Les manuscrits Burgundianus 495 et Vaticanus 1342[1] rapportent trois conciles symmaquiens. Le premier est chronologiquement indiqué par l'expression suivante :
«Post consulatum Paulini viri clarissimi sub die kalendarum martiarum in basilica beati Petri apostoli...»[2] ;
c'est-à-dire : "Le jour des calendes de mars (=1er mars) dans la basilique du bienheureux apôtre Pierre après le consulat de Paulin".
Contrairement aux deux autres conciles célébrés à l'époque du pape Symmaque, le concile du 1er mars est unanimement attribué par les historiens à l'année 499, un peu plus de quatre mois après l'élection de Symmaque au siège de saint Pierre.
Les actes conciliaires furent publiés dans les anciennes collections conciliaires, comme celle de Philippe Labbe (Sacrosancta concilia ad regiam editionem exacta, 1671) et de Giovanni Domenico Mansi (Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio, 1762). En 1894, l'historien allemandTheodor Mommsen publia l'édition critique des actes synodaux dans le volume XII de la série Auctorum antiquissimorum des Monumenta Germaniae Historica.
Le concile de 499 fut occasionné par l'élection pontificale contestée du 22 novembre 498, à la suite de la mort du pape Anastase II, qui conduisit le clergé romain à une double élection : d'une part le diacre d'origine sarde Symmaque, élu à Saint-Jean-de-Latran, et d'autre part l'archiprêtre romain Laurent, élu à Sainte-Marie-Majeure.
La division du clergé et du peuple romain en deux factions s'inscrit dans le contexte plus large de la vie de l'Église impériale à la fin du Ve siècle, divisée par le schisme acacien, et dans les difficultés internes de l'Église de Rome. «Sur un plan externe et général, il y avait l'opposition entre l'orthodoxie chalcédonienne, prédominante en Occident et soutenue par Symmaque, et les tendances monophysites alors favorisées à Constantinople par l'empereurAnastase, auxquelles le parti de Laurent était étroitement lié; sur un plan interne à l'Église de Rome, s'opposaient en revanche des opinions divergentes sur le rôle des laïcs dans les élections papales et le contrôle des biens ecclésiastiques.»[3]
En particulier, l'élection de Laurent était soutenue par le parti qui cherchait à imposer à Rome et aux Églises d'Occident l'Henotikon, l'édit de foi voulu par l'empereur Zénon (482), pour concilier la théologie monophysite avec les dogmes du concile de Chalcédoine, mais qui finissait par limiter la portée des décisions chalcédoniennes.
Pour résoudre le problème de la double élection, et pour calmer les troubles et les affrontements qui s'ensuivirent, les deux factions firent appel au roi gothThéodoric, qui, bien que de foi arienne, gouvernait alors l'Italie par la volonté et avec l'accord de l'empereur d'Orient. «Ce dernier décida que le pape légitime devait être considéré comme étant Symmaque. La décision fut prise sur la base d'un critère d'objectivité : l'ancienneté d'ordination dans la carrière ecclésiastique de Symmaque et la majorité de soutiens en sa faveur.»[4] Laurent se soumit néanmoins à la décision.
Le concile
Une fois reconnu comme seul évêque de Rome, Symmaque s'empressa de convoquer un concile pour réguler l'élection du pontife et éviter que ne se reproduise une situation similaire à celle du 22 novembre 498. Le concile fut convoqué dans la basilique Saint-Pierre, bastion de Symmaque et de son parti, et célébré le .
L'assemblée fut ouverte par le diacre Fulgence, qui anticipa les positions soutenues par le pape lui-même[5],[6]. Symmaque intervint ensuite, déclarant que, bien que ce soit l'hiver, il avait jugé nécessaire de convoquer les évêques car il était indispensable de fixer des règles pour l'élection de l'évêque de Rome et d'empêcher que de futures émeutes populaires se manifestent à nouveau dans la ville dans les mois à venir[7],[6]. Après les paroles du pape, la lecture des quatre décrets conciliaires fut confiée au notaire Emilien[8] :
si, de son vivant et à son insu, un prêtre ou un clerc se permet de recueillir des signatures en vue des élections pontificales suivantes, ou promet son soutien ou son vote à un candidat, ou fomente des réunions privées pour délibérer sur les élections futures, il sera privé de ses fonctions et exclu de la communion ecclésiastique ;
la même peine sera infligée à celui qui, de son vivant, se proposera comme son successeur ou agira en ce sens ;
si le pontife meurt subitement sans avoir pu recommander la sélection de son successeur[9], il revient au clergé de choisir, à l'unanimité, son successeur et de le consacrer évêque ; si les votes sont partagés entre plusieurs candidats, est élu celui qui obtient la majorité des voix ; dans ces circonstances, si un électeur, fort des promesses faites, ne vote pas en toute liberté, il sera privé de ses fonctions ecclésiastiques ;
celui qui signale des abus contre ces décrets, s'il est lui-même partie prenante, non seulement sera absous, mais devra également obtenir une récompense.
