La vieille église de Saint-Lunaire est un édifice affecté au culte catholique situé à Saint-Lunaire, en France[1]. Parfaitement orienté, le bâtiment est dédié à saint Lunaire, lequel a fini par donner son nom à la paroisse longtemps appelée Pontual (pont de Tugdual, du nom du frère même de Saint Lunaire, fondateur du monastère-évêché de Tréguier[2]). Désaffectée lors de la bénédiction de la nouvelle église le [3], elle a été rendue au culte le après sa restauration par Raymond Cornon, architecte des Monuments historiques[4].
1954, : l'édifice, reconsacré par le cardinal Roques, est rendu au culte.
1971, : classement de deux nouveaux gisants.
Dans le cadre de l’essor du tourisme balnéaire que connut la Côte d'Émeraude à partir des années 1850, à l'instar de ses voisines Dinard et Saint-Briac, la commune de Saint-Lunaire vit s'établir hôtels et villas particulières à compter de 1880. La compagnie de Mielles, formée de banquiers et d'entrepreneurs, posa les bases d'un schéma urbanistique moderne de la station. Trouvant écho auprès des autorités civiles et religieuses du village, elle proposa une transaction à la commune, celle-ci devant abandonner la vieille église et son terrain à ladite société en échange d'un espace au centre du nouveau quartier et d'une somme de 30 000 francs pour l'édification d'un nouveau lieu de culte. Pétitions et protestations énergiques de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine et d'Arthur de La Borderie permirent qu'un nouvel édifice soit effectivement construit par le servanais Émile Liège tout en conservant l'ancien. Ce dernier édifice ne fut toutefois classé qu'en 1913, bien après quatre de ses gisants et le tombeau de saint Lunaire (1892). L'entretien et la garde du vieux Saint-Lunaire échurent à la société de sauvegarde du patrimoine historique et artistique basée à Rennes[7].
La vieille église de Saint-Lunaire constitue un édifice trapu et hétérogène dont la distribution interne est aisément discernable de l'extérieur. La façade occidentale, aveuglée par la suppression d'un oculus ouvert en 1853, est seulement percée d'une porte en arc brisé en son milieu. Il s'agit d'un mur pignon dont les deux rampants présentent des décrochements et dont la stéréotomie laisse deviner des arrachements résultant de la réédification à l'époque moderne des deux collatéraux flanquant de la nef. Le côté nord permet de découvrir la nef latérale septentrionale, éclairée par trois fenêtres plein-cintre du XVIIIe siècle, laquelle reste sans communication avec la chapelle privative des Pontbriand, également percée d'une fenêtreplein-cintre dans son pignon nord. Faisant office de transept, celle-ci est prolongée à l'est par la sacristie au toit en appentis où se détache une gerbière à l'orient. Une absidepentagonale clos l'édifice, deux fenêtres éclairant les pans obliques du chœur. Le flanc sud présente un collatéral rythmé par trois fenêtres plein-cintre logées dans des gerbières, celle centrale, moins haute, reposant sur la porte des femmes établie en 1686. La chapelle des Pontual constitue le transept méridional. Une fenêtre plein-cintre décentrée occupe le pignon sud, lui-même dissymétrique. Bas-côté et chapelle communiquent par une section réalisée vers 1840 et dotée d'une porte à linteau droit.
Construite avec des moellons de granite et couverte d'ardoises, l'église du vieux Saint-Lunaire affecte un style rustique et classique. Un petit clocher carré percé de dix petites ouvertures rectangulaires et sommé d'une courte flèche octogonale coiffe l'édifice aux deux-tiers de la nef.
La vieille église de Saint-Lunaire au milieu des fleurs.
Intérieur
La nef et ses collatéraux
On pénètre dans l'église par la porte occidentale en descendant un escalier de neuf marches : quatre degrés à l'extérieur et cinq à l'intérieur. L'édifice est orienté, sa nef principale en constituant la partie la plus ancienne. Seuls les murs latéraux datent du XIe siècle, présentant une succession de trois arcadesplein-cintre, sans archivoltes ni moulures, portées par des pilastres rectangulaires ornés d'un tailloir en biseau sur leurs faces internes, à la naissance des arcs. De petites fenêtres en meurtrières s'ouvrent dans les costales du vaisseau principal : au nombre de deux côté nord (au-dessus des piliers), de trois, mais plus étroites, côté sud (à l'aplomb des grandes arcades). Un douvis de bois, en arc surbaissé, maintenu par de forts entraits, couvre la nef, la dernière travée avant le transept laissant apparaître la structure en bois portant le clocher. Hormis la porte principale, la façade ouest est aveugle, et le mur oriental uniquement percé d'un arc triomphal roman repris au XIVe siècle.
L'arc triomphal, repris au XIVe siècle, qui sépare la nef du chœur.
La nef principale et ses ouvertures en meurtrière percées de façon dissymétrique.
Le collatéral nord, couvert en appentis, et son autel oriental.
