Franz Joseph Gall ou Jean-Joseph Gall[1] (, Tiefenbronn - , Montrouge) est un médecinallemand naturalisé français en 1819[2], considéré comme le père fondateur de la phrénologie, qui visait à déceler les facultés et les penchants des hommes par la palpation des reliefs du crâne. Selon Serge Nicolas, il fut « le premier à clairement souligner que les facultés de l’âme sont des fonctions du système nerveux central et à proposer une cartographie précise des facultés de l’âme »[3].
Biographie
D'abord tenté par la prêtrise, Gall choisit finalement d'étudier la médecine et commence sa formation à l'université de Strasbourg. En 1781, il poursuit ses études à l'université de Vienne où il devient l'élève de Gerard van Swieten. Nommé professeur, il concentre ses études sur le cerveau et plus particulièrement les relations entre la matière grise et la matière blanche qui composent le cerveau.
Neuroanatomiste brillant, il inventera une méthode de dissection du cerveau qui force l'admiration d'un autre médecin et biologiste célèbre de l'époque, Pierre Flourens, pourtant grand rival des thèses de Gall. En effet, contre l'église catholique romaine qui condamne l'idée que l'esprit humain puisse avoir un ancrage matériel[4] et contre nombre de scientifique de son époque non convaincus par ces spéculations[5], Gall développe une théorie localisationiste selon laquelle les facultés mentales sont liées spécifiquement à certaines parties du cerveau. Cette ambition de vouloir lier l'anatomie à la fonction au sein du cerveau en font un précurseur des neurosciences cognitives, mais c'est en tant que père d'une science nouvelle que son nom restera célèbre.
En effet, vers 1800, Gall conclut à partir de diverses observations que la morphologie du crâne refléterait certains traits de caractère. Il est ainsi frappé par le fait que ses meilleurs étudiants ont les yeux particulièrement protubérants. Gall en conclut que les déformations à la surface du crâne sont dues à la pression des organes du cerveau liés à telle ou telle faculté mentale. Ceux chez qui ces organes sont très développés présenteront donc une bosse à la surface du crâne en regard de cette région du cerveau. Ce lien direct qu'il y aurait entre facultés mentales, anatomie cérébrale et morphologie du crâne pose les fondements d'une discipline qu'il baptisa « crânioscopie » et que l'un de ses disciples, Johann Gaspar Spurzheim rebaptisa « phrénologie » en 1810.
Rapidement, Gall en vint à généraliser cette idée au point de déterminer une trentaine d'organes de ce type : organe de l'amour physique, de l'amitié, de l'espritmétaphysique, etc. Cette théorie s'est révélée erronée, mais elle fut l'une des premières à attribuer une localisation aux différentes fonctions du cerveau. Indépendamment de la question d'une justesse de la phrénologie, l'idée d'un localisationnisme cérébral restera controversée pendant quelques années, certains chercheurs partisans du « holisme cérébral », se refusaient à admettre que le cerveau puisse être séparé en unités fonctionnant séparément les unes des autres.
Contraint de quitter l'Autriche de François II, Gall s'exile en 1808 définitivement en France[6] où ses idées révolutionnaires semblent mieux s'accorder avec le souffle politique de l'époque. Néanmoins, l'Académie des sciences condamne ses travaux pour leur manque de scientificité, ce qui n'empêche pas Gall de connaître une certaine renommée dans les milieux intellectuels parisiens. Mais c'est en Angleterre et surtout aux États-Unis que ses thèses trouveront le meilleur écho, en particulier grâce à la publicité qu'en fait Johann Gaspar Spurzheim, un assistant de longue date de Gall, mais aussi parce que ces théories y servent à justifier l'infériorité naturelle des peuples colonisés.
Le musée de l'Homme à Paris conserve encore dans ses réserves des crânes témoignant de l'engouement du XIXe siècle pour la phrénologie où des étiquettes désignent des aires cérébrales sous les termes de « Besoin inné d'être bon », « Charitable et miséricordieux », « Perception des lois de l'Harmonie », « Amour du lucre » ou encore « Besoin d'Admiration ou tendance à la Foi ». Les recherches phrénologiques de Gall ouvriront malgré tout la voie aux travaux portant sur les liens entre les aires du cerveau et les facultés mentales, en particulier à Paul Broca, qui identifiera une aire associée au langage articulé.
Il ne laisse pas de fortune à sa veuve[2], née Marie-Anne Barbé, originaire de Nancy, qui se remarie en 1833 à Montrouge[9] avec le médecin Fleury Imbert(d)[10] (1795-1851).
Œuvres et publications
Sur les fonctions du cerveau et sur celles de chacun de ses parties..., vol. 1 : Sur l'origine des qualités morales et des facultés intellectuelles de l'homme, Paris, J.-B. Baillière, (lire en ligne)
Sur les fonctions du cerveau et sur celles de chacun de ses parties..., vol. 3 : Influence du cerveau sur la forme du crâne, Paris, J.-B. Baillière, (lire en ligne)
Précis du système phrénologique (trad. de l'anglais par Docteur Valentin), Paris, Garnier, (lire en ligne)
Recherches sur le système nerveux en général, et sur celui du cerveau en particulier : mémoire présenté à l'Institut de France, le , suivi d'observations sur le rapport qui en a été fait à cette compagnie par ses commissaires, Paris, F. Schoelle et H. Nicolle, (lire en ligne)
Anatomie et Physiologie du Système nerveux en général et du cerveau en particulier avec des observations sur la possibilité de reconnaître plusieurs dispositions intellectuelles et morales de l'homme et des animaux par la configuration de leur têtes, Paris, Schoell, (lire en ligne)
5 volumes (4 volumes de texte et un atlas)
Des dispositions innées de l'âme et de l'esprit, du matérialisme, du fatalisme et de la liberté morale, avec des réflexions sur l'éducation et sur la législation criminelle, Paris, Schoell, (lire en ligne)
Notes et références
↑ a et bNecrologie In : L'ami de la religion et du roi : journal ecclésiastique, politique et littéraire du (No 1468), p. 111 (en ligne).
