En 1149, le comte Jean accorde aux religieux de Saint-Michel d'importants privilèges à l'égard des juridictions auxquelles ils peuvent ressortir, et à l'abbé un pouvoir étendu, en particulier celui de haute justice sur certains territoires. Ces avantages sont ensuite contestés par les officiers des comtes d'Eu. Au début du XVe siècle, l'abbé est obligé d'attendre le résultat d'une enquête, pour faire reconnaître son droit de justicier, et les limites de sa puissance ne franchissent plus les murs de la cour de son monastère.
Les richesses de l'abbaye vont en s'accroissant jusqu'au début du XIIe siècle ensuite le zèle des donateurs se ralentit, après la comtesse Alix, les comtes d'Eu cessent d'accorder de nouvelles faveurs à l'abbaye. Les dîmes et les droits de patronage sont la source de nombreuses difficultés avec les curés des paroisses, avec les archevêques de Rouen et quelquefois même avec les habitants du pays.
En 1161, est établie la confraternité entre l'abbaye d'Eu et l'abbaye du Tréport indiquant que si quelque religieux de l'une et l'autre communauté est en désaccord avec son abbé, il pourra se retirer dans l'autre abbaye, jusqu’à ce que le tout fut apaisé. En 1220, le monastère du Tréport se lie à celui de Saint-Martin d'Aumale. Elle entretient des relations étroites avec l'abbaye de Briostel et celle du Bec.
Elle est dévastée par les Anglais, sous Philippe Auguste. Pendant la guerre de Cent Ans, les Anglais brûlent le Tréport et Mers en 1340. L'abbaye est attaquée par les Anglais et détruite en 1365. En 1412, les Anglais commettent de nouveau, dans la contrée, de terribles ravages, brûlant Mers, Le Mont-Huon et le Tréport. Le monastère souffrent des fureurs de la guerre.
Vers 1523, Michel, moine du Tréport, élu abbé par le couvent, est écarté; François de Clèves prend l'abbaye en commende (concordat de 1516). Elle est dirigée par des abbés commendataires, qui dévorent le plus clair de ses revenus. L'abbaye n'est plus habitée que par quelques moines, qui vivent là misérablement. L'obligation stricte de se soumettre au prieur est méconnue, le vœu de pauvreté individuelle oublié ; les moines se font payer pour chanter l'office et prier pour le repos des morts, et c'est à qui d'entre eux obtiendra quelqu'une des charges claustrales, érigées en bénéfices à l'élection du chapitre.
Brûlée de nouveau par les Anglais et les huguenots en 1545, elle est ruinée par les guerres de Religion, qui ont entraîné l'aliénation de quelques-uns de ses plus beaux domaines vers 1574.
En 1639, les religieux mènent une vie extrêmement « débordée », deux moines sont dans les prisons de Rouen. François II de Harlay, archevêque de Rouen, suspend tous les religieux de l'abbaye du Tréport et donne la garde de l'abbaye et du revenu au P. Douchard, prieur de l'abbaye d'Eu. Il fait absoudre de sa suspension Louis du Héron et le nomme prieur.
Le , l'Assemblée constituante prononce l'abolition des vœux monastiques et la suppression des congrégations religieuses. L'abbaye est vendue comme bien national au sieur de Bonnaire.
Sous la Révolution, les bâtiments servent de caserne. Le bâtiment est peu entretenu et tombe peu à peu en ruine à partir du Premier Empire. En 1840, les bâtiments subsistants sont rasés et un grand corps de bâtiment est construit le long de la nouvelle rue des Casernes[2].
Administration
L'administration du monastère comporte l'abbé, un prieur, élu par les religieux, un sous-prieur, un sacristain qui est également chantre, un cellérier, appelé aussi procureur, ou qui porte ces deux titres simultanément, et est chargé à lui seul de la gestion des biens de l'abbaye, un trésorier et un infirmier, un portier, et un aumônier.
Selon Coquelin en 1671 :
L'église de la paroisse fait un coin de l'abbaye et du pied de la tour de l'église part une forte muraille. L'entrée qui donne au sud est au bout de cette muraille avec le frontispice et au-dessus deux encoignures en forme de tourelles, au milieu une grande porte cochère, et une plus petite à côté. L'entrée ouvre sur une place bordée d'arbres. Les murailles qui aboutissent par l'autre coté à l'église, font l'enceinte des jardins et du monastère.
