La seigneurie des Mille-Îles, concédée à Sidrac Dugué de Bois-Briant en 1683, avait été reconcédée à ses gendres, Jean Petit et Charles-Gaspard Piot de Langloiserie, en 1714[6]. En 1718, la seigneurie est divisée en deux[6]. La moitié Est, qui deviendra la seigneurie de Blainville et aura comme chef-lieu Sainte-Thérèse, est attribuée à la famille Piot de Langloiserie[2]. La moitié Ouest, qui gardera le nom de seigneurie des Mille-Îles, mais sera aussi appelée seigneurie de la Rivière-du-Chêne, et aura comme chef-lieu Saint-Eustache, est attribuée à Jean Petit[6]. Elle sera aussi surnommée seigneurie Dumont à partir de 1733, année où Charlotte-Louise Petit, fille et héritière de feu Jean Petit, épouse Eustache Lambert Dumont[6], celui qui obtiendra la seigneurie de l'Augmentation-des-Mille-Îles en 1752.
En 1789, le seigneur Eustache-Louis Lambert Dumont, fils des précédents, fait arpenter les premières terres dans la seigneurie de l'Augmentation-des-Mille-Îles en raison du manque de terres disponibles dans la seigneurie des Mille-Îles (ou de la Rivière-du-Chêne)[4]. Une centaine de terrains sont concédés dans la partie sud du fief entre 1790 et 1807[4]. Vers 1800, le seigneur fait construire un moulin à farine et un moulin à scie sur la rivière du Nord, dans ce qui allait devenir le centre-ville de Saint-Jérôme[7].
En 1807, à la mort d’Eustache-Louis Lambert Dumont, la seigneurie de l'Augmentation-des-Mille-Îles est partagée entre ses deux enfants encore vivants : Nicolas-Eustache obtient deux tiers du fief et en devient le seigneur primitif, et Louise-Angélique, épouse d'Antoine Lefebvre Bellefeuille, obtient le tiers restant[4]. En 1810, Nicolas-Eustache Lambert Dumont établit un pied-à-terre au bord de la rivière du Nord, quelques kilomètres en aval des moulins[8], près de l'actuelle rue de la Chapelle à Mirabel. Quelques colons s'installent à proximité, dont Casimir Thétard de Montigny, considéré comme le fondateur de Saint-Jérôme[8],[9],[10]. La première église de la seigneurie, la chapelle Saint-Jean-Chrysostome, est construite dans ce secteur en 1821[11] et donne son nom au hameau de La Chapelle[12]. Elle était desservie par les prêtres de Sainte-Anne-des-Plaines[11]. Un poste de traite des fourrures est implanté par Montigny en 1824[9],[10].
Vers 1830, la population commence à se concentrer non pas au hameau de La Chapelle, mais plus en amont de la rivière du Nord, près des moulins[10]. L'embryon de village, qui deviendra Saint-Jérôme, est alors appelé Dumontville, du nom de la famille seigneuriale[13]. En 1831, la seigneurie de l'Augmentation-des-Mille-Îles compte 2 020 habitants[4]. Trois ans plus tard, la paroisse de Saint-Jérôme-de-la-Rivière-du-Nord est érigée canoniquement[14]. La même année, une boulangerie-épicerie, qui sera éventuellement convertie en hôtel, est ouverte près des moulins[11]. En 1839, un second lieu de culte, l'église Saint-Jérôme, est inauguré pour remplacer la chapelle Saint-Jean-Chrysostome[11]. Par contre, cette nouvelle église est érigée près de la boulangerie-épicerie et des moulins à scie et à farine, dans ce qui est aujourd'hui le parc Labelle, tout près de l'actuelle cathédrale de Saint-Jérôme[15]. À partir de ce moment, le village de Saint-Jérôme se développe définitivement dans ce secteur.
En 1854, à l’abolition du régime seigneurial, la seigneurie de l'Augmentation-des-Mille-Îles appartient à Elmire Dumont Laviolette, Virginie Dumont Globensky[16], Joseph Lefebvre de Bellefeuille, Angélique Lefebvre de Bellefeuille Harwood, Eustache-Antoine de Bellefeuille et Charles Lefebvre de Bellefeuille[17], tous descendants du premier seigneur, Eustache Lambert Dumont.
Par contre, les ex-seigneurs, devenus des rentiers seigneuriaux, conservent certains droits lucratifs sur leurs anciennes terres. En effet, ils restent propriétaires et bénéficiaires des rentes seigneuriales, dont les terrains déjà concédés sont grevés[18]. Ces redevances doivent donc continuer de leur être payées annuellement par les propriétaires de terrain[18]. Cependant, un propriétaire peut maintenant libérer sa terre de cette obligation en rachetant la rente à son rentier seigneurial au prix de 17 fois le montant de cette dernière[18]. Néanmoins, peu d'entre eux se prévaudront de cette possibilité[18]. Les rentes seigneuriales sont finalement abolies par le gouvernement du Québec en 1940[18]. À cette date, les rentiers seigneuriaux de l'ancienne seigneurie de l'Augmentation-des-Mille-Îles étaient : Charles-Auguste Globensky[19], Richard Globensky[20], Raoul Globensky[21], Blanche Globensky Leprohon[22],[23], Dumontine Globensky Macdonald[24], la succession de Lambert Globensky[25], Corinne Wilson Holmes[26], la succession de Wilfrid Prévost[27], la succession d'Édouard Lefebvre de Bellefeuille[28], Ernest de Bellefeuille[29], Antoinette de Bellefeuille[29], Almandine de Bellefeuille[29], Marguerite Laurier Dufour[29], les prêtres de la Congrégation du Très-Saint-Sacrement[30], François Marchand[31], Rolande Marchand[32], André Léonard[33] et Joseph Bertrand[34].
Toponymie
À Saint-Jérôme, ancien chef-lieu de la seigneurie de l'Augmentation-des-Mille-Îles, plusieurs toponymes témoignent du passé seigneurial de la ville. Le nom du secteur Bellefeuille rappelle la famille Lefebvre de Bellefeuille, copropriétaire du fief[5]. On retrouve aussi des noms de rues : le boulevard des Seigneurs-Dumont[35], la rue Dumont[36], la place Nicolas[37], la montée Saint-Nicolas[38], la rue De Bellefeuille[39], la rue Globensky[40], la rue Laviolette[41], la rue de la Seigneurie[42], etc.
Ailleurs dans les Laurentides, sur l'ancien territoire de la seigneurie, on retrouve une ferme de Sainte-Anne-des-Lacs qui reprend le nom de Seigneurie de Bellefeuille[43] ainsi que le lac des Seigneurs[44]. Il y a aussi la municipalité de Mille-Isles[45], la côte Saint-Nicholas à Saint-Colomban[46], la rue de la Seigneurie à Prévost[47], le chemin Saint-Lambert[1], la montée Sainte-Elmire[1] et l'avenue des Seigneurs à Saint-Sauveur[48], le mont Gabriel à Sainte-Adèle, nommé en l'honneur de l'agent seigneurial Gabriel Roy[1], etc.
↑ abcd et eBenoît Grenier, Michel Morissette, Alain Laberge et Alex Tremblay Lamarche, Nouveaux regards en histoire seigneuriale au Québec, Québec, Québec, Canada, Éditions du Septentrion, , 483 p. (ISBN978-2-89448-849-2), L'argent et la propriété seigneuriale de 1854 à 1940 : qui sont les gagnants du processus d'abolition?, p. 314-333