La Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec[1] définit le racisme systémique comme suit :
« Une production sociale d’une inégalité fondée sur la race dans les décisions dont les gens font l’objet et les traitements qui leur sont dispensés. L’inégalité raciale est le résultat de l’organisation de la vie économique, culturelle et politique d’une société. Elle est le résultat de la combinaison de ce qui suit : la construction sociale des races comme réelles, différentes et inégales (racialisation); les normes, les processus et la prestation des services utilisés par un système social (structure); les actions et les décisions des gens qui travaillent pour les systèmes sociaux (personnel). »
Cette forme de racisme est souvent inconsciente puisque la culture dans laquelle elle évolue normalise les comportements ayant pour « effets de perpétuer les inégalités vécues par les personnes racisées notamment en matière d’éducation, de revenus, d’emploi, d’accès au logement et aux services publics. »[2]
En 2020 le dictionnaire américain Merriam-Webster ajoute cette définition, à l'entrée « Racisme » : « Oppression systémique d’un groupe racial au bénéfice d’un autre, sur les plans sociaux, économiques et politiques »[3].
Racisme institutionnel
Selon Stokely Carmichael et Charles V. Hamilton, « le racisme institutionnel est un racisme voilé qui plonge ses racines dans le colonialisme et l’esclavagisme tout en étant indissociable de l’historicité de classe de la société américaine »[4]
Selon ces auteurs et dans la culture anglophone, l'expression « racisme institutionnel » est souvent utilisée comme synonyme de « racisme systémique ».
Historique
Frederick Douglass, en 1881, pensait déjà le racisme comme étant systémique[5]. Selon lui, les Américains noirs ont cessé d’être les esclaves d’individus pour devenir ceux de la société[6]. Le sociologue W. E. B. Du Bois travaillait sur l'imprégnation des institutions américaines par le racisme[6].
Une étude récente s'est intéressée à l'historique du racisme systémique dans le milieu scolaire québécois au 19e siècle. Entre autres, les enfants y apprennent que l’identité collective qui est formée de l’altérité interne, le « nous » et l’altérité externe ou en d’autres termes, le barbare, le sauvage, l’esclave ou le racisé[7]. Ces générations d'élèves ont été exposées à ce type d'exposé raciste pourraient se transmettre, ce qui serait une des fondations du racisme systémique. À titre d'exemple, ces stéréotypes peuvent se transformer en racisme lorsque ses présomptions contribue au profilage racial[8].
Critique du concept
Aux États-Unis, la critique du racisme systémique est le fait d'une droite républicaine et conservatrice. Une partie de l'opinion publique américaine, blanche et conservatrice est déstabilisée par la diversité culturelle et rejette la notion de racisme systémique[9].
En France, pour Pierre-André Taguieff, les notions de « racisme institutionnel », « racisme structurel » et « racisme systémique » dérivent de la définition antiraciste du racisme fabriquée par des militants afro-américains révolutionnaires à la fin des années 1960. Selon lui, ces termes ne seraient pas l'expression d’une conceptualisation du racisme, mais « une arme symbolique qui consiste à réduire le racisme au racisme blanc censé être inhérent à la « société blanche » ou à la « domination blanche », celle-ci étant la seule forme de domination raciale reconnue et dénoncée par les néo-antiracistes. ». Selon Taguieff, ce « nouvel antiracisme » recourt à des catégories raciales pour se définir, ce qui crée un antiracisme racialiste, voire raciste. L'Occident, qui est ainsi « essentialisé et démonisé en tant que raciste », devient « l’objet principal d’une haine sans limites »[10].
Olivier Galland, sociologue et directeur de recherche au CNRS, s'interroge sur la possibilité d'un examen scientifique du racisme systémique dans le cas d'une étude de l'histoire du colonialisme et au travers les différentes acceptions qu'il peut prendre : "y a-t-il une tradition raciste dans l’Etat Français, son histoire, ses institutions, ses procédures ?" Il s'interroge tout particulièrement des possibilités de déterminer sa réfutabilité, au sens de l'épistémologie de Karl Popper, dans un cas historique et sociologique comme celui-ci[11].
Pour le chercheur Daniel Sabbagh, directeur de recherche au Centre de recherches internationales, la notion de racisme systémique empêcherait de distinguer les différents mécanismes propres au racisme et risquerait d'affaiblir les anti-racistes et de banaliser l'accusation de racisme[12].
Enfin, selon l'essayiste et chroniqueur Canadien Mathieu Bock-Côté, le racisme systémique serait un concept flou ayant peu de valeur scientifique. Mais il parle aussi d'une "théorie du racisme systémique" et explique que celle-ci pourrait permettre d'accuser une loi de participer au racisme, si celle-ci touche particulièrement une minorité. Que cette "théorie" pourrait faire oublier la légitimité de la loi[13]. Autrement dit, « si vous n’admettez pas la présence du racisme systémique, vous êtes vous-mêmes raciste. »[14][pas clair]
En France, un rapport non publié de juillet 2021 du Délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT indique « qu’on ne peut affirmer que l’institution policière française est délibérément fondée dans son organisation, sa structure hiérarchique, ses recrutements, sa déontologie, ses règlements intérieurs et son idéologie dominante, sur un “racisme systémique” »[N 1] et formule douze recommandations pour lutter contre les cas avérés de racisme individuel dans l'institution[15],[16].
Reconnaissance
Le , dans un discours devant la Chambre des communes, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, considère que « Ce qui s’est passé, c’est la pire forme de racisme quand quelqu’un avait le plus besoin d’aide. C’est un exemple, un autre exemple de racisme systémique qui est tout simplement inacceptable au Canada »[17].
Le 17 décembre 2023, lors d'un débat télévisé, la députée de gauche française Mathilde Panot utilise le concept de racisme systémique pour contester l'idée que des personnes subiraient un racisme antiblanc en France[18].
Notes et références
Notes
↑Le rapport indique : « Qu’il y ait des policiers racistes au sein de la
police française et que cela se traduise par des comportements, au cours de l’activité professionnelle, pénalement condamnables, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Au sein même de l’institution policière, nombreux sont celles et ceux qui le reconnaissent et tentent de rétablir un comportement républicain en matière d’intervention et de maintien de l’ordre ».
↑Valentina Gaddi, « Catherine Larochelle, L’école du racisme. La construction de l’altérité à l’école québécoise (1830–1915) », Historical Studies in Education / Revue d'histoire de l'éducation, (ISSN1911-9674 et 0843-5057, DOI10.32316/hse-rhe.v34i2.5127, lire en ligne, consulté le )
(en) Michele K. Evans, Lisa Rosenbaum, Debra Malina et Stephen Morrissey, « Diagnosing and Treating Systemic Racism », New England Journal of Medicine, vol. 383, no 3, , p. 274–276 (ISSN0028-4793 et 1533-4406, DOI10.1056/NEJMe2021693, lire en ligne)
(en) B. Keith Payne et Jason W. Hannay, « Implicit bias reflects systemic racism », Trends in Cognitive Sciences, vol. 25, no 11, , p. 927–936 (DOI10.1016/j.tics.2021.08.001, lire en ligne)