Maës est recruté par le Red Star Amical Club, l'un des meilleurs clubs français du moment, à 19 ans[3]. Aidé par sa taille (il mesure 1,80 m), il est particulièrement réputé pour son jeu de tête grâce auquel il marque de très nombreux buts[4],[5]. Avec son club, il est finaliste malheureux du championnat de la Ligue de Football Association en 1911, le remporte en 1912, puis termine à la deuxième place en 1913 et 1914. Avec son équipe, il perd la finale du trophée de France en 1912 face à l'Étoile des Deux Lacs[6], au cours de laquelle il marque le seul but de son équipe (1-3).
Jeune d'une génération disloquée par la Première Guerre mondiale, Maës est le premier grand buteur de l'équipe de France[7]. En à peine plus de deux ans de carrière internationale et onze sélections, Maës inscrit quinze buts, un total qui ne sera dépassé en équipe de France qu'en 1928, par Paul Nicolas. Il est opéré en des adducteurs, ce qui lui fait manquer les matchs internationaux de 1914. Victime d'une grave blessure au combat lors de la Grande Guerre, sa carrière de footballeur de haut niveau se termine à 24 ans. Sa meilleure journée en Bleu remonte au à Turin contre l'Italie où, après être arrivé à cinq heures du matin à la faveur d'une permission, il réussit un triplé qui permet aux Français de s'imposer pour la première fois en Italie (4-3)[8]. Le buteur du Red Star inscrit également un quintuplé face au Luxembourg en 1913 (8-0), exploit que seul Thadée Cisowski rééditera sous le maillot bleu face à la Belgique en 1956[7],[9].
La reconversion à Caen
Mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, Maës se bat en Belgique et est blessé à la poitrine au tout début du conflit, le [10]. En convalescence à Caen[11], il y rencontre sa future épouse, Yvonne Bertheaux[3]. Il retourne au front avec le grade de caporal en avril 1915, s'y illustre lors des attaques d'Artois et reçoit la Croix de guerre. Lors des permissions, il continue de jouer et la presse sportive fait l'éloge de ses exploits militaires. Démobilisé en août 1919, il s'installe à Caen[12]. Il joue au stade Malherbe dès la reprise des compétitions en 1919 et jusqu'en 1930. Par son expérience, il s'impose très vite comme le capitaine de l'équipe, tenant lieu d'entraîneur à une époque où ce poste n'existe pas[13]. C'est lui qui invente le « cri de guerre du Stade Malherbe » au milieu des années 1920[14] :
« Rik - Rik - Rik - Di -Dik - La hioup - La hioup - La hé - aki - aka - kaï - kaa - SMC - SMC
Hip - Hip - Hip - Hourra
Hip - Hip - Hip - Hourra
Hip - Hip - Hip - Hourra
Non, non, non, non, l'Stade Malherbe n'est pas mort (bis)
Car il gagne encore (bis)[15]. »
Parallèlement à sa carrière de footballeur, il reprend une école de natation sur les bords de l'Orne, tenue par son beau-père[3], Le Lido, en 1924. Il pratique lui-même le plongeon et est professeur de natation[17]. En 1928, il transforme l'école en un dancing très prisé des Caennais[3].
La déportation
Durant l'Occupation, Eugène Maës est dénoncé par Marie-Clotilde de Combiens[18] pour propos anti-allemands et gaullistes[19]. Son école de natation fait face au château de la Motte qui est le siège local de la Gestapo. « Forte personnalité », il ne supporte pas l'attitude de Marie-Clotilde de Combiens qui est la maîtresse du responsable caennais de la Gestapo, Harald Heyns(de) (1913-2004) dit « Bernard », et lui fait savoir en personne. Quelques jours après cette déclaration, un agent en civil conseille à Eugène Maës de surveiller son langage vis-à-vis de Mademoiselle de Combiens. Cette dernière aurait alors dit : « Je n'ai qu'un mot à dire pour faire arrêter Maës[18]. » L'arrestation est effectuée le [20]. Sa dénonciatrice s'en vante auprès d'une voisine en : « Maës s'en va comme travailleur de force, ça lui fera les pieds et ça lui fermera la gueule[18]. » Déporté, il meurt le au camp de concentration de Dora-Mittelbau à Ellrich[21],[22]. Combiens sera condamnée à mort à la Libération, mais sa peine sera commuée en détention à perpétuité, puis à une durée de vingt ans[23]. Elle est libérée le et s'installe sur la Côte d'Azur où elle mourra à l'âge de 91 ans[12].
Il fait également partie de la sélection de la Ligue de football association, fédération de football active dans la région parisienne de 1910 à 1919[24].
Une rue porte son nom à Caen dans le quartier du stade de Venoix depuis le [34]. À la suite de travaux de restructuration, le stade nautique de Caen porte également son nom depuis [35].
Il est notamment connu pour s'être fait une spécialité des buts marqués en projetant le gardien de but (la « charge sur le gardien ») tenant le ballon dans ses propres filets, ce qui était toléré par les règles de l'époque[36],[37].
Notes et références
↑ a et b« Un grand nom du football français : Eugène Maës, avant-centre de l'équipe de France 1911-1914 », Ouest Éclair, (lire en ligne).
↑« Eugène Maës », Association des anciens joueurs du Red Star (consulté le ).
↑ a et bJean-Yves Meslé, Marc Pottier, Sophie Pottier, Les Normands dans la Grande Guerre, Bayeux, OREP EDITIONS, , 119 p. (ISBN9782815102254), « L'international de football Eugène Maës, blessé de guerre, caennais d'adoption », p. 61-63
↑Christophe Pecout, Les chantiers de la jeunesse et la revitalisation physique et morale de la jeunesse française : 1940-1944, Paris, éditions L’Harmattan, , 268 p. (ISBN978-2-296-02578-3, lire en ligne).
↑Archives numérisées de l'état civil de Paris, acte de naissance no 11/4231/1890, avec mention marginale du décès (consulté le 19 juin 2012)