↑ ab et cAlexandre Ysabeau, « Physiognomonie et phrénologie, rendues intelligibles pour tout le monde : Lavater et Gall », Paris, Garnier frères, 1878, p. 162 (en ligne sur le site Gallica de la BnFgallica.bnf.fr.)
↑Serge Nicolas, Histoire de la philosophie en France au XIXe siècle. Naissance de la psychologie spiritualiste (1789-1830), Paris, L’Harmattan, 2007, p. 153-154.
↑Georgs Lanteri-Laura, « Histoire de la phrénologie : l'homme et son cerveau selon F.J. Gall », Presses universitaires de France, 1970, p. 238.
↑(18e division) Jules Moiroux, Le Cimetière du Père Lachaise, (lire en ligne), p. 166
↑Archives départementales des Hauts-de-Seine, état civil de Montrouge, registre des mariages, extrait Fleury Imbert et Marie Anne Barbé, mentionnant parmi les témoins Charles Harel, adepte de la phrénologie.
↑« Imbert, Fleury », notice biographique sur le site de l'Association d'études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier charlesfourier.fr.
Annexes
Bibliographie
Jean Létang, Gall et son œuvre, A. Maloine (Paris), 1906, 1 vol. ([II]-123 p.), in-8, lire en ligne sur Gallica.
(da) W. A. Obdrup, Dr. Galls lære om hjernens forretninger og hjerneskallen ... uddraget af de nyeste i denne anledning udkomne skrifter, Copenhague, Soldin, 1805, 83 p.
(de) Brigitte et Helmut Heintel, Franz Joseph Gall Bibliographie, Stuttgart, Offizin Chr. Scheufele, 1985, 41 p.
(de) Sigrid Oehler-Klein, Die Schädellehre Franz Joseph Galls in Literatur und Kritik des 19. Jahrhunderts : zur Rezeptionsgeschichte einer medizinisch-biologisch begründeten Theorie der Physiognomik und Psychologie, Stuttgart, G. Fischer, 1990, 442 p. (ISBN3437113348)
(de) Peter-Christian Wegner, Franz Joseph Gall, 1758-1828 : Studien zu Leben, Werk und Wirkung, Hildesheim ; New York, Georg Olms Verlag, 1991, 201 p. (ISBN3487093820)
(en) Erwin Heinz Ackerknecht et Henri V. Vallois, Franz Joseph Gall : inventor of phrenology and his collection, Univ. of Wisconsin Medical School, Madison, 1956, 86 p.
(en) Karl August Blöde, Dr. F.J. Gall's system of the functions of the brain, Londres, Routledge/Thoemmes Press, 2000 (ISBN0415228395)
Nicolas Philibert Adelon, Analyse d'un cours du Docteur Gall, ou physiologie et anatomie du cerveau d'après son système, Giguet et Michaud, Paris, 1808, 254 p.
Besnard, François Guillaume, Doctrine de M. Gall, son orthodoxie philosophique, son application au christianisme. Paris, Firmin-Didot, 1830Texte en ligne sur Scientifica
Charles Blondel, La psycho-physiologie de Gall : ses idées directrices, Paris, F. Alcan, 1913, 165 p. (d’après une thèse soutenue à l’Université de Paris)
M. A. Jullien, Exposé de la marche suivie par M. le Dr Gall, dans ses recherches sur la physiologie du cerveau, Paris, Xhrouet, 1808
Georges Lanteri-Laura, Histoire de la phrénologie : l'homme et son cerveau selon F. J. Gall, Paris, Presses Universitaires de France, 1970, 262 p.
Louis-François Lélut, Rejet de l'organologie phrénologique de Gall, et de ses successeurs, Fortin, Masson, Paris, 1843, 377 p. texte en ligne sur Scientifica
Jacques Baptiste Nacquart, Traité sur la nouvelle physiologie du cerveau, ou, Exposition de la doctrine de Gall sur la structure et les fonctions de cet organe : ouvrage accompagné de beaucoup de notes sur différens points de cette doctrine, et orné de planches, Paris, Léopold Collin, 1808, 452 p.
Charles France Dominique de Villers, Lettre de Charles Villers à Georges Cuvier, de l'Institut national de France, sur une nouvelle théorie du cerveau, par le docteur Gall : ce viscère étant considéré comme l'organe immédiat des facultés morales, Metz, Collignon, 1802, 82 p.
Victor Frédéric Alexandre Ysabeau, Lavater et Gall : Physiognomonie et phrénologie rendues intelligibles pour tout le monde; exposé du sens moral, des traits de la physionomie humaine et de la signification des protubérances de la surface du crâne relativement aux facultés et aux qualités de l'homme (nouvelle édition accompagnée de 150 figures dans le texte), Paris, Garnier frères, 1909?, 282 p.
Paul Nyssens, Introduction à l'étude de la phrénologie et de la physiognomie basée sur la phrénologie suivi de méditation sur la tombe de Gall, 2e édition, Bruxelles, Éditions Nyssens, 1937, 108 p.