatorius) était ou non utilisée est discutée.
Accessibilité à la charge d'interroi
L'accès à la charge d'interroi était réservé aux sénateurs : cela ressort notamment de la liste des interrois dont les noms nous sont parvenus. La question de savoir si la charge d'interroi était ou non réservée aux sénateurs patriciens est discutée. En effet, d'après Cicéron[16], seul un patricien pouvait être choisi comme interroi. La question de savoir si la charge d'interroi était ou non réservée aux sénateurs consulaires — c'est-à-dire à ceux ayant exercé le consultat — ou, plus largement, aux sénateurs curules — c'est-à-dire à ceux ayant exercé une magistrature curule — est également discutée.
L'interrègne sacral du rex sacrorum
André Magdelain a établi un lien entre l'interregnum et les cinq derniers jours du mois de février qui, dans le calendrier romain pré-julien, suivaient les Terminalia et précédaient les calendes de mars.
Dans le calendrier romain pré-julien, le mois de février (fěbrǔārǐus) comptait vingt-huit jours.
Les Terminalia étaient célébrées le septième jour avant les calendes de mars (ante diem septimum Kalendas Martias), c'est-à-dire le vingt-troisième jour du mois de février, jour que Varron définit comme extremus dies, le dernier jour de l'année[18].
La nouvelle année débutait aux calendes de mars, c'est-à-dire le premier jour de mois.
Les Terminalia étaient suivies de cinq jours épagomènes.
Le premier de ces cinq jours, l'on célébrait le Regifugium qui, d'après Ovide[19], commémorait la fuite du roi Tarquin le Superbe et, ainsi, la fin de la royauté.
André Magdelain considère que, pendant ces cinq jours, le pouvoir du rex sacrorum était suspendu et que son exercice était confié à un interroi sacral.
Épidémie à Rome. Contagion simultanée des deux consuls : Lucius Valerius Potitus et Marcus Manlius Capitolinus[53]. Abdication des deux consuls sur un décret du sénat. Succession de trois interrois : Marcus Furius Camillus, Publius Cornelius Scipio et Lucius Valérius Potitus. Celui-ci crée six tribuns militaires à pouvoir consulaire[54].
Succession de trois interrois : M. Manlius Capitolinus, Ser. Sulpicius Camerinus et L. Valerius Potitus[64]. Celui-ci crée six tribuns militaires à pouvoir consulaire : L. Papirius, C. Cornelius, C. Sergius, L. Aemilius pour la seconde fois, L. Menenius et L. Valerius Publicola pour la troisième[65].
En , après le décès des deux consuls emportés par une épidémie, l’interroi Publius Valerius Publicola organise les élections[116] ;
En , après la destitution des decemvirs au pouvoir ;
En , une longue série d’interrois fut nommée, par suite du blocage politique entre sénateurs et tribuns de la plèbe sur les questions d’accepter les candidatures plébéiennes aux postes de questeurs, et d’élire des consuls plutôt que des tribuns militaires à pouvoir consulaire. Cette crise fut dénouée par l’interroi Lucius Papirius Mugillanus, qui fit accepter un compromis, et organisa l’élection des tribuns militaires à pouvoir consulaire[117] ;
En , L. Cornelius Scipio, patricien, peut-être maître de la cavalerie en -362 ;
En , les patriciens conservateurs refusèrent que le premier dictateur plébéien Caius Marcius Rutilus organise les élections, prétextant que seul un patricien avait le pouvoir d'augure nécessaire au rite électoral, et imposèrent qu'elles se déroulent sous l'imperium d'un interroi patricien[118] ;
↑Varron, De la Langue latine, VI, 13 : « Terminalia, quod is dies anni extremus constitutus ; duodecimus enim mensis fuit Februarius, et quom intercalatur, inferiores quinque dies duodecimo demuntur mense » ↔ Les Terminales, fêtes célébrées le dernier jour de l'année, car le douzième mois était février, dont on retranchait les cinq derniers jours les années intercalaires.
[Willems 1883] Pierre Willems, Le Sénat de la République romaine : sa composition et ses attributions, t. II : Les attributions du Sénat, Louvain, Ch. Peeters, , 1re éd., 1 vol., 784 (BNF37407952, lire en ligne), liv. I (« Le Sénat pendant la vacance du pouvoir exécutif ou des magistratures patriciennes. — L'interregnum »), p. 7-31.
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