Dans La première cour de l'entrée du monastère, on a les granges de l'abbaye à gauche en entrant et à droite la maison du portier et le logis de l'aumônier qui vient joindre le pignon de l'église abbatiale. Cette cour a un jardin pour l'aumônier. Une grande porte cochère permet d'entrer dans une 2e cour, où sont logés les officiers du monastère, une chambre pour coucher les serviteurs, une écurie, une menuiserie, un pressoir, une brasserie, un poulailler, le puits, et une mare. Au bout de cette cour est le jardin de l'Abbé, à côté du logis abbatial. Entre le corps du logis abbatiale et le nouveau dortoir, il y a deux chambres d'hôtes, au-dessous une lavanderie et une boulangerie, qui d'un côté communiquent par un escalier dans le cloître, et par l'autre bout a une petite galerie qui va joindre la cuisine et le réfectoire, et monte au cloître et au dortoir. Entre ce bâtiment et l'ancien et le nouveau dortoir, il y a une petite cour carrée, dans laquelle on entre par une grande porte prise sous le dessous de la 1ere chambre des hôtes. De là on entre dans le jardin de la communauté.
Dans le corps de logis, il a une cuisine voûtée et pavée avec ses dalots et égouts, le réfectoire et le chapitre boisé, pavé et voûté. Au-dessus, il y a un corps de dortoir contenant 12 cellules(en) de religieux, une chambre commune avec son chauffoir, et une bibliothèque. Le grenier dans le dernier étage au-dessus et tout le long du dortoir, est « terré » pour recevoir et conserver les grains. Dans le milieu de ce dortoir, cinq cellules de religieux, ensuite une galerie du côté ouest, qui conduit à la chambre du cellérier, auprès duquel il y a deux chambres, l'une sur l'autre, une pour le dépositaire et l'autre pour le portier, qui ont accès par un escalier à la porte et peuvent contenter les séculiers sans troubler la communauté. Au-dessous des chambres de ce nouveau dortoir, il y a une salle destinée aux hôtes. Tout en bas, il y a les caves et dépenses (pièce où l'on serre les provisions de bouche) tout le long de cet édifice.
dessus a son grenier.
Dans l'enclos de ces bâtiments et de l'église, il y a le cloître voûté et pavé et au milieu le préau.
L'église abbatiale
Sa longueur intérieure depuis la porte de la nef jusqu'au fond de la chapelle de Notre-Dame était de 38 toises (70 mètres environ), sa largeur de 9 toises (16 mètres), la hauteur de 5 toises (9 mètres). Le clocher avait 45 toises (80 mètres) de hauteur. Le chœur construit en pierre de Caen, comportait 58 chaires ; elle était éclairée par 15 vitraux.
prieuré de Saint-Jean de Camps-en-Amiénois, fondé en 1136 par le seigneur du lieu, Raoul d'Airaines qui donne à l'abbaye, le quart de la petite ville de Camps-en-Amiénois et l'église du lieu ;
prieuré de Notre-Dame de Rouge-Camp, écart de la commune de Cuverville-sur-Yères, fondé au début du XIIe siècle par le comte Henri d'Eu ; n'est plus au XVIIIe siècle qu'un bénéfice régulier à la nomination de l'abbé du Tréport ;
prieuré de Saint-Pierre d’Eurville, sur la commune de Val-de-Saâne, devient au XVIIe siècle, bénéfice simple à la collation de l’abbé du Tréport. La chapelle Saint-Eloy dans la paroisse de Lamberville lui appartenait ;
prieuré Notre-Dame d'Hastings, dans le comté de Sussex, fondé en 1152.
Patrimoine foncier
Le comte Robert avait donné l'église de l'abbaye avec toutes ses appartenances et la dîme ; au Tréport, des terres et des maisons et la dîme des deniers de la vicomté, ainsi que celle de la vicomté d'Eu ; la dîme du panage de la forêt d'Eu et de tous les essarts de cette même forêt ; la dîme des moulins de Blangy et de Sept-Meules ; la terre de Mesnil-Val, hameau entre Criel et Flocques, le Quesnay, hameau de Criel, le Mesnil-Saurel, hameau du Tréport, le Mesnil-Allard, hameau de Saint-Léger-aux-Bois, le Mesnil-Grémichon, hameau de Saint-Martin-du-Vivier, Grémont-Mesnil, hameau de Blangy-sur-Bresle et la moitié de Boiteaumesnil hameau de Blangy ; la moitié de Villy-le-Bas, son domaine de Fontaine près Blangy, Saint-Martin-au-Bosc, un domaine à Flamanville ; un moulin à Criel avec la moute de Flocques et d'Étalondes ; des droits de pêche. Son fils Guillaume, offre l'église d'Hesmy et la dîme, et un chevalier offre aux religieux le Mesnil-Sterlin, hameau d'Étalondes pour constituer le premier fonds de l'aumône. Henri, comte d'Eu, fils du comte Guillaume, donne à l'abbaye la dîme des deniers des vicomtés de Criel, de Sept-Meules et de Grandcourt et l'église Saint-Jacques du Tréport[5]. Le comte Jean concède à l'abbaye sa chapelle de Saint-Nicolas de Rouen avec toutes ses dépendances.
