Fille de Joseph Faquet (1860-1946), marin, et d'Anne Poher (1863-1923), couturière, Berthe Faquet aurait passé son enfance à Brest avant de se faire employer comme femme de chambre. Elle y rencontre Yves Tillenon (1884-1943), d'un an son aîné, originaire de Lannilis, étudiant alors au lycée Saint-François de Lesneven et futur poète, écrivain et nationaliste breton. En 1901, elle met au monde, Albert Henri Joseph Faquet dit Henri (1901-1975) puis Émilienne Faquet (1902-1951), tous deux, de père inconnu. En 1926, elle vit avec ses deux enfants à Épernay[3].
Carrière musicale
Elle se serait mise à la chanson vers 1908[3]. De ses débuts, on ne possède pas beaucoup de témoignages, excepté une interview où elle évoque des voyages en Amérique du Sud, en Russie, en Roumanie et en Égypte. Elle aurait débuté sur les planches du Casino Saint-Martin fin 1908[4], en reprenant La Marche Fière, de Karl Ditan. Elle restera pendant plusieurs années sur cette scène, puis sur celle du Casino Montparnasse. Elle interprète notamment Fioretta d'Amore, Les Braves Gens de la nuit, Les grognards qui passent ou encore Eh ! Ha ! fin 1911[5],[6],[7], puis elle est embauchée au Casino de Montmartre. Mais la collaboration avec Bernard, le patron de cette salle, se termine mal. Alors qu'elle était en pleine représentation, deux de ses robes furent volées, pour une somme de 900 francs de l'époque. Elle assigna le propriétaire en justice, mais fut déboutée[8].
Elle fait ensuite une carrière très remarquée fin 1912 à Alger où elle chante au Casino Music-Hall[9]. Elle y obtient un certain succès avec un Chant en l'honneur des morts de l'Armée d'Afrique[10]. Rentrée à Paris en novembre 1912[11], elle se rend de nouveau à Alger début 1913 pour le Festival de la Presse, puis en décembre de la même année. Pendant la guerre, de retour en métropole, elle s'engage auprès d'une troupe aux côtés d'Eugénie Buffet, du chansonnier aveugle René de Buxeuil, du parolier Jean Deyrmon et de l'acteur Édouard de Max. L'œuvre La Chanson aux blessés sera interprétée notamment en octobre 1915 auprès des soldats au Cercle du Soldat à Paris[12],[13]. Une photo prise pendant la Première Guerre mondiale en témoigne.
En 1928, Berthe Sylva se produit au Caveau de la République. L'accordéoniste et compositeur Léon Raiter la remarque et lui propose de passer à l'antenne de Radio Tour Eiffel, où elle se produira, occasionnellement au moins, jusqu'en 1937, si l'on s'en réfère aux programmes radio de l'époque[14]. C'est grâce à Léon Raiter, l'auteur des Roses blanches, qu'elle se met à enregistrer, tout d'abord chez Idéal puis chez Odeon, firme pour laquelle elle aura gravé en tout près de 250 titres pour de bien maigres profits, etc.
Le succès est foudroyant. Le Raccommodeur de faïence, enregistré en 1929, se serait vendu à 200 000 exemplaires en deux ans. Les tournées en province se multiplient. À Paris, on l'entend au concert Pacra, à l'Européen, au Bataclan, à la Gaîté-Montparnasse, mais les salles les plus prestigieuses la boudent. Elle partage un moment l'affiche avec Fred Gouin, chanteur très prolifique en enregistrements (450 faces de 78 tours pour Odeon entre 1927 et 1935), aujourd'hui tombé dans l'oubli. Elle grave avec lui des duos tels Ferme tes jolis yeux (1932) et Un soir à La Havane (1933). Leur relation est passionnelle. Fred Gouin fut très affecté par la perte de son amante et amie. Il prit le maquis durant les années de guerre, puis quitta le monde de la chanson pour se reconvertir dans le commerce des frites.