Vue vers le collatéral sud percé de portes et au couvrement plus complexe.
Nef et bas-côté nord.
Nef et bas-côté sud.
Les collatéraux sont plus récents. Bien que présents dès l'origine de la construction, ils furent réédifiés au XVIIe siècle voire XVIIIe siècle. La nef latérale nord ne se prolonge pas par la chapelle de Pontbriand qui forme le bras septentrional du transept de l'église. En revanche, côté sud, une travée, ajoutée au XIXe siècle assure la jonction avec la chapelle de Pontual. Couverts en appentis de sorte que les meurtrières de la nef ne communiquent plus avec l'extérieur, ils sont percés chacun par trois grandes fenêtres plein-cintre qui assurent l'éclairage indirect du vaisseau central. Le bas-côté sud, surélevé de deux marches par rapport à la nef, présente en outre deux portes à linteau droit, donnant sur l'antique placître : celle des femmes, datée de 1686, et celle des hommes percée dans la travée supplémentaire du XIXe siècle. Par ailleurs, la présence des trois pignons successifs du côté sud a permis de réaliser un couvrement plus complexe, les pans des lucarnes s'inscrivant en pénétration dans l'appentis.
Le chœur et les chapelles
Rebâti vers 1350 par Alain de Pontual, le chœur de la vieille église a été sensiblement réaménagé au XVIIe siècle et doté d'une abside à pans coupés. Seules subsistent de l'époque gothique des arcades brisées donnant accès à la chapelle des Pontbriant au nord (fin XIVe siècle) et à celle des Pontual au sud (début XVe siècle). À l'inverse de l'arcade nord, celle du sud est dépourvue de colonnes et chapiteaux, présentant déjà un style flamboyant. Pour autant, les restaurations et agrandissements ayant affecté ces chapelles servant de transept n'ont laissé perdurer un caractère médiéval que dans l'édicule nord où subsiste dans le mur est une fenêtre à un meneau et au réseau flamboyant de même qu'un autel et ses deux crédences. De nos jours, la chapelle des Pontbriand est éclairée par une fenêtre plein-cintre, au nord, une sacristie étant venue se greffer au XVIIIe siècle à l'angle du chœur et du bras de transept nord. Un écu couché des Pontbriand orne le mur septentrional de la chapelle éponyme et, à l'exemple de la nef et de ses collatéraux, le haut de l'église est voûté uniquement de bois.
Quatre gisants sont exposés dans le transept nord. Aspectés ouest-est, les défunts regardent vers l'orient et l'autel de la chapelle.
Ceux de d'Olivier de Pontbriand et de son épouse, la dame de la Tendourie, sont logés dans des enfeus creusés dans le mur nord de la chapelle. Classés le [8], ils ont été réalisés vers 1420.
Les gisants de Colin de Pontbriand et son épouse, Jeanne de Mauny, parents d'Olivier de Pontbriand, ont été sculptés vers 1380. Ils prennent appui sur le mur ouest de la chapelle. Situés autrefois dans le chœur de l'église près du tombeau de saint Lunaire, les dalles avaient été retournées afin d'aplanir le sol du sanctuaire. Le comte de Palys les a fait transporter en 1893 à l'emplacement qu'elles occupent encore actuellement[9]. Ces gisants ont fait l'objet d'une mesure de classement le [10].
Gisant d'Olivier de Pontbriand.
Gisant de la dame de la Tendourie.
Gisant de Colin de Pontbriand.
Gisant de Jeanne de Mauny.
Tombe à niche murale avec un gisant en bas-relief d'un chevalier de la famille de Pontbriand, XVe siècle.
Tombe à niche murale avec un gisant d'une dame de Pontbriand, XVe siècle.
Gisants de la chapelle des Pontual
Deux gisants trouvent à se loger dans la chapelle des Pontual faisant office de transept sud.
Le gisant de Jeanne le Bouteiller, épouse de Jean I de Pontual, sculpté vers 1400, occupe un enfeu dans le mur sud de la chapelle. Il a fait l'objet d'une mesure de classement le [11].
Le gisant d'Alain de Pontual, réalisé vers 1360, occupe le centre de la chapelle. Il était placé autrefois au milieu du chœur de l'église que le défunt avait contribué à réédifier vers 1350[4].
Le tombeau de saint Lunaire occupe depuis 1954 l'espace situé sous l'arc triomphal, à la jonction du chœur et de la nef de la vieille église. Primitivement placé devant le grand autel lors de la réédification du chœur en 1350, il fut par la suite avancé vers le centre du sanctuaire au XVIIe siècle avant que d'être relégué dans l'angle sud-ouest de l'espace sacerdotal en 1785. Il se compose d'un sarcophagegallo-romain, auge de granite mesurant 2 mètres 15 de long pour 50 cm de large et 38 cm de hauteur, qui portait autrefois l'inscription en majuscules romaines MAGISTER LVNEVERIVS[4].
