Eutocius d'Ascalon

Eutocius d'Ascalon
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ΕὐτόκιοςVoir et modifier les données sur Wikidata
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Maître

Eutocius d'Ascalon, parfois Eutocios, en grec ancien, Εὐτόκιος, né à Ascalon en Palestine vers 480 apr. J.-C., est un géomètre grec qui vécut à Alexandrie autour de 510 apr. J.-C. Il a laissé des commentaires pour trois traités d'Archimède. On lui doit aussi une édition des quatre premiers livres des Coniques d'Apollonius de Perge, accompagnés également de commentaires.

L'auteur

D'Eutocius nous sont parvenus[1] :

  • trois commentaires des traités d’Archimède :
    • De la sphère et du cylindre ;
    • De la mesure du cercle ;
    • De l’Équilibre des figures planes ;
  • l'édition commentée des quatre premiers livres des Coniques d'Apollonius de Perge.

Les manuscrits de ses œuvres le déclarent originaire d'Ascalon[2], aujourd'hui Ashkelon, en Palestine. Les quelques informations biographiques dont on dispose à son propos proviennent essentiellement des préfaces à ses commentaires[1].

Eutocius dédie le commentaire du traité De la sphère et du cylindre à son maître Ammonius, fils du condisciple de Proclus à Athènes Hermias d'Alexandrie, philosophe néoplatonicien comme ceux-ci, et professeur de philosophie à Alexandrie[2]. Ammonius enseignait encore en 515 et meurt avant 526[3]. Par ailleurs la préface montre qu'Eutocius produit ce commentaire au début de sa carrière, de même que celui du traité De la mesure du cercle, écrit immédiatement après[4].

Eutocius fait référence à son commentaire du traité De la sphère et du cylindre au commentaire du livre I des Coniques, qui est donc postérieur[4]. Les commentaires des Coniques sont dédiés à un certain Anthémius, identifié depuis Heiberg à Anthémius de Tralles co-architecte, avec Isidore de Milet, de la basilique Sainte-Sophie de Constantinople dont le chantier démarre en 532[5]. Au vu du vocabulaire et du ton employés, Anthémius est un ami et condisciple d'Eutocius alors moins avancé en mathématiques que celui-ci, voire peut-être un disciple : les commentaires des Coniques sont donc antérieurs à 532[5].

Ces éléments conduisent à évaluer la naissance d'Eutocius autour de 480[5],[6], avec une activité centrée autour de 510[7].

Le commentaire du traité De l’Équilibre des figures planes est dédié à un certain Petros (Pierre) qui est donc chrétien, et n'est pas autrement connu[4],[8]. Il est postérieur au commentaire du traité De la sphère et du cylindre qu'il cite, mais n'est pas autrement datable[4].

Dans les manuscrits qui nous sont parvenus, les deux commentaires aux traités De la sphère et du cylindre et De la mesure du cercle mentionnent « Isidore, ingénieur mécanicien, notre maître »[6], qui peut désigner Isidore de Milet, le co-architecte de la construction de Sainte-Sophie en 532, ou son neveu, également architecte, qui est responsable de la reconstruction de la coupole écroulée en 558[5]. Ces mentions, qui ont autrefois conduit à dater Eutocius de quelques dizaines d'années plus tard[7], sont incompatibles avec les dates déduites des préfaces, et sont forcément le résultat d'une interpolation due à un disciple d'Isidore de Milet, l'oncle ou le neveu[5],[6].

Eutocius est aussi l'auteur de scolies au livre I de la Syntaxe de Ptolémée, selon son commentaire du livre I des Coniques, scolies qui ne nous sont pas parvenues[9],[10].

Eutocius d'Ascalon pourrait être identifié à un Eutocius, philosophe néo-platonicien, qui a commenté l'Isagogè de Porphyre[11] selon Elias[12],[13]. L. G. Westerink a même supposé qu'Eutocius était le successeur d'Ammonius et le prédécesseur d'Olympiodore comme enseignant de philosophie de l'école d'Alexandrie[14],[15]. Cependant le contenu des commentaires d'Eutocius est d'ordre mathématique et ne permet pas d'appuyer cette hypothèse[9].

Selon la tradition arabe, Eutocius se serait intéressé à l'astrologie : il aurait écrit un commentaire du livre I du Tetrabiblos de Ptolémée[9]. Il pourrait être identifié à l'Eutocius auteur d'un traité, l'Astrologoumena, dont un court extrait est connu, un horoscope calculé pour la ville d'Alexandrie au 28 octobre 497[9].

Œuvres

Édition des Coniques d'Apollonius et commentaire

Bien que l'édition des quatre premiers livres des Coniques par Eutocius et son commentaire nous soient parvenus séparément, ils étaient réunis à l'origine[16]. Les commentaires suivent le texte d'Apollonius, et étaient à l'origine inscrits dans la marge du manuscrit des coniques[16],[17]. L'édition des Coniques est connue par un manuscrit de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle, le commentaire par un manuscrit du IXe siècle[16].

En préambule de son commentaire, Eutocius témoigne de l'existence de plusieurs éditions des Coniques, et de sa propre méthode éditoriale, qui est, quand il doit faire un choix, de privilégier le texte le plus clair (ou qu'il considère tel)[18],[19]. Il reporte les variantes en commentaire[18].

Commentaires sur Archimède

Les commentaires sur Archimède ont été publiés à part (Bâle, 1544) , et reproduits dans l’édition d'Oxford. On y trouve des notions exactes sur les procédés en usage dans l’école d'Alexandrie pour les calculs numériques (la numération écrite d'Eutocius est celle des anciens Grecs). Ce texte offre un intérêt historique considérable, en ce qu'on y trouve des notions exactes sur les procédés en usage dans l'école d'Alexandrie pour les calculs numériques.

Eutocius explique longuement les règles relatives à la multiplication et à la division des nombres entiers joints à des fractions simples ; il traite bien aussi bien des racines carrées, dont Théon d'Alexandrie avait donné la règle pour leur extraction, mais sans indiquer pour leur extraction aucune autre méthode que des tâtonnements successifs que de la solution géométrique d'Archimède à certaines équations du troisième degré.

Le commentaire du second livre du Traité de la sphère et du cylindre contient des fragments de géométrie d'anciens auteurs, fragments dont certains ne sont pas autrement connus ; ces fragments ont rapport à la solution du problème de la duplication du cube ; le plus ancien doit être celui d'Archytas de Tarente.

Il y en a un, qu'il attribue à Platon, mais qu'on ne trouve pas dans ses œuvres : c'est la description d'un instrument pour déterminer deux moyennes proportionnelles entre deux grandeurs données. L'un de ces mêmes fragments se présente comme une lettre d’Ératosthène au roi Ptolémée. On les trouve à la page 135 et suivantes de l'édition grecque et latine d'Archimède, donnée par Torelli (de) (Oxford, 1792) : ils sont rapportés en substance dans l'ouvrage intitulé : Historia problematis de cubi duplicatione, etc., auctore N. T. Reimer, Göttingen, 1798, 1 vol. in-8°. Le commentaire d'Eutocius sur Apollonios de Perga est joint à cet auteur dans l'édition de Halley (Oxford, 1710) ; le commentaire sur Archimède a paru seul en grec et latin, en 1544.

Selon Khayyam, Eutocius se serait attaché à l'explication des difficultés que contiennent les Éléments d'Euclide, mais sans aborder les problèmes du cinquième postulat. Comme Ératosthène, il a travaillé sur le problème de la duplication du cube et perfectionna alors le mésolabe. Son apport majeur a été souligné par Montucla dans Histoire des recherches sur la quadrature du cercle[20] : dans le chapitre III, VII, après la description de la méthode de calcul d’Archimède pour la quadrature du cercle : « La pratique des arts, que l'on servira toujours utilement quand, à une exactitude médiocre, on alliera une grande facilité, a adopté ce rapport, le plus exact de tous ceux qu'on puisse donner en aussi peu de chiffres ». Archimède, comme nous en assure son commentateur Eutocius, se proposa ce seul objet ; sans cela, il lui aurait été facile d'atteindre par sa méthode à une plus grande précision; mais celle-ci est suffisante dans les cas les plus ordinaires, et il n'y a plus que les derniers des artisans qui l'ignorent ou qui négligent de s'en servir[21].

Eutocius nous révèle que l'antiquité avait de laborieux approximateurs ; cela était justifié car leur Arithmétique ne leur permettait pas d'aller bien loin et il leur était absolument impossible de manier des chiffres aussi considérables que les nôtres.

Il signale, en effet qu’Appolonios le célèbre géomètre qu’il commente donna un rapport plus approchant de la vérité que celui d'Archimède, dans l'ouvrage intitulé Okutobooz, traduit Ocytocium en latin. Et il affirme que Philon de Gadara (Apogadarôn)[22], avait à l'exemple d’Appolonios enchéri sur le géomètre de Syracuse. L'un et l'autre, suivant le récit d'Eutocius, avaient poussé leurs approximations à de grands nombres.

Dans le même ordre d’idée il évoque Ératosthène qui écrivit sur ces calculs un petit traité intitulé Mesolabe, qu'il adressa au roi Ptolémée.

Intérêt pour l’histoire des mathématiques

Les commentaires sont très-précieux pour l'histoire des sciences ; ils contiennent un grand nombre de renseignements sur d'anciens géomètres aujourd'hui perdus.

Parmi les mathématiciens sur lesquels il nous donne des précisions, nous trouvons : Héron d'Alexandrie, Philon de Byzance, Dioclès.

Opinions

Selon Feller, il est un des mathématiciens les plus intelligents qui aient fleuri dans la décadence des sciences, chez les grecs ; il trouve que ses deux commentaires sont très bons et on leur doit bien des traits sur l’histoire des mathématiques.

…Eutocios Ascalonite, … tous gens d'une taille extraordinaire, mais tous moins grands que Newton. Je suis charmé dis-je à la nymphe, de voir une troupe si distinguée[23].

Pour les spécialistes, ses ouvrages sont précieux, moins par leur valeur propre que par les renseignements historiques qu'ils fournissent et en particulier par des fragments de divers ouvrages mathématiques perdus (Biographies abrégées diverses).

Son nom, pour un médecin, évoque celui d’un « bon accouchement » (eu = bon et tokos = accouchement) ; ce rapprochement phonétique n'a probablement pas échappé à Halley qui, à la fin de la préface à son édition des Coniques d'Apollonius, dit qu'il faudrait changer le titre de son ouvrage Okutobooz, dont la signification est mystérieuse, en Okotokios, qui indiquerait alors que le but de l'ouvrage était de donner le moyen d'effectuer avec promptitude et facilité le calcul des grands nombres. Cette opinion aurait été partagée par Torelli, dans son édition d'Archimède qu'il a donnée avec le plus grand soin : en réalité, il a laissé dans le texte l'ancien mot Okutobooz, mais la version latine porte Ocytocio et Ocytocium indique un remède propre à faciliter et hâter l’accouchement.

Notes et références

  1. a et b Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. IX.
  2. a et b Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. X.
  3. Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. X-XI.
  4. a b c et d Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. XI.
  5. a b c d et e Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. XII-XIII.
  6. a b et c Bulmer-Thomas 2008, p. 488.
  7. a et b Bulmer-Thomas, p. 488.
  8. Bulmer-Thomas 2008, p. 488-489.
  9. a b c et d Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. XVI.
  10. Avec ce commentaire comme point de départ, l'attribution à Eutocius d'une Introduction à l'Almageste anonyme, introduction mathématique souvent associée au traité de Ptolémée dans les manuscrits, a été proposée par J. Mogenet, L'introduction à l'Almageste, Bruxelles, 1956, et un temps admise, mais réfutée par (en) Wilbur Knorr, « On Eutocius : A thesis of J. Mogenet », dans Textual Studies in Ancient and Medieval Geometry, Boston, , p. 155-211, de façon jugée convaincante par Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. XVII.
  11. Goulet 2000, p. 395.
  12. Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. XV.
  13. Hypothèse due à Westerink 1961, pour qui (p. 129) « This Eutocius can be nobody else than the well-known mathematician » ; de même le mathématicien doit sans doute être identifié avec le philosophe pour Goulet 2000, p. 395 ; mais pour Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. XV-XVI, l'identification, si elle n'a rien d'invraisemblable, ne doit pas être prise comme un fait acquis.
  14. Westerink 1961, p. 129.
  15. Goulet 2000, p. 395 et Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. XV soulignent qu'il ne s'agit que d'une hypothèse. D'autres auteurs semblent tenir celle-ci pour acquise, par exemple Edward J. Watts, City and School in Late Antique Athens and Alexandria, University of California Press, , 303 p. (ISBN 978-0-520-25816-7, lire en ligne), p. 233-234.
  16. a b et c Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. XIX.
  17. Selon ce que déclare Eutocius, et ce que confirme l'étude du texte et sa transmission, voir Decorps-Foulquier dans Apollonius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2008, p. XLIX-L.
  18. a et b Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. XXI.
  19. Decorps-Foulquier dans Eutocius, Decorps-Foulquier et Federspiel 2014, p. XXIII.
  20. 1831, Chapitres III : VII à XI.
  21. Comm. in librum de Dim. circuli.
  22. Nommé Gaditanus par la plupart de ceux qui l'ont connu ; la ville de Gadara était une ville d'Asie. On ignore le temps où il vivait.
  23. Le chef-d’œuvre d’un inconnu, Chrysostome Mathanassius, 1758.

Bibliographie

Éditions

Commentaires d'Archimède

  • (grc + la) Archimède, Eutocius d'Ascalon (commentaires) et J. L. Heiberg (éditeur, préface, traducteur), Archimedis opera omnia cum commentariis Eutoci, vol. III, Leipzig, Teubner, , 2e éd., réimpression avec corrections de E. Stamatis 1972 ; comprend les commentaires des trois traités d'Archimède, De la sphère et du cylindre, De la mesure du cercle et De l'équilibres des figures planes.
  • (grc + la) Archimède, Eutocius d'Ascalon (commentaires) et Giuseppe Torelli (éditeur, préface, traducteur), Archimedis quae supersunt omnia cum Eutocii Ascalonitae commentariis, cum nova versione latina, Oxford, Clarendon, , xxix+473 (lire en ligne).

Édition des coniques d'Apollonius et commentaires

  • Édition critique et traduction des Coniques d'Apollonius sous la direction de Roshdi Rashed :
    • (grc + fr) Apollonius de Perge, Micheline Decorps-Foulquier (éditrice, introduction) et Michel Federspiel (traducteur) (trad. du grec ancien), Coniques, livre I, vol. 1.2, Berlin, De Gruyter, coll. « Scientia Graeco-Arabica », , LXXIV+275 (ISBN 978-3-11-019937-6, lire en ligne), nouvelle édition critique du texte d'Apollonius dans l'édition d'Eutocius, accompagnée d'une traduction en français et d'une introduction.
    • (grc + fr) Apollonius de Perge, Micheline Decorps-Foulquier (éditrice, introduction) et Michel Federspiel (traducteur) (trad. du grec ancien), Coniques, livre II — IV, vol. 2.3, Berlin, De Gruyter, coll. « Scientia Graeco-Arabica », , XXX+506 (ISBN 978-3-11-021722-3), nouvelle édition critique du texte d'Apollonius dans l'édition d'Eutocius, accompagnée d'une traduction en français et d'une introduction.
    • (grc + fr) Eutocius d’Ascalon, Micheline Decorps-Foulquier (éditrice, introduction) et Michel Federspiel (éditeur, traducteur), Commentaire sur le traité des Coniques d'Apollonius de Perge (livres I-IV), vol. 3, Berlin, De Gruyter, coll. « Scientia Graeco-Arabica », , XCIX+279 (ISBN 978-3-11-020699-9, présentation en ligne), nouvelle édition critique du texte d'Eutocius accompagnée d'une traduction en Français et d'une introduction biographique.

Études

Liens externes

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