Quelques anecdotes d'une authenticité plus ou moins douteuse jalonnent le parcours flamboyant de Berthe Sylva. En 1935, ses admirateurs marseillais lacèrent les banquettes de l'Alcazar, où elle joue à guichets fermés au début de la guerre, et enfoncent la porte de sa loge. En 1936, à l'enquête « quelle est votre chanteuse préférée ? », une majorité de jeunes filles entre 13 et 15 ans répondent « Berthe Sylva ». Une autre source mentionne un passage sur Radio-Toulouse en 1925 qui lui aurait valu 16 000 lettres d'admirateurs.
L'une de ses dernières présentations sur les ondes date de mai 1940, avec un passage chanté sur Radio-Lyon[15]. Sur scène, un dernier tour de piste lui est offert à Lyon, en novembre de la même année, au Grand Palais[16].
Berthe Sylva se fixe à Marseille au moment de l'armistice de 1940. Le chanteur Darcelys y fut l'un de ses amis les plus fidèles.
Vie privée
Famille
Par son arrière-grand-père maternel Guillaume Poher (1804-1883), elle est une cousine issue de germains d'Alain Poher, qui fut président du Sénat et président de la République française par intérim à deux reprises entre 1969 et 1974.
Mort
Elle meurt à l'âge de 56 ans le à Marseille, minée par la boisson et la pauvreté. Sa maison de disques finance des obsèques auxquelles seuls quelques amis assistent. Elle est inhumée au cimetière Saint-Pierre de Marseille[17]. L'emplacement de sa sépulture a été repris par l'administration[18].
Les légendes entourant Berthe Sylva auraient été créées de toutes pièces ou à partir d'extrapolations journalistiques de faits réels après sa disparition. La diffusion de ces légendes fut facilitée par le fait qu'on ne possède quasiment aucun témoignage solide de nature biographique et par l'absence de documents cinématographiques.
Reconnaissance
En outre, si l'on relativise l'importance de ses prestations sur scène, l'immense succès de Berthe Sylva est avant tout lié à ses nombreux enregistrements.
Sa voix précise se marie très bien avec la technologie en plein essor du microphone et de l'enregistrement électrique. Son registre vocal étendu, la qualité de son interprétation, tantôt pathétique, tantôt enjouée, son physique ingrat de femme meurtrie par la vie furent les clefs du succès qu'elle connut de son vivant. Sa discographie puise à toutes les sources, sauf américaines : succès anciens des années 1900, succès d'opérette comme de cabaret, chanson réaliste, musette, musiques de films à grand succès. Berthe Sylva excelle dans la chanson narrative.
Après sa disparition, on retiendra d'elle les chansons qui racontent non pas les bluettes et les joies du bal, mais celles qui dénoncent la misère, l'injustice, l'enfance blessée, la perte d'un être cher, la désillusion et l'échec sentimental.
Il faut noter que les « masters » d'un grand nombre de ses enregistrements des années 1930 ont été conservés et ont pu permettre des rééditions d'une très bonne qualité sonore. Encore aujourd'hui, il se vend chaque année un nombre non négligeable de ses enregistrements.
Fleur de musette, (René-Paul Groffé / Marius Zimmermann) / La Chanson de l'accordéon, (René-Paul Groffé / Albert Evrard) 78 tours / SP 25 cm Idéal 8721
Tout au bord de la Marne, (René-Paul Groffé / Marius Zimmermann) / Il y a une fille dans la maison, (René-Paul Groffé / Marius Zimmermann) 78 tours / SP 25 cm Idéal 8723
Rien ne vaut tes lèvres, (Pierre Bayle / Elvaury / Jean Eblinger) / C'est un petit nid, (René-Paul Groffe / Jean Eblinger) 78 tours / SP 25 cm Idéal 9073
Fleur de la Riviera, (Fernand Pothier / Léon Raiter) / Le Tango du chat, (Léon Raiter / Vincent Scotto) 78 tours / SP 25 cm Idéal 9131
Le Raccommodeur de faïence et de porcelaine, (Raoul Soler / André Dedcoq).
Adieu Paris (Adios muchachos), (Julio Cesare Sanders /Lucien Boyer) / À Paname un soir, (Casimir Oberfeld / Charles-Louis Pothier) 78 tours / SP 25 cm Odeon 165.871
Celosa (Si je pouvais n'avoir plus d'yeux), (Léo Daniderff / Henri Fursy).
J'ai compris, (Louis Poterat / Jean Lenoir).
Quand même, (Jean Eblinger / Pierre Bayle).
Cigalounette, (Pierre Bayle / Max d' Yresne).
Mélodie d' amour, (Louis Despax / Vincent Scotto).
Désir, (Manfred / Marcel Bertal / Louis Maubon).
Dolorita, (Paula Chabran / Paula Chabran).
La Batarde, (Charles Bouvet / Grime / Charles Guindani / Georges Charton).
Le Tango des fauvettes, (César Andréa Bixio / Robert Marino).
Musette, (Léojac / René Flouron).
J'ai peur, (Jean Eblinger / Louis Despax).
C'est pour Raymond, (Charles Seider / Manuel Puig) / Marida, (Aristide Bruant / Jane Bos) 78 tours / SP 25 cm Odeon 238.057
Maruska, (Auberd / Dino Rulli)
Mais quand le cœur dit oui, (René Sylviano / Phylo (Marnois) / Jean Boyer) / Je n'ai qu'un amour, c'est toi, (Jean Boyer / René Sylviano / Wolfgang Zeller) 78 tours / SP 25 cm Odeon 238.194
Folie, (Mario Cazes / Pierre Alberty).
Rôdeuse de barrière, (René de Buxeuil / Pierre Alberty) / Rupture, (Leojac / Pierre Alberty) 78 tours / SP 25 cm Odeon 238.235
Une larme, (A. Sale / Marc Hely).
Détresse, (Jean Charpentier / Emanuele Biletta).
Petite fleur, (Fernand Pothier / Léon Raiter).
Ah quel crâneur !, (Gaston Gabaroche / Phylo (Marnois) / Louis Briquet).
Tango d'adieu, (Géo Koger / Léon Raiter).
Ce sont des mots, (Joseph (Jeo) Gey / Elvaury).
Ohé les petits bateaux, (René-Paul Groffé / Jean Eblinger).
Novia, (A. Aubret / A. Perrera).
Roule ta bosse, (Betove / Gantillon).
La vira, (Philippe Goudard / Mario Cazes).
Adoration (Mario Cazes / Michel Carré / Georges Sibre / Philippe Goudard).
Aimer, souffrir, mourir, (Mario Cazes / Philippe Goudard / Georges Sibre).
Celle que vous attendez, (Jean Lenoir / Tom Burke).
Les Yeux des femmes, (Fernand Beissier / Jean Delaunay).
Lassitude, (Bruard / Parrisé / René de Buxeuil).
Par toi, (Vincent Telly / Marcel Learsi).
Tu me dis non, (W. Roson / André Mauprey).
Valsons Lison, (Roger Dufas / Roger Dufas).
Te revoir un soir, (Charles Seider / René Margand / Manuel Puig / Fredo Gardoni).
La Berceuse de la vague, (René-Paul Groffé / Joseph (Jeo) Gey).
La Chanson du vieux marin, (Pierre Andrieu / Léo Daniderff).
Boublitchki, (Jean Lenoir / Barthel / Harsanyi).
Jamais, (Mario Cazes / Philippe Goudard / Michel Carré).
Ce n'est qu'une caresse, (Léo Sevestre / Albert Béguin).
La Valse des affranchis, (Roger Vaysse / J. Tem / Vincent Scotto).
La Java des ombres, (Roger Vaysse / Vincent Scotto).
Boston suprême, (Mario Cazes / Philippe Goudard / Michel Carré).
Veux-tu m'aimer, (Louis Poterat / Roger Vaysse / Lucien Kemblinsky)
Quand je danse avec lui, (Jean Eblinger / Louis Despax).
Tu m'oublieras, (Henri Diamant-Berger / Jean Lenoir) / La Douceur d'aimer, (Pierre Maudru / Henri Verdun) 78 tours / SP 25 cm Odeon 238.352
Les mots ne sont rien par eux-mêmes (W.H. Heymann / Jean Boyer). 78 tours / SP 25 cm Odeon 238.353
Veux-tu, (Robert Champfleury / Pierre Bayle / R. Xilser / Roger Lion).
La vie est un rêve, (Pierre Maudru / Albert Chantrier).
La Femme à la rose, (Gaston Gabaroche / Charles-Albert Abadie).
