Les Actiniaria, aussi appelées anémones de mer, orties de mer ou encore actiniaires sont un ordre d'animaux marins au corps mou et très musclé, généralement fixés à un support.
Le terme anémone de mer fait référence à la symétrie radiaire de cet animal, à ses couleurs vives et à ses tentacules qui évoquent les pétales de certaines fleurs d'anémones[1].
Description et caractéristiques
Ce sont des polypes solitaires sans stade méduse, dépourvus d'exosquelette et dont la taille atteint de 1,25 cm à presque 2 m de diamètre.
Leur anatomie montre trois parties principales : une base discoïde postérieure pour la fixation de l'animal, le disque pédieux qui s'ancre dans le sable, s'attache sur des substrats durs par adhésion (comme une ventouse), ou permet de se déplacer très lentement (8 à 10 cm/h) par reptation, au moyen de contractions musculaires ; un corps mou plus ou moins régulièrement cylindrique, appelé pied ou colonne ; un disque oral antérieur cerné de tentacules lisses, pointus ou arrondis, de formes et de couleurs variées, disposés sur un ou plusieurs cycles concentriques autour. Ce disque buccal ou péristome entoure la cavité buccale qui se trouve en position centrale, et qui sert à la fois de bouche et d'anus[6],[7]. Aucune anémone n'a de squelette calcaire, contrairement aux coraux[8], et leur symétrie fondamentale est hexaradiaire (symétrie centrale d'ordre 6, qui s'observe notamment au niveau du nombre des tentacules qui est un multiple de six)[7].
Les tentacules, habituellement nombreux, ont des nématocystes au poison urticant — mais seules certaines espèces sont douloureuses pour l'être humain — et des spirocystes[9]. Ils sont disposés en séries radiaires ou en cycles alternatifs qui sont étroitement liés à la disposition des mésentères. Des mécanismes de défense et d'acclimatation permettent de répondre à des stress biotique et abiotique tels que la rétractation du polype (rétractation de sa colonne, rétractation totale ou partielle de ses tentacules)[6].
La cavité stomacale et la cavité du corps se confondent en un seul sac appelé cavité gastro-vasculaire qui assure une première phase de digestion extracellulaire(en) suivie par une phase finale de digestion intracellulaire. Cette cavité digestive s'ouvre à l'extérieur par un pharynx qui est une zone ectodermique invaginée. Le pharynx est parcouru par une gouttière longitudinale ciliée, le siphonoglyphe, qui assure la circulation de courants d'eau vers cette cavité, participant à la respiration, au maintien de la pression interne et à l'ingestion de particules alimentaires[10].
Une anémone caractéristique, avec les tentacules entourant la bouche.
La grosse anémone tropicale Heteractis magnifica peut se refermer comme un sac pour protéger ses organes des menaces.
La tomate de mer est une des espèces les plus fréquentes du littoral français métropolitain[13].
Lorsque ses tentacules sont rétractés, la fraise de mer adopte la forme d'une petite boule qui évoque le fruit.
L'anémone gemme(en) ne déploie ses tentacules transparents que pour s'alimenter.
Le Dahlia de mer est particulièrement admiré des plongeurs.
Malgré des ressemblances certaines, les anémones ne doivent pas être confondues avec les autres groupes de cnidaires sessiles mous : Alcyonacea, zoanthides, corallimorphes et autres.
Biologie et comportement
Les anémones sont pour la plupart sédentaires, mais peuvent aussi se déplacer par glissement sur le fond et certaines peuvent même se déraciner brusquement et nager en cas d'attaque. En cas d'agression, certaines anémones de mer sont capables de projeter des filaments blancs urticants, appelés aconties. Ces filaments ont des effets semblables à ceux des méduses pour l'homme.
Les anémones de mer hébergent dans leurs tentacules des algues unicellulaires, des zooxanthelles endosymbiotiques, qui métabolisent l'énergie lumineuse en énergie exploitable par l'organisme (comme le corail) : une grande partie de leur énergie est d'origine solaire.
De façon opportuniste, elles complètent leur menu à l'aide de plancton, de crevettes ou de petits poissons attrapés grâce à leurs tentacules, lesquels apportent ensuite la proie à l'orifice buccal pour la digestion, dans une cavité stomacale centrale. Les excréments sortent du corps par le même orifice[8].
On connaît relativement peu de prédateurs des anémones de mer, les plus voraces étant sans doute les tortues de mer. Cependant, certains mollusques comme le nudibrancheAeolidia papillosa sont aussi spécialisés dans la consommation d'anémones.
