Moyenne quasi-arithmétique

En mathématiques et en statistiques, les moyennes quasi-arithmétiques, ou moyennes de Kolmogorov ou encore moyennes selon une fonction f [1] constituent une généralisation de la moyenne (de Hölder) d'ordre p (qui est elle-même une généralisation des moyennes usuelles : arithmétique, géométriqueetc.). Elles sont paramétrées par une fonction f.

Définition

Soit une fonction d'un intervalle dans les nombres réels, continue et injective.

La moyenne selon la fonction f (ou f - moyenne) des nombres est définie par , que l'on peut aussi écrire

Il est nécessaire que soit injective pour que son inverse soit définie. Comme est continue et est un intervalle, appartient bien à l'ensemble de définition de , car ce dernier est un intervalle.

Comme est injective et continue, elle est strictement monotone, d'où il découle que la moyenne selon f est toujours comprise entre le minimum et le maximum des nombres en argument :

Exemples

Dans les exemples suivants, , ou .

  • Pour , la moyenne selon f correspond à la moyenne arithmétique quels que soient et (voir la propriété d'invariance d'échelle infra).
  • Pour , la moyenne selon f correspond à la moyenne géométrique quelle que soit la base du logarithme dès lors que celle-ci est positive et différente de 1.
  • Pour , la moyenne selon f correspond à la moyenne harmonique.
  • Pour , la moyenne selon f correspond à la moyenne d'ordre .
  • Pour , la -moyenne est une version décalée d'une constante de la fonction LogSumExp (en) : . Le correspond à la division par .
  • Par contre, la moyenne logarithmique n'est pas une moyenne quasi-arithmétique [2].

Propriétés

Les propriétés suivantes sont exactes pour toute fonction satisfaisant à la définition ci-dessus :

Symétrie : La valeur de est invariante par permutation de ses arguments.

Point fixe : .

Croissance : est croissante en chacune de ses variables (puisque et sont monotones de même sens).

Continuité : est continue en chacune de ses variables (puisque est continue).

Substitution : n'importe quel ensemble formé par de ses arguments peut être remplacé par sa -moyenne répétée fois, sans changer le résultat de la -moyenne globale. Si l'on note on a ainsi:

Partitionnement (ou associativité) : Le calcul de la moyenne selon f peut être séparé en plusieurs calculs de sous-ensembles de même taille :

Auto-distributivité : Pour toute moyenne de Kolmogorov de deux arguments, on a :

.

Médialité : Pour toute moyenne de Kolmogorov de deux arguments, on a :

.

Équilibrage : Pour toute moyenne de Kolmogorov de deux arguments, on a :

.

Invariance d'échelle : La moyenne de Kolmogorov est invariante par translation et homothétie de la fonction :

.

Caractérisation

Il existe plusieurs ensembles de propriétés qui caractérisent la moyenne de Kolmogorov (c'est-à-dire que pour toute fonction satisfaisant ces propriétés, il existe une fonction telle que ).

  • La médialité est essentiellement suffisante pour caractériser une moyenne de Kolmogorov[3]:chapitre 17.
  • L'auto-distributivité est essentiellement suffisante pour caractériser une moyenne de Kolmogorov[3]:chapitre 17.
  • Kolmogorov a démontré que les cinq propriétés de symétrie, point fixe, croissance, continuité et substitution caractérisent entièrement une moyenne de Kolmogorov [4].
  • Équilibrage: Une question intéressante consiste à savoir si cette propriété peut remplacer celle de substitution parmi les propriétés précédentes, c'est-à-dire si les cinq propriétés de symétrie, point fixe, croissance, continuité et équilibrage suffisent à caractériser une moyenne de Kolmogorov. Georg Aumann (en) a démontré dans les années 1930 que la réponse, en général, est non [5], mais qu'il suffit d'ajouter l'hypothèse que soit analytique pour que ce soit le cas[6].

Homogénéité

Les moyennes sont habituellement homogènes, mais pour presque toutes les fonctions , la moyenne selon f ne l'est pas. En fait, les seules moyennes de Kolmogorov homogènes sont les moyennes d'ordre p (Hardy–Littlewood–Pólya).

La propriété d'homogénéité peut cependant être obtenue en normalisant les arguments par une moyenne (homogène) .

Cependant, cette modification peut violer les propriétés de croissance et de partitionnement.

Espérance selon une fonction

De façon analogue à la moyenne selon une fonction , on définit l'espérance selon (ou espérance de Kolmogorov) d'une variable aléatoire à valeurs dans par[7]:

.

La moyenne selon et l'espérance selon vérifient un théorème central limite : si existe et si est dérivable en ce point, alors pour toute suite de variables aléatoires indépendantes et de même loi que , la suite de variables aléatoires converge en loi vers une loi normale[7].

Références

  1. Xavier Gourdon, Les maths en tête, Analyse, Ellipses, , p. 111
  2. J.B. Hiriart-Urruty, « Il y a encore du TAF », Losanges,‎ , p. 41 (lire en ligne Accès limité)
  3. a et b (en) Aczél, J.; Dhombres, J. G., Functional equations in several variables. With applications to mathematics, information theory and to the natural and social sciences. Encyclopedia of Mathematics and its Applications, 31., Cambridge, Cambridge Univ. Press,
  4. (en) Anton Grudkin, « Characterization of the quasi-arithmetic mean », sur Math stackexchange,
  5. (de) Georg Aumann, « Vollkommene Funktionalmittel und gewisse Kegelschnitteigenschaften », Journal für die reine und angewandte Mathematik, vol. 1937, no 176,‎ , p. 49–55 (DOI 10.1515/crll.1937.176.49)
  6. (de) Georg Aumann, « Grundlegung der Theorie der analytischen Analytische Mittelwerte », Sitzungsberichte der Bayerischen Akademie der Wissenschaften,‎ , p. 45–81
  7. a et b (en) Miguel de Carvalho, « Mean, what do you Mean? », The American Statistician, vol. 70, no 3,‎ , p. 764‒776 (DOI 10.1080/00031305.2016.1148632, lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Andreï Kolmogorov, Selected Works I : Mathematics and Mechanics, Springer, (ISBN 978-94-010-5347-1), « On the Notion of Mean »
  • Andreï Kolmogorov, « Sur la notion de la moyenne », Atti Reale Accademia Nazionale dei Lincei, vol. 12,‎ , p. 388–391
  • (en) John Bibby, « Axiomatisations of the average and a further generalisation of monotonic sequences », Glasgow Mathematical Journal, vol. 15,‎ , p. 63–65
  • (en) G.H. Hardy, J.E. Littlewood et G. Pólya, Inequalities, Cambridge, Cambridge Univ. Press, .

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