C'est sa java, (Emile Gavel / Jules Combe / René Margand).
Chantez, dansez, petits enfants.
C'est un tout petit, (Emile Gavel / M. Guitton).
Lorsque je vois tes yeux, (E. Egloff / P. Brébant).
Toi seulement toi, (Émile Audiffred / Ernest Arnold).
Le Cœur de Jeannette, (René de Buxeuil / P. Chagnaut).
Tarakanova, (Raymond Bernard / André Roubaud).
Ta voix, (E. Recagno / Roger Dumas).
Pourquoi nous dire adieu, (Marc Hely / Jane Bos).
La Fortune, (Pierre Alberty / Alcib Mario).
Sérénade des fleurs, (Didier Gold / Mario Cazes).
Je veux te donner toutes mes caresses, (Pierre Alberty / Désiré Berniaux / F. Giai-Levra).
Le p'tit gars, Perrette et le pot au lait (Jac Nam / Jac Nam).
Le Moulin rose, (Gaston-Louis Villemer / Paul Henrion).
Bonté de gosse, (P. Thomas / Pierre Codini).
Tout est permis quand on rêve, (W.H. Heymann / Jean Boyer).
Si l'on ne s'était pas connu, (Léo Lelièvre fils / Pares / Georges Van Parys) / Tu ne m'oublieras pas ? (Raoul Moretti / Lucien Boyer) 78 tours / SP 25 cm Odeon 238.980
Du gris, paroles d'Ernest Dumont, musique de Ferdinand-Louis Bénech (1920, sans cotage).
Sous les toits de Paris (du film de René Clair), (Raoul Moretti / René Nazelles).
Amoureuse de la tête aux pieds (du film L'Ange bleu (F. Hollander / Poterat) : Ich bin von Kopf bis Fuß auf Liebe eingestellt) chantée par Marlene Dietrich.
Tu ne sais pas aimer, (Guy Zoka / Maurice Aubret).
Souvenir, (Charles Pothier / Léon Reiter).
Il est un petit nid, (Raymond Souplex / Fernand Heintz).
Viens, maman, (Léojac / Maisondieu / Charles Pothier).
La légende des flots bleus, (Paul Dalbret / Henri Christiné / Raoul Le Peltier)
Les Fleurs du pays, (Louis Despax / Pierre Codini).
La Java de Loulou, (Geo Koger / Vincent Scotto).
Quand tu me dis je t'aime, (P. Manaut / E. Emmerechts).
Tu devrais m'aimer autrement, (P. Manaut / Jean Lenoir).
Le Petit Marchand de statuettes, (Roberty / Ernest Cloerec-Maupas / L. Folver) / Voilà l' marchand d' habits, ( L. Folver / H. Roberty / Ernest Cloerec-Maupas) 78 tours / SP 25 cm Odeon 166.628
Berceuse tendre (duo avec Fred Gouin), (Léo Daniderff / Emile Ronn (Henri Lemonnier) / Un soir à la Havane (duo avec Fred Gouin), (Charles-Albert Abadie / Gaston Gabaroche / Gaston Claret) 78 tours / SP 25cm Odeon 166.629
Le P'tit Boscot, (Vincent Scotto / Charles Xam / Emile Gitral) / Tout près de la source, (Gaston Jean / Max Vière) 78 tours / SP 25 cm Odeon 166.923
On n'a pas tous les jours vingt ans, (Léon Raiter / Fernand Pothier) / Petite-Pierre, (Fernand Pothier / Pauline Lusseau / Léon Raiter) 78 tours / SP 25cm Odeon 166.959
Joujou de Noël, (Charlys / Charlys).
Polichinelle, (Charlys / Rousseau).
Le soir sur la berge, (Lucien Rigot / Cesare Andrea Bixio).
Seuls sur la mer, (Philippe Goudard / Elvaury / René Crocheux).
Écoutez les voix qui chantent, (P. Arezzo / Raoul Le Peltier).
(it) Gianni Lucini, Luci, lucciole e canzoni sotto il cielo di Parigi - Storie di chanteuses nella Francia del primo Novecento), Novara, Segni e Parole, 2014, 160 p. (ISBN978-88-908494-4-2)