La bibliothèque Marguerite-Durand (BMD) est une bibliothèque sur l'histoire des femmes, du féminisme et du genre, faisant partie du réseau des bibliothèques patrimoniales et spécialisées de la ville de Paris[1]. Elle est fondée en 1932 pour recevoir la donation de la journaliste et militante féministe Marguerite Durand (1864-1936), de son vivant, de sa bibliothèque à la ville de Paris[2].
Elle est accessible par les transports en commun via la station de métro Olympiades (ligne 14), située juste devant.
Histoire
À l'origine de la bibliothèque
Peu après la fondation de son journal La Fronde en 1897, la féministe Marguerite Durand crée dans les locaux du journal au 14, rue Saint-Georges (9e arrondissement), une petite bibliothèque, essentiellement à l'usage de ses collaboratrices. Marguerite Durand et ces dernières constituent des dossiers documentaires, thématiques et biographiques. La Fronde fait appel dans ses colonnes à son lectorat pour qu'il fasse don à cette bibliothèque d'ouvrages sur les femmes et le féminisme, dont ils sont les auteurs ou qu'ils possèdent en double exemplaire. Cette documentation sur l'histoire des femmes forme ainsi le premier Office de documentation féministe français, que Marguerite Durand dirige bénévolement jusqu'à sa mort en 1936.
Tout au long de sa vie, Marguerite Durand collecte et conserve des documents qu'elle acquiert ou reçoit en don, que ce soit en exemplaires de presse ou à titre amical ou militant. Souhaitant ne pas voir ses collections dispersées ou détruites après sa mort, elle en fait don, de son vivant, à la ville de Paris. La donation est acceptée par le conseil municipal dans sa séance du 31 décembre 1931. Un état descriptif du don est donné dans le bulletin municipal officiel du 17 janvier 1932[3].
Entre 1932 et 1989, la bibliothèque est hébergée au dernier étage de la mairie du 5e arrondissement, place du Panthéon. Marguerite Durand meurt en 1936. Après avoir été son adjointe, l'écrivaine et journaliste Thilda Harlor lui succède à la tête de la bibliothèque, occupant cette fonction jusqu'en 1945[4],[5]. Pendant la Seconde Guerre mondiale et l'Occupation, les Allemands s'installent dans la mairie et la bibliothèque est fermée. Ce n'est qu'en 1964 que les fonds et les dossiers sont triés et classés, à la suite du désordre et de la destruction d'une partie des collections[6].
Yolande Léautey[Note 1] dirige la bibliothèque Marguerite-Durand (BMD) pendant une vingtaine d'années, « d'abord seule, puis avec très peu de personnel et de moyens financiers » note Annie Metz, future directrice. Alors thésardes, Florence Rochefort et Laurence Klejman secondent Yolande Léautey, « en classant les collections et en dépouillant les archives ». En 1983 lui succède Simone Blanc[Note 2], qui obtient davantage de personnel titulaire, des crédits afin de mener des acquisitions et un budget pour la conservation, poste qui n'en disposait quasiment pas jusque là. Elle entreprend aussi de stocker les documents fragiles sur microfilm et restaure les photographies des collections. Ayant alerté sur la vétusté et l'exiguïté de la bibliothèque, située sous les toits de la mairie, elle demande avec succès le transfert vers de meilleurs locaux[7].
La BMD depuis 1989
La bibliothèque Marguerite-Durand déménage en 1989 dans le 13e arrondissement, où elle partage un bâtiment aux larges baies vitrées avec la médiathèque Jean-Pierre-Melville ; la BMD est située au troisième étage et la médiathèque aux étages inférieurs et au quatrième étage. À la fin de l'année, Annie Metz succède à Simone Blanc à la tête de la BMD[Note 3],[7].
En 2016, la Ville de Paris propose au vote des habitants le projet de création d'un espace consacré à la littérature féministe[8]. Cet espace comprendrait la bibliothèque Marguerite-Durand. L'association Archives du féminisme s'inquiète du flou du projet. Si déménagement il y a, elle défend l'idée qu'une « nouvelle bibliothèque doit d’abord conserver en un lieu unique, à Paris, les personnels, la salle de consultation et les fonds d'archives. Elle doit être hébergée dans des locaux plus grands que l'actuelle bibliothèque pour permettre l'enrichissement des fonds et leur assurer de bonnes conditions de conservation »[9]. Le transfert de la BMD à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, dans le Marais, fait craindre la fermeture de la bibliothèque ou sa lente disparition par la dissémination de ses fonds d'archives en banlieue parisienne[10]. L'historienne et présidente d'Archives du féminisme Christine Bard annonce la création d'un comité de soutien en août 2017[11],[12]. Par ailleurs, la CGT redoute une perte d'autonomie et un allongement du délai entre la commande et la consultation d'ouvrages, ainsi que la détérioration des conditions de travail des sept bibliothécaires[13],[14]. Des manifestations sont organisées en 2017 pour s'opposer à ce projet[15],[16]. Finalement, le déménagement de la bibliothèque est annulé en décembre 2017 par la mairie de Paris, à la suite d'une importante mobilisation universitaire et syndicale[17],[18].
