Esthétique, attractive et populaire, elle constituait une véritable innovation pour son soutien à la présence de la femme dans la société espagnole, son absence initiale d'idéologie et l'abondance de documents graphiques, dans la lignée d'autres revues européennes contemporaines comme Vu. Née sous le joug de la censure de la dictature de Primo de Rivera, elle disparaît dix ans plus tard, en pleine guerre civile.
Histoire
Estampa est un projet éditorial de Luis Montiel Balanzat(es), ingénieurmadrilène et monarchiste modéré, qui a commencé son activité professionnelle dans les arts graphiques au travers de la Papelera Madrileña et de l'imprimerie Gráficas Excelsior. Il acquiert ensuite les ateliers des `Sucesores de Rivadeneyra[N 1].
Dès son premier numéro, en , Estampa s'ajuste au papier à en-tête de Revista Gráfica y Literaria de la Actualidad Española y Mundial, attirant l'attention sur la grande qualité des reproductions photographiques[N 2]. Son premier directeur est Antonio García de Linares, qui donnera à Estampa son style « magazine », qu'il avait appris lors de son séjour à Paris. Il laissera néanmoins son poste à Montiel après seulement deux mois pour fonder et diriger l'année suivante Crónica(es), la publication sœur de Estampa : elle a en effet partagé la même période et le même public entre 1929 et 1938[2],[N 3]. Il semblerait que les deux hommes aient eu quelques divergences d'opinion[4]. Montiel partagera la direction de la publication avec Vicente Sánchez Ocaña[N 4].
Estampa a eu un succès notable pendant la Seconde République espagnole[5],[6]. Après deux mois de diffusion, la revue est tirée à 100 000 exemplaires, puis après la première année, elle atteint les 200 000 exemplaires, parvenant ainsi à la même diffusion que Blanco y Negro et Nuevo Mundo[N 5]. La revue estime que ce succès est dû au prix accessible et au caractère agréable et éclectique de ses contenus[6]. Les femmes de classe moyenne constituaient la principale cible de marché de la revue, ce qui est unique pour l'époque[6].
À partir du no 227, publié le , Estampa réduit ses contenus graphiques, en particulier dans la section sportive ; elle acquiert ainsi un statut plus sérieux et travaille plus en profondeur ses reportages[7].
Avec l'éclatement de la guerre civile espagnole, le personnel de la rédaction, les ateliers et l'administration s'emparent de l'entreprise et Estampa continue de publier en tant qu'organe du Front populaire. Ainsi, à partir du no 447, la guerre monopolise son contenu, en incluant des reportages propagandistes de l'Union soviétique. La part belle est faite aux photographies non signées, spécialement celles qui sont prises sur le front. Des spécialistes tels que Sáiz, Sánchez Vigil et Seoane[réf. nécessaire] la considèrent un modèle du genre et une victime de plus de la guerre civile.
Même si son dernier numéro a paru en 1938, le plus récent des numéros conservés à la Bibliothèque nationale d'Espagne est du [2]. Une fois la guerre terminée (en 1939), Montiel récupère la propriété des ateliers de Rivadeneyra et édite deux nouvelles publications : la revue peopleSemana(es) en 1940, et, plus tard, le journal sportifAs en 1967.
Contenu
De manière générale, les contenus graphiques prédominent dans la revue — chaque numéro contient plus d'une centaine de photographies —, mais Estampa propose également un feuilleton historique ; des pages infantiles — comme la célèbre série de Pipo y Pipa de Salvador Bartolozzi(es)[8] — et d'humour ; un espace fixe pour des contes ; des sections de littérature — longtemps signées Alberto Insúa(es) — ; de théâtre (Alberto Marín Alcalde) ; de sport (Juan de Gredos) ; de tauromachie (Alhamar) et d'art (Gil Fillol). Les chroniques, reportages, entretiens et autres articles descriptifs sont notables pour leur qualité journalistique[N 6]. Par ailleurs, plusieurs pages spéciales sont consacrées à la femme ; pas seulement concernant la mode, la revue proposait des contenus modérément féministes.
Dans ses pages consacrées à l'actualité politique, qui ont sensiblement augmenté avec l'instauration de la Seconde République, Estampa, bien que dépourvu de toute idéologie au début, adopte une position plutôt conservatrice, étant donné que son propriétaire, cierviste, situe ses préférences politiques au centre droit.
Il s'agit du champ professionnel le plus important de cette publication, lui ayant donné sa personnalité et sa popularité. Pendant les dix ans de vie d'Estampa, de nombreux photographes ont pris contribué à sa renommée, dont Alfonso Sánchez García (dit « Alfonso »), Almazán, Adróver, Álvaro (sports), Antsa, Badosa, Benítez, Antonio Calvache (portraits), Casaux, « Campúa », Agustí Centelles, Cervera, Contreras, José María Díaz Casariego(es), Erik, Gonshani, Luque, Luis Ramón Marín, Mena, Oplés, Vilaseca, Vidal, José Walken, Santos Yubero(es), Zapata ou Zarco, en plus de nombreux autres reporters photographes de province.
↑Pendant longtemps, Sucesores de Rivadeneyra a imprimé la Gaceta de Madrid et le Diario de Sesiones[1].
↑Estampa prit le relais des revues doyennes telles que Nuevo Mundo (1894-1933), Mundo Gráfico (1911-1938) y La Esfera (1914-1931), éditées par Prensa Gráfica, où González Linares avait présenté sans succès le projet d'Estampa. Elle a été par la suite en compétition avec Blanco y Negro (1891-2005), éditée par Prensa Española.
↑Crónica a été fondée par Antonio González Linares l'année suivant la création de Estampa[3].
↑Un autre succès de Estampa est son petit prix, face à celui des revues de la concurrence. Un grand format pour seulement 30 centimes l'exemplaire ordinaire de 48 pages — seulement le triple de celui d'un quotidien. Une autre raison de son succès économique est la grande quantité de publicités (six pages).
↑Un exemple intéressant de cette qualité journalistique : les chroniques, rassemblées sous le titre Los otros (« Les autres »), dans lesquelles le journaliste Ignacio Carral(es) montrait la Madrid moins connue et « plus sordide », loin du purisme traditionnel. Carral allait jusqu'à vivre comme un indigent pour connaître, sentir et apporter une plus grande véracité à son travail.
↑(es) Pedro C. Cerrillo Torremocha et César Sánchez Ortiz, Presencia del cancionero popular infantil en la lírica hispánica, Universidad de Castilla La Mancha, , 375 p. (ISBN978-84-9044-029-2, lire en ligne), p. 202
(es) Jordi Luengo López, « Posando en familia durante la segunda república: análisis fotoperiodístico de las revistas Estampa, Crónica y Esto », dans Cuartas Jornadas Imagen, Cultura y Tecnología, (ISBN84-95933-17-9, lire en ligne), p. 321-334.[PDF]
(es) María Gloria Núñez Pérez, « Políticas de igualdad entre varones y mujeres en la segunda república española », Espacio, tiempo y forma, no 11, , p. 393-446 (ISSN1130-0124, lire en ligne).
(es) Alejandro Pizarroso Quintero, « La comunicación de masas en España y EEUU (1918-1936: panorama comparado) », Reden, vol. 8, no 14, , p. 107-138 (ISSN1131-9674, lire en ligne).
(ca) Francesc Vera Casas, « Aproximació a la fotografia de reportatge en la revista Estampa (1928-1938) », dans El análisis de la imagen fotográfica. Actas del I Congreso Internacional de Teoría y Técnica de los Medios Audiovisuales, Castellón, Universitat Jaume I, (ISBN8480215224, lire en ligne), p. 306-321.
(es) María Dolores Sáiz et María Cruz Seoane, Historia del periodismo en España, vol. 3 : El Siglo XX: 1898-1936, Alianza, .