Fils d’Edith et de Samson Assathiany, des aristocrates de l’Ouest géorgien, il effectue ses études secondaires au lycée de Koutaïssi, puis rejoint l’école supérieure d’agriculture de Kichinev (aujourd’hui Chișinău), en Bessarabie (aujourd’hui Moldavie).
L’Empire russe, la déportation au Turkestan
À partir de 1903, il milite au sein du Parti ouvrier social-démocrate géorgien, est chargé de la propagande auprès des employés des chemins de fer[4], est arrêté à plusieurs reprises, notamment après avoir détruit au revolver un portrait du tsar Nicolas II, ce qui lui vaut une déportation d’une année au Turkestan.
L’Empire russe, la prison et un 1er exil en Suisse
En 1905, il prend part à la révolution, est recherché. Pourchassé par les gendarmes russes, il se réfugie un temps au monastère de Ghélati grâce à la complicité d’un archimandrite[5], est à nouveau arrêté et emprisonné à Koutaïssi. Afin d’échapper à la déportation en Sibérie, un tunnel est creusé avec plusieurs détenus : il s’évade le , se cache à Tbilissi, gagne Batoumi et s’embarque clandestinement vers Constantinople, puis Marseille.
Il s’inscrit à l’université et obtient une licence de droit. Il y rencontre sa deuxième femme, avec laquelle il aura trois enfants.
La Russie de mai à octobre 1917
Le , il arrive à Petrograd après un long périple par l’Allemagne et la Russie en guerre, dans le train plombé de 25 wagons rapatriant Lénine[6], avec une différence : il souhaite la défaite de l’Empire allemand alors que Lénine souhaite une paix séparée afin de prendre le contrôle de la Russie. Il y trouve les Géorgiens Nicolas Tchkhéidzé et Irakli Tsereteli en responsabilité au sein du Soviet central et du gouvernement provisoire, et partage leurs idées[7].
La Géorgie et la diplomatie
Après le coup d’État bolchevik d’ à Petrograd, il regagne la Géorgie : il est nommé gouverneur de deux provinces géorgiennes par Evguéni Guéguétchkori, chef de l’exécutif transcaucasien.
Après le retour à l’indépendance de la Géorgie, en , il est nommé chef de la mission diplomatique géorgienne en Ukraine et en Roumanie, par Noé Ramichvili et Noé Jordania, les deux chefs successifs de l’exécutif géorgien.
En février, les armées de la Russie soviétique envahissent le territoire géorgien. En mars, la classe politique géorgienne, le Parlement et le gouvernement prennent le chemin de l’exil pour entreprendre la reconquête et s’installent à Paris ; la Légation géorgienne devient un point central du dispositif vis-à-vis des autorités françaises[8].
L’exil définitif en France
Le , la signature d’un pacte de non-agression entre l’URSS et la République française entraîne la fermeture de cette légation qui se transforme en Office des réfugiés, et dont les missions sont officiellement limitées aux missions consulaires pour 1200 « apatrides d’origine géorgienne ».
Bien que la structure soit dissoute durant l’occupation allemande, remplacée par une antenne du régime de Vichy et un Office des réfugiés caucasiens piloté par Berlin, il se rapproche clandestinement du responsable de cette dernière (Sacha Korkia, un Allemand d’origine géorgienne dont le fils a été un héros de la Luftwaffe) et de Joseph Eligoulachvili (figure de l’émigration juive géorgienne) : ils utilisent l’argument fallacieux d'attribution aux juifs géorgiens de l'ethnie géorgienne et d'une simple conversion de religion, aidés par la position d'universitaires et d'hommes politiques géorgiens (dont Michel Kedia) en cour à Berlin. Il parvient ainsi à faire dispenser les Juifs géorgiens du port de l’étoile et de la déportation, et étend cette disposition à 243 familles juives non-géorgiennes (originaires du Turkestan, d’Iran, des Balkans et d’Espagne), en « géorgianisant » leurs patronymes, sauvant ainsi près d’un millier de personnes[9].
En février 1943, il est arrêté sur dénonciation et enfermé au Fort de Romainville, dont il sera libéré un mois et demi plus tard grâce à l’intervention de Sacha Korkia. En avril, son épouse est arrêtée à son tour et libérée dans les mêmes conditions.
À partir de septembre 1944, il retrouve les missions antérieures à la Seconde Guerre mondiale, auxquelles s’ajoute la protection des anciens soldats géorgiens de l’Armée rouge faits prisonniers, passés par l’Allemagne et ayant abouti en France, qu’un accord avec Staline destinait à un retour en URSS et au mieux à une déportation en Sibérie. Il œuvre non seulement comme conseiller technique auprès des autorités françaises, mais aussi auprès des instances internationales comme l’Organisation internationale des réfugiés mise en place par les Nations unies.
De janvier à octobre 1952, conjointement avec d’autres directeurs d’Office de réfugiés, comme Vassili Maklakoff pour les Russes et Jiraïr Artinian pour les Arméniens, il alerte la classe politique française de l’urgence de la mise en place d'une structure nationale destinée à la protection des réfugiés[10].
Dès la création de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, Sossipatré Assathiany, à l’âge de 76 ans, se met à la disposition de la République française et devient l’un de ses premiers officier de protection de réfugiés : professionnel du droit administratif des étrangers et poseur de relais auprès des institutions françaises et internationales, il n’hésite pas à « élever la voix » lorsque les propos des demandeurs ne sont pas crédibles.
En 1958, lors de son départ à la retraite, il écrit au ministre de tutelle, M. Couve de Murville, ministre des Affaires étrangères, pour s’assurer d'un successeur à la tête de sa section : ce sera Alexandre Kintzourichvili, lieutenant-colonel de la Légion étrangère française, lui aussi d’origine géorgienne.
L’homme
Humaniste, social-démocrate, Sossipatré Assathiany a été un homme d’opposition face aux dictatures tsariste, soviétique et nazie. Jusqu'à son dernier souffle, il dénonce le régime soviétique : « Qui oserait parler ou écrire autrement que ce pensent les dirigeants ? Les réfractaires sont poursuivis et envoyés dans des maisons d'aliénés - il paraît que ce genre de maison est de plus en plus nombreux. Aussi les esprits sont enfermés jusqu'à la mort ou le mea culpa »[11].
Il a également été un homme de construction, conduisant la création et le renouveau d’offices de réfugiés durant trente années afin de sauver la nationalité géorgienne, avant de participer à l’invention de l’OFPRA : la plaquette annonçant le colloque consacré à cette invention, le , porte sa photographie[12].
↑Les lettres de Sossipatré Assathiany, Jiraïr Artinian et Vassili Maklakoff sont consultables aux Archives de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, en particulier dans le dossier privé de Sossipatré Assathiany.
↑Revue Le Droit du Peuple n°7: "Un grand écrivain mort en exil, Grigol Robakidzé" par Sossipatré Assathiany, Paris, mai 1963.
« Des Géorgiens pour la France. Itinéraires de résistance. 1939-1945 » de Françoise et Révaz Nicoladzé, Éditions L'Harmattan, Paris, , page 63.
« Les combats indépendantistes des Caucasiens entre URSS et puissances occidentales. Le cas de la Géorgie (1921-1945) » de Georges Mamoulia, Éditions L'Harmattan, Paris, , page 295.
« Réfugiés et apatrides », Ouvrage collectif, dont « De la nationalité géorgienne au statut d’apatride d’origine géorgienne, le combat de Sossipatré Assathiany (1921-1958) » de Mirian Méloua, Édition Presses Universitaires de Rennes, , page 91.