En mathématiques, et plus spécifiquement en topologie algébrique, les groupes d'homotopie des sphères sont des invariants qui décrivent, en termes algébriques, comment des sphères de dimensions n {\displaystyle n} et k {\displaystyle k} égales ou différentes peuvent s'enrouler l'une sur l'autre. La notion, définie au départ pour des sphères de dimension 1 (cercles) et de dimension 2, se généralise à des sphères de toutes dimensions (les n {\displaystyle n} -sphères).
Le groupe d'homotopie d'ordre j {\displaystyle j} de la sphère de dimension n {\displaystyle n} , S n {\displaystyle \mathbb {S} ^{n}} , est l'ensemble, noté π j ( S n ) = [ S j → S n ] {\displaystyle \pi _{j}(\mathbb {S} ^{n})=[\mathbb {S} ^{j}\to \mathbb {S} ^{n}]} , des classes d'homotopie d'applications continues qui envoient un point fixé de la sphère S j {\displaystyle \mathbb {S} ^{j}} sur un point fixé de la sphère S n {\displaystyle \mathbb {S} ^{n}} .
Cet ensemble (pour j {\displaystyle j} et n {\displaystyle n} fixés), noté π j ( S n ) {\displaystyle \pi _{j}(\mathbb {S} ^{n})} , peut être muni d'une structure de groupe abélien.
Si j < n {\displaystyle j<n} , ce groupe est réduit à un seul élément : π j ( S n ) = { 0 } {\displaystyle \pi _{j}(\mathbb {S} ^{n})=\{0\}} .
Si j = n {\displaystyle j=n} , ce groupe est monogène infini (c'est-à-dire infini et engendré par un seul élément) : π n ( S n ) = Z {\displaystyle \pi _{n}(\mathbb {S} ^{n})=\mathbb {Z} } (cela résulte du point précédent, par le théorème d'Hurewicz).
Si j > n {\displaystyle j>n} , le groupe π j ( S n ) {\displaystyle \pi _{j}(\mathbb {S} ^{n})} est soit un groupe fini, soit la somme d'un groupe fini et d'un groupe infini monogène.
La suite spectrale de Serre fut inventée pour calculer les groupes d'homotopie des sphères, mais aucune liste complète de ces groupes n'est connue.
Pour calculer ces groupes, on utilise aussi les fibrations de Hopf et la technique des variétés équipées (framed en anglais) qui provient de la théorie du cobordisme.
Une sphère de dimension 1 est un cercle. On a :
Pour la notion de sphère à trois dimensions, voir l'article 3-sphère.
Les sphères de dimension au moins deux sont simplement connexes, en particulier :
En toute dimension n {\displaystyle n} supérieure ou égale à 3, on a : π 2 ( S n ) = 0 {\displaystyle \pi _{2}(\mathbb {S} ^{n})=0} , en particulier :
En toute dimension n {\displaystyle n} , on a : π n ( S n ) = Z {\displaystyle \pi _{n}(\mathbb {S} ^{n})=\mathbb {Z} } , en particulier :
En dimensions 2 et 3, la fibration de Hopf
donne lieu à une suite exacte d'homotopie,
Comme π 1 ( S 1 ) = Z {\displaystyle \pi _{1}(\mathbb {S} ^{1})=\mathbb {Z} } et pour i ≥ 2 {\displaystyle i\geq 2} , π i ( S 1 ) = 0 {\displaystyle \pi _{i}(\mathbb {S} ^{1})=0} , on a donc un isomorphisme :
en particulier
Pour les groupes d'homotopie supérieurs, d'autres techniques donnent les résultats suivants :
Les groupes d'homotopie π i ( S 3 ) ≃ π i ( S 2 ) {\displaystyle \pi _{i}(\mathbb {S} ^{3})\simeq \pi _{i}(\mathbb {S} ^{2})} sont finis pour i {\displaystyle i} supérieur ou égal à 4.
Calculer les groupes d'homotopie des sphères est difficile et les résultats sont compliqués. La table suivante donne une idée de la complexité :
Les entrées de la table sont soit le groupe trivial 0, soir le groupe monogène infini ℤ, soit les groupes abéliens finis ou encore (cases rouges) le produit de tels groupes finis abéliens et de ℤ.
Les tables de groupes d'homotopies sont plus facilement organisées en présentant π n + k ( S n ) {\displaystyle \pi _{n+k}(\mathbb {S} ^{n})} en fonction de n {\displaystyle n} et de k {\displaystyle k} :
Pour les « grandes » dimensions, on a :
Comme il peut être conjecturé, il s'avère que Γ k = π n + k ( S n ) {\displaystyle \Gamma _{k}=\pi _{n+k}(\mathbb {S} ^{n})} est indépendant de n {\displaystyle n} pour n {\displaystyle n} suffisamment grand. Ce phénomène est connu sous le nom de stabilité. Il résulte du théorème de suspension de Freudenthal suivant :
Les premiers groupes stables Γ k = π 2 k + 2 ( S k + 2 ) = π n + k ( S n ) , n ≥ k + 2 {\displaystyle \Gamma _{k}=\pi _{2k+2}(\mathbb {S} ^{k+2})=\pi _{n+k}(\mathbb {S} ^{n}),\quad n\geq k+2} sont les suivants :
Les groupes d'homotopie stable sont finis sauf pour k = 0 {\displaystyle k=0} .
À partir de k = 23 {\displaystyle k=23} , la décomposition de Γ k {\displaystyle \Gamma _{k}} se complique, par exemple :
Z64⊕Z22⊕Z3 ⊕Z5⊕Z17
Z16⊕Z25⊕Z32⊕Z25⊕Z11
Z32⊕Z4⊕Z23 ⊕Z9⊕Z3 ⊕Z5⊕Z7⊕Z13
La table précédente incite à s'intéresser à la classe de congruence modulo 4 de k, si p est un nombre premier supérieur ou égal à 7 :
Par exemple :
La complexité réside essentiellement dans les 2-, 3- et 5- composantes du groupe Γ k {\displaystyle \Gamma _{k}} .
Les premiers groupes non stables sont les suivants :
Les groupes d'homotopie stables π n + k ( S n ) {\displaystyle \pi _{n+k}(\mathbb {S} ^{n})} sont finis sauf pour k = 0 {\displaystyle k=0} ( Γ 0 = Z {\displaystyle \Gamma _{0}=\mathbb {Z} } ).
Les groupes d'homotopie instables sont finis sauf les groupes π 4 p − 1 ( S 2 p ) {\displaystyle \pi _{4p-1}(\mathbb {S} ^{2p})} (avec p > 0). Ces derniers ( π 3 ( S 2 ) {\displaystyle \pi _{3}(\mathbb {S} ^{2})} , π 7 ( S 4 ) {\displaystyle \pi _{7}(\mathbb {S} ^{4})} , π 11 ( S 6 ) {\displaystyle \pi _{11}(\mathbb {S} ^{6})} , …) sont isomorphes à la somme directe de Z {\displaystyle \mathbb {Z} } et d'un groupe fini.
On sait que si n > 1 {\displaystyle n>1} , il y a une infinité de groupes π k ( S n ) {\displaystyle \pi _{k}(\mathbb {S} ^{n})} qui sont non nuls (ce sont des résultats de Jean-Pierre Serre).
On sait aussi que π k ( S 5 ) ≠ 0 {\displaystyle \pi _{k}(\mathbb {S} ^{5})\neq 0} pour tout k > 4 {\displaystyle k>4} (Morton L. Curtis).
Ce groupe permet de définir le degré de Brouwer d'une application de la sphère dans elle-même.
En géométrie algébrique, on définit les S n , i {\displaystyle \mathbb {S} ^{n,i}} qui sont les sphères de dimension n {\displaystyle n} et de poids i {\displaystyle i} .
On peut définir les groupes d'homotopie stable des sphères comme colimites (ou limites inductives) de l'ensemble des classes d'homotopie d'applications de S 2 r + n , r {\displaystyle \mathbb {S} ^{2r+n,r}} vers S 2 r , r + i . {\displaystyle \mathbb {S} ^{2r,r+i}.}
L'application du foncteur de suspension à d'autres espaces topologiques que la sphère donne naissance à la théorie de l'homotopie stable.