La tentative de coup d'État de 2015 au Burkina Faso a lieu du au [3]. Elle avait pour objectif de mettre fin au gouvernement de transition mis en place après la chute de l'ancien président burkinabèBlaise Compaoré. Cet objectif a été soldé par un échec et un retour des organes de transition.
Contexte
Le Conseil national de transition (CNT) du Burkina Faso a voté le un nouveau Code électoral qui, par le biais de son article 135, interdit indirectement les partisans de l'ancien président Blaise Compaoré de se présenter aux prochaines élections et, en particulier, à l'élection présidentielle d'. Ce changement législatif a été attaqué devant la Cour de justice de la Cédéao, par les proches de Blaise Compaoré, qui a donné raison à ces derniers. Néanmoins, selon le constitutionnaliste Luc-Marius Ibriga contacté par le journal Libération, les juges de la Cédéao ont simplement demandé de préciser les conditions d'inéligibilité énoncées à l'article 135[4].
Cette précision a été apportée par la décision du du Conseil constitutionnel burkinabé qui avait exclu six des vingt-deux candidats à l'élection présidentielle du , dont Eddie Constance Komboïgo(en), candidat du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), qui est l'un des proches de Blaise Compaoré[5]. Par ailleurs, deux jours avant le coup d'État, la Commission de réconciliation nationale et des réformes (CRNR) du Burkina Faso avait recommandé la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle[6],[7].
Le journal Jeune Afrique souligne aussi la coïncidence de la date du coup d'État[8], ce dernier ayant eu lieu le jour même où les ossements du président Thomas Sankara aurait dû être expertisés pour lever possiblement le voile sur son assassinat[9]. D'autant plus que le principal auteur du coup d'État, Gilbert Diendéré, est fortement soupçonné d'être l'un des assassins du président Sankara, en 1987[10].
Après le coup d'État, le lieutenant-colonelMamadou Bamba a annoncé le , à travers la chaîne Radio-Télévision de la télévision burkinabé, que quatre mesures immédiates avaient été prises :
le président de la transition, Michel Kafando, a été démis de ses fonctions ;
le gouvernement de transition a été dissous ;
le Conseil national de transition (CNT) a été dissous ;
le Conseil national de démocratie (CND) a été créé.
rassurer les acteurs régionaux que les accords engageant le Burkina Faso étaient maintenus[13],[14].
Après cette annonce, un couvre-feu a été instauré de 19 heures à 6 heures et les frontières terrestre et aérienne ont été fermées. Néanmoins, des manifestations anti-putschistes se sont déroulées dans la matinée à Ouagadougou mais elles ont été rapidement dispersées avec des tirs de sommation. Ces manifestations se sont propagées dans les autres villes et villages du pays du Burkina Faso dont notamment Bobo Dioulasso, Fada N'Gourma et Yako où la maison du généralGilbert Diendéré a été incendiée[15],[16],[14].
La montée des tensions entre les manifestants et les membres du Régiment de sécurité présidentielle a obligé le président du CND, Gilbert Diendéré, à annoncer que des élections présidentielles et législatives, initialement prévues le , seront rapidement organisées et que les otages allaient être libérées[17].
Le , le CND annonce que les otages ont été libérés la veille au soir, à l'exception d'Isaac Zida qui a été assigné à résidence. Par ailleurs, les frontières ont été rouvertes pour normaliser la situation du pays[18],[19].
À la même date, le président sénégalaisMacky Sall, également président de la Cédéao, et le président béninois, Boni Yayi, se sont rendus dans la capitale du Burkina Faso pour relancer le processus de transition à travers des négociations et notamment avec le général Gilbert Diendéré[20].
Le , la médiation de la Cédéao comprenant le président sénégalais Macky Sall et le président béninois Boni Yayi, assistée du représentant de l'ONU en AfriqueMohamed Ibn Chambas, et les représentants des putschistes et de la société civile, ont décidé de se réunir à 10 heures locales dans l'hôtel Laico d'Ouagadougou pour négocier et trouver un plan de sortie de crise. À l'annonce de ce rendez-vous, le mouvement Le Balai Citoyen avait appelé à un rassemblement devant l'hôtel pour faire pression sur les négociants et ainsi retrouver le gouvernement de transition[21],[22].
