Après L'Ange bleu, Morocco est le deuxième film qui réunit le couple Marlene Dietrich — Josef von Sternberg. Ce film fut le premier à être doublé en français.
Synopsis
L'action se passe pendant la dernière période de ce qu'il est convenu d’appeler la Pacification du Maroc opérée par l'Armée française.
La chanteuse de cabaret Amy Jolly arrive au Maroc et se produit dans un cabaret de Mogador où elle remarque le beau légionnaire Tom Brown (qui la remarque aussi), tandis que le richissime La Bessière s'entiche d'elle. Mais l'adjudant de Brown, Cæsar (dont il a séduit la femme), poussé à la fois par le devoir et la rancune, envoie le légionnaire dans le bled[1]. Amy décide alors d'accepter l'offre de mariage de La Bessière.
Lors d'un accrochage, l'adjudant Cæsar est tué et Brown blessé. La nouvelle arrive à Mogador pendant le dîner de fiançailles. Amy quitte alors la table et court rejoindre Brown, en compagnie de La Bessière qui, complaisant, l'emmène avec sa voiture.
Amy Jolly retrouve Brown non à l'hôpital mais au bistrot : le vaillant légionnaire n'a pas été blessé, il a seulement fait semblant de l'être pour ne pas revenir à Mogador. Le lendemain il doit repartir quelque part dans le Sahara. Amy Jolly, qui a vu que des femmes indigènes suivent dans ces marches l'unité où sert leur homme, plaque alors La Bessière, suit les femmes et s'enfonce avec elles dans le désert.
Après la preview, le journaliste américain Jimmy Star résume le film dans sa critique qu'il achève par cette phrase : « Si cette femme [Dietrich] ne révolutionne pas l'industrie cinématographique, alors je ne sais pas de quoi je parle. »[2]
« Morocco remporte un important succès commercial et critique. »[3]
On peut lire dans The Outlook à la sortie du film : « A vous de décider si, comme le laisse entendre la Paramount, Marlène Dietrich ressemble ou non à Greta Garbo. Ce qui est sûr c'est qu'elle est une fort jolie femme et une excellente actrice. Rompue à la comédie musicale allemande, elle parle un anglais sans faille. »[4]
Dans Films in Review, on peut lire un peu plus tard : « Morocco est un film grinçant, subtil, pervers ; l'ironie s'y mêle à la grâce avec un soupçon de regret et de désenchantement. »[4]
Critiques ultérieures
Jean Tulard : « Marlene gagna avec ce film son statut de star aux États-Unis[5]. »
Homer Dickens : « Le procédé des plans répétés et l'utilisation par Sternberg de la synchronisation font de Morocco un film très en avance sur son époque.[...] Ce film extraordinaire valut à Marlène, à Sternberg et à l'opérateur Lee Garmes un triple Oscar[6],[7]. »
Thierry de Navacelle : « Morocco est un très beau film. Les dialogues sont parfaits et l'utilisation de la bande-son très moderne pour l'époque. Avec La Femme et le Pantin, c'est sans doute le film le plus parfait de Sternberg. »[8]
Tournage
Marlene Dietrich, qui parlait peu l'anglais à cette époque, a appris son texte phonétiquement. D'après l'actrice elle-même, sa première scène, avec la phrase : « I won't need any help » a été tournée 48 ou 49 fois, le réalisateur refusant d'user de la post-synchronisation pour rendre audible la fin du mot « help », insupportable aux oreilles de l'ingénieur du son, car prononcé à l'allemande[9].
Marlène chante trois chansons dans ce film, dont une en français, Quand l'amour meurt de Georges Millandy.
↑L'auteur - ou le traducteur - se trompe et devrait parler de « triple nomination aux Oscars », Marlene et Sternberg ayant été nommés cette année-là pour ce film, sans obtenir la récompense. Lee Garmes obtiendra l'oscar de la meilleure photographie en 1932, pour Shanghaï Express, autre film du couple Sternberg / Dietrich.
↑Thierry de Navacelle, Sublime Marlene, éditions Ramsay, 1982, p. 40.
↑D'après une lettre de Dietrich à son mari, citée par Maria Riva dans la biographie qu'elle a consacrée à sa mère, Marlene Dietrich par sa fille, éditions Flammarion 1992, p. 97.