En 1534, les marais entre le Tréport et Mers sont délaissés au profit des habitants par l'abbé François de Clèves[6], ainsi que Les moulins à blé et à huile de Criel qui sont vendus. En 1547, le patrimoine est diminué de La terre de Sainte-Croix , la ferme de Camps-en-Amiénois, les moulins à blé et à huile de Criel, la maison d'Abbeville, et une autre à Rouen, la maison et manoir d'Eu, le dixmage de Bazinval délaissé aux religieux de Sery.
Les moines du Tréport, pour satisfaire aux sacrifices imposés au clergé, pendant les guerres de Religion, sont forcés d'aliéner quelques-unes des plus belles possessions de l'abbaye : Les prés salés, le dixmage de Saint-Martin-au-Bois, le fief du Mesnil-Allard en 1575, le fief, terre et seigneurie de Basoches dans la vicomté de Falaise en 1642.
Selon une déclaration de 1642, toutes les dixmes, les rentes, fermes, et offices se montent à la somme de 17,799livres[7].
Dîmes
Les dîmes pesaient sur des produits très variés tels que les grains, le vin, les fruits des arbres, les petits des animaux, le foin, le lin, la laine, le chanvre, les fromages.
Les armes de l'abbaye se blasonnent ainsi : Écartelé, au premier et quatrième des gueules à la croix pâtée d'or; au deuxième et troisième, d'or au chevron de sable, chargé de trois coquilles d'argent, sommé d'une crosse.
Vestiges
Il existe peu de vestiges de l'abbaye. Quelques pans de mur sont observables, derrière l'école Pierre-Brossolette, entre la rue Alexandre-Papin et la rue des Casernes.
↑Selon Laffleur de Kermaingant, en 1036, le siège archiépiscopal de Rouen est occupé par un prélat indigne, Robert Ier. Il est probable que le nom de l'archevêque Robert a figuré dans la charte de fondation de l'abbaye. Après sa mort, Maurille comptera au nombre des saints réellement populaires en Normandie. C'est à ce saint homme que les moines du Tréport et le comte d'Eu demanderont de consacrer la fondation de leur abbaye. Le nom inconnu ou méprisé de Robert a fait place à celui du vertueux Maurille, pour la plus grande gloire de l'abbaye, et cette substitution a dû être considérée, par les moines du Tréport, comme de tous points profitable à la bonne renommée de leur monastère, par les copistes, peu soucieux de la chronologie, comme une juste réparation faite à la mémoire d'un si grand saint.
↑Selon Jean Mabillon, c'est à tort que les éditeurs de la charte du Tréport ont rapporté la fondation du monastère à l'année 1036, « parce que Maurille, archevêque de Rouen, ne fut pas appelé au siège archiépiscopal avant l'année 1055. Pour une raison analogue, cette fondation ne put avoir lieu en 1036 sur le conseil de Guillaume, futur duc de Normandie, qui était alors à peine âgé d'un an. Dans cette même charte, il n'est fait aucune mention de Lesceline, mère du comte Robert, qui était morte en 1057; aussi cette abbaye a-t-elle été fondée postérieurement à cette date, mais avant l'année 1066, durant laquelle Guillaume devint roi d'Angleterre, tandis qu'il ne prend encore que le titre de duc. Enfin, dans le cartulaire de l'abbaye, on voit que la fondation est de l'année 1059. »
↑Pour François Neveux, l'abbaye aurait été fondée vers 1036 par Guillaume, comte d'Eu[1].
↑En , l'abbaye en fait l'échange avec les moines du Bec, qui lui cèdent leurs dîmes de Montreuil-en-Caux et la terre de la Bourdaine.
Benoît Coquelin, L'Histoire de l'abbaye de Saint-Michel du Tréport, Rouen, Lestringant, , 748 p. (lire en ligne).
Louis Sandret, L'ancienne église de France : État des archevêchés et évêchés de France, avant la constitution civile du Clergé de 1790, vol. Province ecclésiastique de Rouen, Paris, Librairie J.B. Dumoulin, (lire en ligne), p. 62.
(la) Pierre-Paul Laffleur de Kermaingant, Cartulaire de l'abbaye de Saint-Michel du Tréport : Ordre de Saint Benoit, Paris, Impr. de Firmin-Didot, (lire en ligne).