Le , au soir, des unités militaires loyalistes, qui soutiennent le gouvernement de transition et sont opposées au général Diendéré, ont encerclé le palais où réside les putschistes. Elles répondent en cela à l'appel du mouvement Le Balai Citoyen, qui a appelé la population à se réunir sur la place de la République, à Ouagadougou, au même moment[23].
Le , le président de transition Michel Kafando reprend la tête du pays après un accord entre l'armée loyaliste et les putschistes. Il annonce par ailleurs le rétablissement du gouvernement de transition[24]. Le même jour, le général Diendéré annonce la fin du coup d'État et ajoute que « le plus gros tort avait été de faire ce putsch » lors d'une déclaration à la presse[25]. Il se déclare prêt à répondre de ses actes devant la justice, et annonce le désarmement du Régiment de sécurité présidentielle, à l'origine du putsch[26].
Le , à l'issue du premier Conseil des ministres après le coup d'État, le gouvernement de transition prend quelques mesures importantes dont :
la dissolution et le désarmement du Régiment de sécurité présidentielle, demandée depuis plus de 15 ans par la société civile burkinabé[27] ;
la création d'une commission d’enquête d'une durée maximale de 30 jours pour déterminer les acteurs du coup d'État et les faire juger devant un tribunal militaire ;
la destitution des hauts gradés militaires ayant collaboré directement ou indirectement avec les putschistes[1],[28].
Le , le général Diendéré et l'ex-ministre des affaires étrangères Djibrill Bassolé, arrêté le , sont inculpés de 11 chefs dont « atteinte à la sûreté de l'État » et un mandat de dépôt est décerné à leur encontre[31].
Réactions internationales
Dans un communiqué commun publié le , les Nations unies, la Cédéao et l'Union africaine ont exigé « la libération immédiate et inconditionnelle des otages ».
L'Union européenne a déclaré, par la voie de la haute représentanteFederica Mogherini, qu'elle condamne « toute tentative d'évincer les autorités de la transition » et appelle à « la libération immédiate des personnes retenues et au respect de la transition et de l'intérêt général »[32].
Pour la France, le Quai d'Orsay a également demandé « la libération immédiate de toutes les personnes retenues » et condamné l'usage de la force[33].
Le , l'Union africaine annonce qu'elle suspend le Burkina Faso de ses membres. Par ailleurs, elle précise qu'elle interdit aux putschistes de voyager dans les pays membres de l'Union africaine et que leurs avoirs, dans ces pays, sont bloqués[34].
Aministie
En , l'Assemblée législative de transition, faisant office d'Assemblée nationale pendant la période suivant les coups d'État de 2022, adopte une « grâce amnistiante » pour les militaires ayant participé au coup d'État de 2015. Pour bénéficier de cette amnistie, les militaires doivent en faire la demande auprès du chef de l'État et vérifier deux critères : soutien à la « lutte antiterroriste » (contre les groupes djihadistes) et absence de danger pour les institutions, les biens et les personnes[35].
↑« Trois questions pour comprendre le coup d’État au Burkina Faso », Le Monde.fr, (ISSN1950-6244, lire en ligne, consulté le )
↑Brahima Ouedraogo, « Military detains Burkina Faso's president, prime minister weeks ahead of landmark vote », U.S. News & World Report, (lire en ligne, consulté le )
↑Nadoun Coulibaly et Daniel Flynn, « Burkina Faso presidential guard detains cabinet - military sources », Reuters, (lire en ligne, consulté le )
↑ a et b« Burkina Faso : le chef des putschistes et l’ex-ministre des affaires étrangères inculpés « d’attentat à la sûreté de l’Etat » », Le Monde.fr, (ISSN1950-6244, lire en ligne, consulté le )
(fr) « Burkina Faso : le président et le premier ministre retenus par des militaires », Le Monde, (lire en ligne)
(fr) Mathieu Dehlinger, Kocila Makdeche et Fabien Magnenou, « Burkina Faso : l'ex-chef d'état-major de l'ancien président Compaoré à la tête des putschistes », France TV, (lire en ligne)