Né au Canada, Damian (Damien) Pettigrew est un auteur, scénariste et réalisateur canadien installé en France depuis 1990, connu pour ses longs-métrages documentaires sur Balthus, Federico Fellini et Jean Giraud.
La mère de Pettigrew était psychologue pour enfant. Son père, J.F. Pettigrew, fut le premier chirurgien canadien à diagnostiquer la coarctation de l'aorte en 1953[2].
Diplômé de littérature anglaise à l'Université Bishop's, il poursuit ses études supérieures (art et littérature) à Oxford et Glasgow. En Écosse, son choix de carrière est bouleversé par la découverte des films du réalisateur écossais Bill Douglas : il décide de suivre des cours de cinéma à Paris (IDHEC). À la Cinémathèque française, il rencontre Brion Gysin et Steve Lacy et fréquente leur cercle d'artistes. Si les films de Pettigrew sont influencés par la technique du cut-up de Gysin, son lien d'amitié avec Samuel Beckett marquera profondément son esthétique épurée[3].
En 1983, Pettigrew a lancé le projet d’une nouvelle version de Film (1965) mettant en vedette Klaus Kinski, avec Beckett pour consultant et Raoul Coutard comme directeur de la photographie[4]. Malgré son accord, Kinski n’a pas pu se rendre disponible. Beckett suggéra ensuite Jack Lemmon pour le rôle. Le projet fut abandonné quand l’acteur américain expliqua qu'il se sentait incapable de rivaliser avec Buster Keaton qui avait incarné les rôles de O et E en 1965. Avec Beckett et Pettigrew en 1984, l'acteur David Warrilow initie Take 2, mais la mort du dramaturge en 1989 laisse la suite de Film inachevée[5].
Spécialiste de l’œuvre de Federico Fellini, son portrait du maestro, Fellini, je suis un grand menteur, a gagné le prestigieux Rockie Award au Festival de Banff en 2002. Distribué en salle dans plus de quatorze pays, le film a été salué par la critique aussi bien aux États-Unis (New Yorker, New York Times, Los Angeles Times, Newsweek International, St Louis Post-Dispatch) qu’en Europe (Le Monde, Le nouvel Observateur, Libération, Les Inrockuptibles, Le Figaro, Les Cahiers du Cinéma, le Herald (Glasgow), le Telegraph (Londres), Corriere della Sera, l’Unità, El País) mais encore au Brésil, en Australie[6] et au Japon[7]. Le film a établi sa réputation de « réalisateur de longs métrages documentaires d’un contrôle extraordinaire »[8]. Les interviews furent publiées à New York en 2003 sous le titre, I'm a Born Liar: A Fellini Lexicon avec 125 illustrations et une préface de Tullio Kezich, le biographe de Fellini.
Ses documentaires incluent des portraits de Eugène Ionesco et Jean Giraud. Son film, Balthus de l'autre côté du miroir, une étude du peintre français controversé, a été tourné en Super 16 durant douze mois en Suisse, Italie, France et dans la région des Moors en Angleterre. Plusieurs fois primé, le film a été honoré aux côtés des œuvres de Jean Renoir, Marcel Carné et Jean Vigo lors d’un cycle de films classiques diffusés au Musée Ludwig à Cologne en . De à , le film est projeté à la Fondation Beyeler en Suisse.
Une rétrospective de son œuvre cinématographique a eu lieu au Centre des arts d’Enghien-les-Bains du au [9]. En 2011, L’Âge d’or du cinéma européen publie son entretien avec Ingmar Bergman qui eut lieu à l’automne 2003 sur l'île de Fårö. Le réalisateur suédois y analyse ses affinités avec l'œuvre de Samuel Beckett[10].
Entre 2007 et 2011, il a suivi la carrière d’Allain Leprest dans un long-métrage documentaire conçu en étroite collaboration avec le poète-chanteur[11]. Le film devrait sortir en 2019[12].
Pettigrew dirige actuellement un long-métrage documentaire sur Carolyn Carlson. Le film se concentre sur la création de plusieurs œuvres majeures de la chorégraphe américaine y compris Synchronicity (2012), Dialogue avec Rothko (2013), Woman in a Room (2013) avec l'étoile russe Diana Vichneva, Now (2016), Seeds (2016), Crossroads to Synchronicity (2017) et Black Over Red (2017) avec Marie-Agnès Gillot[16].
Deux longs-métrages de fiction sont en développement : Darkness Visible avec Tim Roth[17], d'une part et Sam et Suzanne, un biopic tiré de son expérience avec Samuel Beckett, d'autre part. En cours également est une création chorégraphique pour le cinéma intitulée, Le monde est une fleur sauvage, coécrit par Carolyn Carlson et Pettigrew. Ce long-métrage réunira les danseurs les plus importants qui ont traversé la carrière de la chorégraphe américaine[18].
Ionesco : Conversations autour d'une caméra (les entretiens Ionesco)
Fellini, je suis un grand menteur (les entretiens Fellini)
Dans la peau d'Italo Calvino (les entretiens Calvino)
Metamoebius (les entretiens Jean Giraud, alias Moebius)
Allain Leprest (les entretiens)
Jean-Jacques Annaud (les entretiens)
Carolyn Carlson : Inside-Outside
L'Impromptu de Carolyn Carlson
Art vidéo
40RO (2013)
Marlène (2013)
5 Voix 4 Visages (2013)
Citations
Un cinéaste ne doit jamais supposer qu'il est supérieur à son sujet. Je constate que même le sujet le plus simple reste une énigme. Les meilleurs documentaires de création non seulement évoquent cette énigme, mais l'ingère dans un processus qui rend visible l’invisible[19].
Italo Calvino a dit que l'artiste révèle cette parcelle de vérité cachée au fond de tout mensonge. L'impératif de l'artiste est de créer une fiction suprême, un mensonge qui, paradoxalement, révèle une vérité. C'est précisément ce genre de paradoxe que Calvino et Fellini adoraient[19].
L'un des sujets clés, pour moi, est une étude de l'individu par rapport à la foule et au pouvoir. Un essai documentaire sur la psychologie des foules permettrait d'éviter tout commentaire (c’est devenu la folie de discours secondaires dans de nombreux documentaires) et s'appuiera entièrement sur l'image et le son. Idéalement, il essaierait de nous fournir de nouveaux concepts sur la nature de la société, sur la violence et la bestialité politique de notre temps qui est lié à la façon dont les médias sont devenus un fléau de mots et d’images dénués de substance. C'est un fléau qui infecte nos vies et, par conséquent, l'histoire des nations avec tout ce qui est sensationnel, hasardeux, et confus[19].
D’une façon synchronistique, le terme de Jung si cher à Carolyn Carlson, son art est en phase avec la démarche de Hölderlin : « Poétiquement, l’homme demeure sur cette terre. » Après le siècle de tous les fascismes, voici le brave new world de l’ère numérique dont les bombes seront greffées à l’intérieur du corps dans un détournement du mot spirituel que Malraux n’aurait jamais imaginé. Pour Carlson, la question n’est plus, « Comment vivre ensemble ? » mais plutôt « Comment vivre poétiquement notre demeure ? »[20]
Sur scène, comme dans sa vie, Allain incarnait les Pensées de Pascal en portant Vladimir et Estragon seul sur ses épaules. Sauf que chez Leprest, Godot n’est pas attendu. C’est là toute la différence entre le spectacle voulant séduire son public et le spectre d’Allain et son ombre chinoise. Leprest a su défaire les liens bourgeois entre le public et la séduction afin que personne ne sortait indemne de ses concerts[21].
(it) Sogno e delirio. Il Calvino segreto.La Repubblica, p. 24-25, .
(it) Uno scrittore pomeridiano. Intervista sull'arte della narrativa a cura di William Weaver e Damien Pettigrew con un ricordo di Pietro Citati, Roma, Minimum Fax, 2003. (ISBN88-87765-86-3)
"Trois films, trois sourires : quelques regards sur Bergman" in L’Age d’or du cinéma Européen 1950-1970 (éd. Denitza Bantcheva). Chatou : Éditions du Revif, 2011. (ISBN978-2-35051-046-0)
Entretiens online
« Les dernières interrogations de Pierre Emmanuel » in Le Monde (7 octobre 1984) Interview avec Pierre Emmanuel
↑Le documentaire est fondé sur les derniers entretiens filmés du maestro par Pettigrew en 1992. Selon le distributeur MK2 International, le film a été « sélectionné dans plus de quarante festivals internationaux, y compris Édimbourg, Moscou, Amsterdam, Toronto et Montréal, distribué en salles dans quinze pays et vendu aux chaines du monde entier ». Consulté le 2 septembre 2021.
↑Radio France Interview de Pettigrew par Caroline Caldier, 4 mai 2003. Consulté le 2 septembre 2021.
↑ a et bEntretien Caldier-Pettigrew sur Radio France.
↑Confirmant le projet, Beckett écrit: « Pettigrew connait mon œuvre et a la passion de bien faire. » In No Author Better Served: The Correspondence of Samuel Beckett and Alan Schneider (ed. Maurice Harmon, Cambridge: Harvard University Press, 1998), 442-443.
↑Dans Le Monde, Renaud Machart a écrit : « Trente-cinq minutes exemplaires : une réalisation simple, adroite, mêlant archives et interviews récentes ». Consulté 2 septembre 2021.
↑Dans Le Monde, Hélène Delye a décrit le film comme « passionnant… original, inventif et très abouti ». Jean-Baptiste Gournay du Nouvel Observateur a précisé « qu’il fallait bien cette approche multifocale pour saisir un auteur aussi complexe ». Consulté le 2 septembre 2021.