Entre 2019 et janvier 2020, la bibliothèque est fermée pour des travaux de rénovation. Dotée d'une décoration plus lumineuse, elle rouvre avec de nouveaux présentoirs, des vitrines d'exposition neuves, une meilleure isolation phonique et des toilettes accessibles aux personnes à mobilité réduite. Durant cette période, le personnel continue d'enrichir les collections de la bibliothèque, de travailler sur les inventaires et de préparer de futures numérisations d'archives[19]. En 2020, Carole Chabut[Note 4] succède à Annie Metz à la tête de la BMD[20]. La bibliothèque rouvre le 14 janvier mais doit fermer le 14 mars comme toutes celles du pays en raison de la pandémie de Covid-19. Elle fonctionne alors à un rythme différent, via Internet[21].
Une politique d'acquisition d'ouvrages et de versement de dons vient enrichir régulièrement les collections[6].
Collections
La bibliothèque conserve de nombreux documents dont des manuscrits[22]. Les livres les plus anciens remontent au XVIIe siècle. Les ouvrages suivants figurent notamment dans son fonds : Observations diverses sur la stérilité, perte de fruict, fécondité, accouchements et maladies des femmes (1609) de Louise Bourgeois, sage-femme de Marie de Médicis, De l’égalité des deux sexes (1673) de François Poullain de La Barre, les œuvres d’Olympe de Gouges, des cahiers de doléance de femmes ou encore les œuvres de Flora Tristan[6].
Ses collections comportent :
plus de 50 000 livres et brochures édités depuis le XVIIe siècle, sur le féminisme (histoire des luttes, biographies de militantes, théorie féministe, etc.), sur la place et le rôle des femmes dans la société, les arts, les sciences, les sports, les voyages, etc. La bibliothèque possède de nombreuses éditions originales d’œuvres littéraires écrites par des femmes ;
plus de 5 000 dossiers documentaires constitués depuis la fondation de La Fronde et classés par personnalités et par sujets ; ils comportent de nombreuses coupures de presse, des tracts, notices biographiques, statuts d’associations, invitations, programmes, etc, et apportent une riche documentation aux chercheurs, sur des thèmes très variés ;
un fonds iconographique ancien et moderne : portraits d’écrivaines, d’artistes, de femmes politiques, revendications et manifestations féministes, femmes au travail, mode et costumes régionaux, etc., à travers 3 500 cartes postales, 4 500 photographies, plus de 1 200 affiches et un ensemble d’iconographie diverse (dessins, estampes, journaux illustrés) ;
des tableaux, estampes, objets d'art et documents de propagande féministe : timbres, buvards illustrés, jeu de l'oie, éventail suffragiste ;
Annie Dizier-Metz, La Bibliothèque Marguerite-Durand. Histoire d'une femme, mémoire des femmes, Paris, Agence culturelle de Paris, 1992.
Annie Metz et Florence Rochefort (dir.), Photo femmes féminisme (1860-2010). Collection de la bibliothèque Marguerite-Durand, publié à l'occasion de l'exposition organisée à la galerie des bibliothèques de la Ville de Paris, du 19 novembre 2010 au 13 mars 2011, Paris, Paris bibliothèques, 2010.
Christine Bard, Annie Metz et Valérie Neveu (dir.), Guide des sources de l'histoire du féminisme, Paris, Presses universitaires de France, 2006, p. 175-223.
Depuis janvier 2024, la bibliothèque a mis en place un carnet de recherche sur la plateforme Hypothèses : L'effet Marguerite.
↑Ancienne professeure de français, Annie Metz réussit en 1981 le concours de conservateur de bibliothèque, travaillant notamment à Forney, où elle succéda à Yolande Léautey comme responsable des acquisitions.
↑Archéologue de formation, Carole Chabut intègre l'ENSSIB en 1995 et est nommée conservatrice des bibliothèques en 1997 ; elle dirige la bibliothèque Marguerite Durand depuis septembre 2020.
↑ ab et cSimone Blanc, « Histoire des femmes et du féminisme : La bibliothèque Marguerite Durand », Matériaux pour l'histoire de notre temps, année 1985, volume 1, p. 24-26 (lire en ligne).
↑ a et bAnnie Metz, entretien avec Christine Bard, « Annie Metz, conservatrice de la bibliothèque Marguerite-Durand de 1989 à 2020 », Archives du féminisme, bulletin n°28, 2020, p. 20-25.
↑Association Archives du féminisme, « Pour un projet ambitieux de bibliothèque d’histoire des femmes et du féminisme à Paris », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Un "funeste projet" pour la bibliothèque féministe Marguerite-Durand », Bibliobs, (lire en ligne, consulté le ).
↑Claire Commissaire, « Féminisme : pourquoi le transfert de la bibliothèque Durand inquiète les syndicats », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑auteur inconnu, « Paris : les archives du féminisme doivent débarrasser le plancher - Le blog de CGT Culture DAC Ville de Paris », Le blog de CGT Culture DAC Ville de Paris, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Paris : l'unique bibliothèque publique consacrée à l'histoire des femmes, menacée de déménagement », France 3, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Pourquoi faut-il sauver la bibliothèque Marguerite-Durand ? », RTL.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Après une «mobilisation inédite», la bibliothèque féministe de Paris restera finalement dans ses locaux », BuzzFeed, (lire en ligne, consulté le ).
↑« A Paris, la bibliothèque Marguerite-Durand restera finalement dans ses locaux », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑Annie Metz, « Actualités de la bibliothèque Marguerite-Durand », Archives du féminisme, bulletin n°27, 2019, p. 5.