Ce cercueil de pierre porte une dalle sculptée en haut relief à effigie du saint et datant du XVe siècle. L'évêque d'Aleth est revêtu des ornements épiscopaux, la chasubleantique étant brodée d'orfrois. Coiffée d'une mitre basse, sa tête repose sur un coussin porté par deux anges tandis que ses pieds foulent un quadrupède symbolisant l’idolâtrie. Les mains croisées sur la poitrine, le prélat tient de la gauche sa crosse, la volute étant fleurie d'un quatre-feuilles et l'extrémité s'enfonçant dans la gueule du monstre[12]. Une colombe tenant un autel portatif en son bec repose sur le côté droit de la poitrine du saint, rappelant un épisode de sa Vita écrite au IXe siècle[13].
L'ensemble du monument, classé depuis le [14] repose sur un tronçon de colonne portant deux têtes sculptées ainsi que deux supports figurant des anges assis lisant chacun un livre.
Pied du tombeau de Saint Lunaire avec un ange lisant un livre.
Souche de colonne avec têtes.
L'ange assis lisant un livre.
Second ange lecteur.
Tronçon de colonne et têtes sculptées.
Gisant du saint.
Tête de saint Lunaire.
Les autels
Le retable du maître-autel épouse les pans coupés du chevet et ses lambris ménagent des ouvertures à l'arc surbaissé permettant l'éclairage du sanctuaire. Réalisé vers 1760 par un artiste du cru, il sert d'écrin au maître autel précédé par des stalles en bois et une grille ouvragée en fonte servant de table de communion, lesquels dessine un gracieux demi-cercle.
↑Paul Banéat, Le Département d'Ille-et-Vilaine, Éditions Librairie moderne J. Larcher, Rennes, 1928, Réédition Éditions régionales de l'Ouest, Mayenne, 1994, 4 tomes, (ISBN2-85554-067-4), tome III, p. 478.
↑ChanoineAmédée Guillotin de Corson, Pouillé historique de l'archevêché de Rennes, Rennes, Fougeray et Paris, René Haton, 1880-1886, 6 vol. in-8° br., couv. impr..
↑ abc et dRoger Blot, Saint-Lunaire. Église du vieux Saint-Lunaire., Rennes, Conseil Général d'Ille-et-Vilaine et Archidiocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo, Collection "Églises à découvrir en Ille-et-Vilaine", avril 2008, 8p.
↑Comte de Palys, Rapport présenté à la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine sur les réparations exécutées à l'ancienne église de Saint-Lunaire., in Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine, Éditions Simon et Cie, 1894, tome XXIII.
↑E. Nourry, La vieille église de Saint-Lunaire (État actuel)., in Bulletin et mémoires de la Société archéologique de l'Arrondissement de Saint-Malo, 1941-1942, pp.4-14.
↑André Carrée et Bernard Merdrignac, La vie latine de saint Lunaire. Textes, traduction, commentaires. in Britannia Monastica, tome II, 1991.
↑Paul Banéat, Le Département d'Ille-et-Vilaine, Éditions Librairie moderne J. Larcher, Rennes, 1928, Réédition Éditions régionales de l'Ouest, Mayenne, 1994, 4 tomes, (ISBN2-85554-067-4), tome III, p.483.
Chanoine Amédée Guillotin de Corson, Pouillé historique de l'archevêché de Rennes, Rennes, Fougeray et Paris, René Haton, 1880-1886, 6 vol. in-8° br., couv. impr., tome VI, p. 120-131, (disponible sur Gallica).
Comte de Palys, Rapport présenté à la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine sur les réparations exécutées à l'ancienne église de Saint-Lunaire., in Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine, Éditions Simon et Cie, 1894, tome XXIII.
E. Nourry, La vieille église de Saint-Lunaire (État actuel)., in Bulletin et mémoires de la Société archéologique de l'Arrondissement de Saint-Malo, 1941-1942, p. 4-14.
Paul Banéat, Le Département d'Ille-et-Vilaine, Éditions Librairie moderne J. Larcher, Rennes, 1928, Réédition Éditions régionales de l'Ouest, Mayenne, 1994, 4 tomes, (ISBN2-85554-067-4), tome III, p. 478-483.
Véronique Orain (Dir.), Ille-et-Vilaine. Églises et chapelles. Indicateurs du patrimoine., Association pour l'Inventaire Bretagne, Rennes, 1996, (ISBN2-905064-25-0).
Collectif, Le Patrimoine des Communes d'Ille-et-Vilaine, Éditions Flohic, Paris, , 2 tomes, (ISBN2-84234-072-8), tome I, p. 512-513.
Philippe Bonnet et Jean-Jacques Rioult, Dictionnaire guide du patrimoine. Bretagne, Éditions du patrimoine, Paris, 2002, 531p., (ISBN2-85822-728-4), p. 439.
Roger Blot, Saint-Lunaire. Église du vieux Saint-Lunaire., Rennes, Conseil Général d'Ille-et-Vilaine et Archidiocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo, Collection "Églises à découvrir en Ille-et-Vilaine", , 8p.