En 1947, Guy Dessicy rejoint le Studio Hergé. Il colorie la réimpression de Popol et Virginie au pays des Lapinos d'Hergé (initialement publié en noir et blanc en 1934) et redessine certains décors. Il colorie également certains albums de Tintin[4] qui ont été redessinés et réédités à peu près à la même époque. Hergé considérait à l'origine Dessicy comme le successeur de son ancien assistant Edgar P. Jacobs, mais comme le jeune homme n'est pas très doué en dessin, il l'engage simplement comme coloriste. Pourtant, Dessicy a une influence significative sur Les Aventures de Tintin. Pour Hergé, Bob De Moor, Edgar P. Jacobs et Jacques Van Melkebeke, Dessicy prend souvent la pose, de telle sorte qu'ils ont un modèle pour leurs croquis préparatoires. Il affirme également avoir inspiré le personnage de Abdallah dans Les Aventures de Tintin : ayant lu une nouvelle d'O. Henry, La Rançon du chef rouge (1907) — dans laquelle deux gangsters kidnappent un enfant qui s'avère être un morveux si odieux qu'ils sont plus disposés à s'en débarrasser qu'à le garder en otage —, il en raconte le pitch à Hergé qui tient l'essentiel de l'intrigue de Tintin au pays de l'or noir (1950). Pourtant, Dessicy a toujours insisté sur le fait qu'il ne faisait que donner à Hergé une vague idée avec laquelle il fait ce que bon lui semble. Outre Hergé, Dessicy colorie anonymement presque tout le journal Tintin[4] dont la première histoire Bob et Bobette de Willy Vandersteen pour Le Fantôme espagnol (1948-1950)[1], Le Mystère de la Grande Pyramide de Jacobs, Barelli de Bob De Moor, Corentin de Paul Cuvelier et des éditions du Lombard[2].
Publiart
En 1953, Dessicy quitte le Studio Hergé car le processus de production ralentit. Hergé avait embauché des coloristes supplémentaires et la plupart du temps le jeune stagiaire n'a rien à faire. Raymond Leblanc, patron des éditions du Lombard, lui propose un poste à la tête de la nouvelle régie interne Publiart[4]. Dessicy accepte et conserve ce poste avec pour devise[5]« Rêver d’abord, contrôler ensuite ! » pendant plus de 35 ans[3]. L'entreprise se spécialise dans les publicités faisant appel à la bande dessinée et à l'affiche, ainsi que dans le merchandising basé sur des personnages de bande dessinée belges. Dessicy est également nommé chef du service publicité de Tintin et fait tellement bien son travail que le magazine rival Spirou, sollicite les services de Publiart[1].
Publiart réalise des publicités pour de nombreuses entreprises, dont les biscuits Parein (Cha-Cha), le café Rombouts, le chocolat Côte d'Or, les jeans Salik et le parc d'attractions Walibi à Wavre, en Belgique. Pour ces derniers, il a également conçu leur mascotte en 1975 : un kangourou orange. Il invente également le slogan publicitaire classique « As-tu ton Tuc ? » (« Avez-vous déjà votre Tuc? ») pour la marque de biscuits Tuc de Parein. Dans les années 1960, Publiart élargit ses activités et se lance également dans le développement de slogans et de mascottes. Avec le déclin progressif des magazines de bande dessinée dans les années 1970, Publiart perd l'essentiel de sa pertinence. Dessicy démissionne de son poste de direction au début des années 1980. En 1989, la dernière réalisation de Publiart est d'organiser une tombola à l'occasion de l'ouverture du Centre belge de la bande dessinée à Bruxelles, pas par hasard un projet de Guy Dessicy[1].
