En héraldique, la répartition des couleurs en trois groupes (métaux, émaux, fourrures) n'est pas formelle, mais correspond bien au souci « technique » de lisibilité, exprimé par la règle de contrariété des couleurs, qui s'exprime ainsi[1] :
« jamais métal sur métal, ni émail sur émail. »
Des spéculations concernant une règle sur l'usage des couleurs héraldiques sont apparues pour la première fois dans le traité d'Argentaye, un traité héraldique daté de 1410. Le Liber Armorum, daté vers 1440, et le Blason des Couleurs, daté vers 1440–1450, mentionnent également la règle de contrariété des couleurs. Cette règle était purement conjecturale de la part des hérauts. Des textes antérieurs, comme le traité De Heraudie de 1340, par exemple, ne font aucune mention de cette règle – même en discutant des armoiries qui enfreignent la règle supposée. D'autres auteurs du XIVe siècle, tels que Bartolo et Johannes de Baudo Aureo, ne mentionnent pas non plus cette règle[2]. Une hypothèse moderne soutient qu'il était simplement peu pratique de peindre couleur sur couleur et de sertir métal sur métal avec les outils disponibles pour les artisans du début du Moyen Âge. La théorie suggère que la manière la plus simple était de peindre une seule couleur sur un bouclier en métal. Cette limitation pratique de l'époque médiévale aurait été mal interprétée trois siècles plus tard comme étant la soi-disant règle de contrariété des couleurs.
Quoi qu'il en soit, à la fin du XVIIe siècle, la règle de contrariété des couleurs s'était imposée dans de nombreux pays, s'avérant particulièrement populaire en Grande-Bretagne et en France[2]. À l'époque victorienne, cette règle était considérée comme une loi héraldique de facto en Angleterre, mais son application stricte se révéla peu pratique à mesure que les armoiries devenaient plus complexes. Les hérauts victoriens créèrent alors plusieurs exemptions techniques, qui existent encore aujourd'hui comme « exemptions légitimes » à cette règle.
De nos jours, la règle de contrariété des couleurs a été adoptée par pratiquement toutes les autorités et sociétés héraldiques.
Si on considère la caractéristique des métaux d'être des teintes claires, pâles et celle des émaux d'être des teintes franches, profondes et intenses, la loi pourrait s'énoncer ainsi : « jamais pâle sur pâle, ni intense sur intense », ce qui à l'évidence définit l'obligation de contraste permettant une bonne lisibilité.
Certains auteurs ont voulu étendre la règle aux partitions, mais pour certaines, c'est impossible à respecter, et la réalité des armoiries montre que cette extension ne peut constituer qu'une tendance. Cette tendance est forte en ce qui concerne les rebattements. L'expression cousu n'a de sens que si la règle ne s'étend pas aux partitions.
Les armoiries fautives par rapport à cette règle sont dites armes à enquerre.
Pour simplifier, les exemples ci-dessous ne comportent pas de fourrures, qui échappent à la règle.
Le monogramme AUGNE de gueules broche sur le parti de gueules et de sinople, c'est email sur deux émaux, donc fautif.
Les croisettes et les bars sont de la même couleur.
Le tissu qui entoure la tête du Maure, le tortil, est de la même couleur que le fond de l'écu.
Ces transgressions sont souvent expliquées par l'histoire personnelle du possesseur, qui prétendait par là affirmer sa puissance.
Les armoiries du royaume de Jérusalem (métal sur métal) en sont l'exemple le plus célèbre. Elles furent récupérées par Godefroy de Bouillon, avoué du Saint-Sépulcre, après la Croisade : d'argent à la croix potencée d'or cantonnée de quatre croisettes du même.
Cette transgression est expliquée diversement selon les auteurs. Pour sa part, E. Simon de Boncourt, dans sa Grammaire du blason (1885) donne : « L'an 1099, après la prise de Jérusalem par les Croisés, il s'agit de blasonner Godefroy de Bouillon avec le nouveau royaume. Les barons assemblés lui donnèrent “un champ d'argent à la croix d'or accompagnée de quatre croisillons du même”. C'était violer la règle que nous venons de citer : mais ils le firent sciemment, prétendant que l'or et l'argent étaient les seuls dignes de représenter l'instrument de la Rédemption du monde et que la Ville sainte méritait bien la faveur de cette exception aux règles ordinaires ».
En dépit des apparences, certaines armoiries ne sont pas fautives.
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