Ces décrets furent approuvés et signés par tous les présents, y compris l'antipape Laurent, qui signa avec le titre de Praxède. Peut-être durant le concile lui-même, ou probablement juste après le concile, Laurent fut promu par Symmaque à évêque de Nocera en Campanie.
«Les délibérations du concile de 499 ont été jugées comme un acte politiquement partial de Symmaque. Il aurait ainsi cherché à s'assurer une succession pouvant garantir une continuité à sa politique de fermeture envers l'Orient. En réalité, les modalités de succession de l'évêque, telles qu'elles furent établies dans leur ensemble par le concile de 499, sont telles qu'elles semblent plutôt dictées par des préoccupations normatives dans un domaine, celui de la succession papale, extrêmement délicat et jusqu'alors non réglementé. En tout cas, il n'est pas certain que Symmaque les ait appliquées pour l'élection de son successeur, Hormisdas.»[4]
Participants
Les Acta synhodi a. CCCCXCVIIII publiés par Mommsen[10], rapportent deux listes de participants au concile de 499 :
la première se trouve au début des actes et correspond aux présences au concile ; elle est constituée d'une liste de 67 évêques, avec l'indication de leur siège, et d'une liste de 74 prêtres et 7 diacres, mais sans indication des tituli;
la seconde liste se trouve à la fin et correspond aux signatures des actes synodaux ; elle est constituée d'une liste de 71 évêques, 67 prêtres (avec l'indication des tituli) et 6 diacres.
Concernant les évêques, dans la seconde liste, cinq évêques absents dans la première liste sont présents : Claro d'Alife, Vital de Fondi, Laurent de Trevi, Romain de Pettino et Mercure de Sutri. Cependant, la liste des présences conciliaires rapporte le nom de l'évêque Basile de Matelica, absent dans la liste des signatures synodales. De la comparaison entre les deux listes, il en ressort que 72 évêques ont pris part au premier concile symmaquien.
La liste suivante est celle des signatures synodales.
↑Étant empêché, Boniface de Velletri a signé les actes à sa place.
↑Valentin d'Amiterno a signé les actes conciliaires à sa place.
↑Rosarius de Sorrente a signé les actes à sa place.
↑Gaudentius de Bolsena a signé les actes à sa place.
↑Titre inconnu; la tradition érudite lui attribue le titre de Santo Stefano al Monte Celio. Pietri suppose qu'il pourrait y avoir eu une erreur dans la tradition manuscrite avec l'inversion des noms; dans ce cas, ce serait Romanus tituli Marcelli. Charles Pietri et Luce Pietri (éd.), Prosopographie chrétienne du Bas-Empire. 2. Prosopographie de l'Italie chrétienne (313-604), vol. II, Rome, École française de Rome, , p. 1376-1377.
↑Les actes rapportent l'expression suivante : Si transitus papae inopinatus evenerit, ut de sui electione successoris non possit ante decernere, … Concernant la possibilité pour les évêques de Rome de conseiller la sélection de leur successeur, voir von Hefele 1908, p. 1349-1366 (appendice par H. Leclercq).
Louis Duchesne, « Les schismes romains au VIe siècle », Mélanges d'archéologie et d'histoire, vol. 35, , p. 221–256 (lire en ligne)
(it) Roberto Cessi, « Lo scisma laurenziano e le origini della dottrina politica della Chiesa di Roma », Archivio della Società Romana di storia patria, vol. 42, , p. 5–230 (lire en ligne)
Etienne Amann, « Symmaque », dans Dictionnaire de Théologie Catholique, vol. XIV/1, Paris, (lire en ligne), col. 2984-2990
Charles Pietri, « Le Sénat, le peuple chrétien et les partis du cirque à Rome sous le Pape Symmaque (498-514) », Mélanges d'archéologie et d'histoire, vol. 78, , p. 123–139 (DOI10.3406/mefr.1966.7511)
(it) Pier V. Aimone, « Le falsificazioni simmachiane », dans Apollinaris, vol. 68, (lire en ligne), p. 205–220