Centre belge de la bande dessinée
Dessicy se passionne pour l'Art nouveau, en particulier pour l'œuvre de l'architecte belge Victor Horta. En 1979, il rachète la Maison Cauchie[8] à Etterbeek, conçue par Paul Cauchie et Édouard Frankinet en 1904 mais menacée de démolition. Grâce à ses efforts[9], le bâtiment est restauré et transformé en musée. Dessicy achète aussi un autre bâtiment en ruine réalisé par Horta à peu près à la même époque, à savoir les anciens magasins Waucquez. Le projet initial était d'en faire un musée autour d'Hergé, mais le créateur de Tintin estime qu'il devait s'agir d'un musée pour tous les dessinateurs belges de bande dessinée. Le projet est parrainé par les organisations de bande dessinée flamande De Vlaamse Onafhankelijke Stripgilde et wallonne : Upchic, qui ont réussi à convaincre le gouvernement belge de mettre suffisamment de moyens financiers à disposition pour concrétiser le projet. Eddy Ryssack supervise les débats du côté néerlandophone, tandis que Dessicy s'en occupe du côté francophone. En 1986, un événement spécial a été organisé pour promouvoir l'idée et collecter plus d'argent. Tous les auteurs de bande dessinée belges d'un certain renom et d'une certaine stature étaient là. Après rénovation par l'architecte Jean Breydel, le Centre belge de la bande dessinée a ouvert ses portes en 1989 en présence du roi Baudouin et de la reine Fabiola. Jean-Claude Salemi conçoit l'affiche de la journée d'ouverture. De nombreuses bandes dessinées issues des productions Publiart font partie de l'exposition permanente. Dessicy était accompagné dans ces premières étapes par le scénariste Bob De Groot et Michel Leloup de Belvision, qui lui succède à la direction du musée[1]. Il en reste président d'honneur. Par ailleurs, de 2000 à 2012, il est président de l'association sans but lucratif « Centre belge de la bande dessinée » qui vu le jour en 1984, succédant à Jean Van Hamme[10].
Le , il reçoit l'UBEMA Award récompensant son travail de défense et de promotion des intérêts et de l'élargissement des positions du marché de l'art, notamment par la bande dessinée, décerné par l’Union belgo-luxembourgeoise du marché de l’art[11].
Don à la Fondation Roi Baudouin
En 2015, les époux Léona et Guy Dessicy font don de 39 lettres adressées par Hergé à Marcel Dehaye, son secrétaire particulier à la Fondation Roi Baudouin[12].
Le Livre d'or de la Bande Dessinée, Centre belge de la bande dessinée, Bruxelles, 1986 Scénario : collectif dont Guy Dessicy - Dessin et couleurs : collectif
Léona Dessicy, Maurice Culot et Françoise Aubry, La maison Cauchie : entre rêve et réalité, Bruxelles, Maison Cauchie, , 96 p., ill. ; 29 cm (OCLC1039695088).
Catalogues d'exposition
Comic strip art from Belgium, New York (Dir.) Centre belge de la bande dessinée, 1988 (OCLC18562579).
Réception
Prix et récompenses
2009 : UBEMA Award pour son travail de défense et de promotion des intérêts et de l'élargissement des positions du marché de l'art, notamment par la bande dessinée[11].
Hommage
Bob de Moor le représente dans le dernier album de Barelli : Bruxelles bouillonne en 1990[1].
Postérité
Hergé lui dédicace Popol et Virginie au pays des Lapinos en édition originale avec l'envoi[13],[5] : « À mon cher Guy-mauve Dessicy, coloriste patient et minutieux, qui m’a tellement marché sur les pieds que cet album a fini par sortir. Très amicalement. Hergé. 16/10/1952 ».
Didier Pasamonik, le directeur du site d'information ActuaBD lui rend un vibrant hommage dans l'article Décès de l’infatigable Guy Dessicy, le fondateur du Centre Belge de la bande dessinée qu'il lui consacre le [2].
Selon Gilles Ratier[14]« Collaborateur et ami d’Hergé, amoureux de théâtre et d’Art Nouveau autant que de bandes dessinées, Guy Dessicy est un passeur de culture et Publiart se développa à son image. »
↑ ab et cFrancis Matthys et Alain Lorfèvre, « Guy Dessicy, passeur d’art, d’images et de patrimoine », La Libre Belgique, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Le fondateur du CBBD, Guy Dessicy, est décédé », Focus Vif, (lire en ligne, consulté le ).
↑Daniel Couvreur, « Les défenseurs de l'art du sgraffite mal récompensés : Le mépris en prime pour la maison Paul Cauchie », Le Soir, (lire en ligne, consulté le ).
↑Udo Van Nieuwenburg, « Bande-dessinée – collection Guy Dessicy (lots 185 à 215) : Hergé - Ensemble de 10 albums dédicacés à Guy Dessicy. 1947-1953. », Sotheby's, (lire en ligne, consulté le ).
↑Gilles Ratier, « Les trésors de l’agence Publiart au Centre Belge de la Bande Dessinée… », BDzoom, (lire en ligne, consulté le ).
Annexes
Bibliographie
Livres
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Nicolas Anspach, « L’aventure de Publiart : Quand la publicité découvrait la BD », ActuaBD, (lire en ligne, consulté le )
Guy Dessicy (interviewé par Nicolas Anspach), « Guy Dessicy (Publiart, fondateur du CBBD) : « La BD, c’est mon lait, ma nourriture, mes racines ! » », ActuaBD, (lire en ligne, consulté le ).