Comme de nombreux autres cnidaires, les anémones de mer ont développé une symbiose avec les zooxanthelles de leurs tentacules, les zooxanthelles assurant la majorité des apports énergétiques nécessaires à la croissance et à la survie de leur hôte, notamment en sucres.
Une étude d'avril 2021 montre que les anémones de mer opèrent un tri entre les zooxanthelles et les autres microalgues : les secondes ne sont pas détruites, mais rejetées dans la nature par le système immunitaire des cellules infectées, alors que la réponse immunitaire est inhibée spécifiquement en présence des zooxanthelles[14],[15].
Quelques anémones de mer vivent également en mutualisme avec d'autres organismes, protégés contre leurs cellules urticantes par une carapace épaisse ou un mucus protecteur (notamment les poissons-clowns[16]). On y trouve ainsi des bernard-l'hermite (comme le « pagure à anémones » Dardanus deformis), les poissons-clowns, ou certaines petites crevettes, telle la Thor amboinensis[17]. Des symbioses plus complexes peuvent aussi avoir lieu, comme avec le crabe boxeur Lybia tessellata, qui porte en permanence une anémone (Boloceractis prehensa) dans chacune de ses pinces et les agite devant lui pour se défendre[18].
Le bernard-l'hermite à anémones (Dardanus deformis) cultive des anémones toxiques sur sa coquille pour décourager les prédateurs.
Le crabe-boxeur (Lybia tessellata) impressionne ses prédateurs grâce aux anémones venimeuses qu'il brandit.
Menaces
Les anémones de mer, comme les coraux, blanchissent sous l'effet du réchauffement climatique et elles dépérissent aussi à cause de la pollution et de la surpêche[19].
Classification
La classification des anémones a été entièrement revue en 2014 par Rodríguez & Daly[20] : seuls deux sous-ordres sont désormais reconnus, l'essentiel des familles modernes étant comprises dans celui des Enthemonae, divisée en trois super-familles, dont une monotypique. Cette classification se substitue à celle héritée de Carlgren (début du XXe siècle), qui divisait les anémones en quatre sous-ordres (Endocoelantheae, Nyantheae - de loin le plus vaste -, Protantheae et Ptychodacteae)[21].
Les Actiniarias comprennent environ 1 200 espèces[22].
↑(en) Lynn M. Stone, Sea Anemones, Rourke Pub, , p. 6
↑Feuillet tissulaire longitudinal. Les mésentères, disposés de manière radiaire, sont des cordons musculaires qui compartiment la cavité gastrovasculaire et maintiennent la base des tentacules et le pharynx en place en conservant au corps sa forme malgré la pression interne de l'eau.
↑Cette sole pédieuse a une double fonction : fixation (disque pédieux formant ventouse par le jeu conjugué d'une musculature importante et de la sécrétion de mucus) et locomotion (lente reptation grâce aux contractions des cellules musculaires du disque basal). Une fois ce disque détaché, les anémones peuvent glisser sur leur substrat (voire se déplacer en pleine eau comme l'anémone des gorgones(en)).
↑Le polype se tient normalement bien épanoui, mais en cas de dérangement, ce muscle leur permet de se rétracter pour devenir moins apparent.
↑(en) Shah Pinal D., Thakkar Nevya J., Tailor Parth A, Mankodi Pradeep C., « Surveillance of Gravel Attached Sea Anemone », Research Journal of Marine Sciences, vol. 3, no 3, , p. 1-2.
↑(en) J. Malcolm Shick, A Functional Biology of Sea Anemones, Springer, , p. 64-65.
↑(en) Cleveland P. Hickman, Larry S. Roberts, Frances Miller Hickman, Biology of Animals, , p. 390.
↑Ces pseudo-tentacules sont des expansions du disque oral. Se ramifient de façon dichotome en formant des rameaux aplatis, foisonnants, qui masquent la bouche et la colonne, elles portent des acrocystes (capsules bourrées de cellules urticantes).
↑Épibiose sur certaines algues rouges et brunes (Laminaires), sur les tubes de spirographe, grâce à des spirocystes.
↑(en) Marie R. Jacobovitz, Sebastian Rupp, Philipp A. Voss et Ira Maegele, « Dinoflagellate symbionts escape vomocytosis by host cell immune suppression », Nature Microbiology, vol. 6, no 6, , p. 769–782 (ISSN2058-5276, DOI10.1038/s41564-021-00897-w, lire en ligne, consulté le )
↑« L’anémone de mer met à la porte les microalgues indésirables », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )