Milan noir

Milvus migrans

Le Milan noir (Milvus migrans) est une espèce très répandue de rapaces appartenant à la famille des Accipitridae.

Description

D’une taille moyenne (55-72 cm de long pour une envergure jusqu’à 180 cm), il est globalement brun chocolat. Il faut ajouter à cela de nombreuses nuances, notamment pour la tête, généralement clairsemée de zones plus claires[1]. Le bec, crochu, est jaune, ou jaune terminé de sombre. Les pattes (dont les serres) sont jaunes avec des ongles grands sombres. Les juvéniles sont plus clairs et présentent plus de zones claires au sein de la robe brune[2]. En vol, le milan noir a les ailes coudées. La queue est alors peu échancrée, mais bien triangulaire, formant un V. Ce vol est souvent circulaire, en hauteur, afin de repérer la zone, notamment pour s’alimenter. C’est un oiseau carnivore. Pour autant, il se satisfait généralement de déchets ou de dépouilles d’animaux morts. On dit qu’il est nécrophage détritivore. Comme il profite souvent de la présence humaine, c’est aussi un synanthrope.

Le Milan noir est reconnaissable à son allure lorsqu'il vole car sa queue a la forme d'un « V », caractéristique cependant partagée avec le Milan royal (M. milvus), à la queue plus échancrée[3].

Milan noir volant

Comportement

L'espèce peut être observée dans de nombreux types d'habitat. Néanmoins, sa préférence va aux vallées de montagnes et aux terrains bas. Le site choisi doit tenir compte de deux impératifs : premièrement, la présence de grands arbres ou d'escarpements rocheux favorables à la nidification ; deuxièmement la proximité de cours d'eau, de lacs ou d'étangs qui sont nécessaires à son approvisionnement et à son alimentation. Le Milan noir peut également stationner en bordure des villes.

Son comportement est opportuniste, il se fait souvent aider par les agriculteurs lors des périodes de fenaison, où il se regroupe en bande de quelques dizaines pour débusquer les rongeurs fuyards.

En Australie, il a été observé que les milans noirs favorisent l'extension des feux de brousse en emportant des brindilles enflammées dans des zones encore intactes[4],[5].

Habitat

Il niche dans des zones boisées ou caillouteuses, de préférence au bord de lacs et de grands fleuves, en principe de 500 m d'altitude et plus rarement jusqu'à 1 150 m.

Répartition

Zone de répartition de Milvus migrans et Milvus aegyptius.
  • habitat permanent
  • nidification
  • hivernage

Le Milan noir est une espèce à l'aire de répartition extrêmement vaste qui comprend les zones tempérées et tropicales de l'Europe, de l'Asie, de l'Afrique tropicale et une partie de l'Australasie.

Les populations des zones tempérées ont tendance à être migratrices tandis que les populations des zones tropicales sont sédentaires.

Les Milans d'Europe et d'Asie centrale (sous-espèces M. m. migrans et M. m. lineatus) migrent vers les tropiques en hiver, mais ceux vivant dans des régions plus chaudes comme M. m. govinda (Inde) ou le M. m. affinis (Australasie) sont sédentaires.

Curieusement cette espèce est absente de la majorité des îles de l'archipel indonésien.

Il existe de nombreux milans noirs dans la région de Dakar, même en pleine ville. Ils ne semblent pas migrer, la population paraissant stable toute l'année.

Une observation a été rapportée en Guadeloupe en 2015[6][source insuffisante].

Protection

Le Milan noir bénéficie d'une protection totale sur le territoire français depuis l'arrêté ministériel du relatif aux oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire. Il est inscrit à l'annexe I de la directive Oiseaux de l'Union européenne[7]. Il est donc interdit de le tuer, le mutiler, le capturer ou l'enlever, de le perturber intentionnellement ou de le naturaliser, ainsi que de détruire ou enlever les œufs et les nids et de détruire, altérer ou dégrader leur milieu. Qu'il soit vivant ou mort, il est aussi interdit de le transporter, colporter, de l'utiliser, de le détenir, de le vendre ou de l'acheter.

Nidification

Le Milan noir arrive à vivre 20 ans[8] (max 23 ans). Il peut se reproduire à partir de deux ou trois ans[8].

La nidification du Milan noir commence en mars. Il ne construit pas de nid, mais choisit en général un ancien nid de corvidé qu'il répare en cas de besoin, ajoutant souvent des morceaux de plastique d'emballage. Fin avril ou début mai, deux ou trois œufs sont pondus et couvés, le plus souvent par la femelle[8]. L'incubation dure 32 à 33 jours en moyenne[8]. Pendant ce temps, le mâle chasse et ramène des proies, mais c'est la femelle qui distribue la nourriture aux oisillons.

À six ou sept semaines les jeunes milans s’envolent[8]. Ils restent dépendant de leurs parents pendant encore 15 à 30 jours supplémentaires[8]. Ils nichent en petites colonies et leur territoires sont espacés les uns des autres. Quand les jeunes milans volent avec les adultes au début du mois de juillet, on peut voir des rassemblements d’une centaine voire plus de milans noirs.

Nourriture

Un milan noir vient d'attraper un poisson au dessus du lac Taudaha (en) au Népal, en février 2023

Le Milan noir n'est pas un très bon chasseur, mais il est pourtant capable de faire des acrobaties aériennes spectaculaires pour trouver sa nourriture. On le voit souvent planer très lentement à faible hauteur, pratiquement immobile, à la recherche d'une proie facile (lapereau, jeune oiseau) ou d'une charogne. Quand un poisson mort dérive sur une rivière, un fleuve ou un lac et que le milan le repère en volant, il descend sur lui en effectuant une série de glissades, de piqués et de dérapages spectaculaires. Rasant l’eau, il attrape le cadavre d’une patte et va manger son repas sur un perchoir. Charognard, il repère rapidement les cadavres des rongeurs ou des oiseaux. Il chasse également les insectes en vol.

Ethologie

Oiseaux du feu

Oiseaux de proie attirés par un incendie contrôlé dans le Parc national des grottes de l'Etna (Mount Etna Caves National Park, dans le centre du Queensland). Ce oiseaux sont venus chasser dans et autour du feu ; ce sont des milans noirs (Milvus migrans) mais aussi des milans siffleurs (Haliastur sphenurus)

Dans les savanes du nord de l'Australie où, depuis très longtemps, les autochtones ont utilisé le feu pour favoriser certaines plantes alimentaires et des proies telles que l'Émeu ou le Kangourou ou encore pour conserver certains paysages autour de lieux sacrés. Les colons ont ensuite également utilisé le feu pour créer et entretenir des pâturages et gérer le risque d'incendie par le feu. Une expression australienne est « l'agriculture au bâton de feu »[9].

Depuis plusieurs décennies, des ornithologues ont observé, en Afrique de l'Ouest[10],[11], en Afrique de l'Est[12], en Papouasie-Nouvelle-Guinée[13], en Floride et au Texas, aux États-Unis (caracaras des genres Caracara, Ibycter, et Polyborus)[14],[12], au Panama[12] et au Brésil[15] que les incendies peuvent attirer des oiseaux de proies et charognards, par centaines parfois ; ils repèrent et capturent là plus facilement des vertébrés et/ou invertébrés fuyant les flammes et la fumée, ainsi que des restes d'animaux tués par le feu ou l'asphyxie[16],[11]. On a longtemps estimé que ce comportement n'était qu'opportuniste, mais ce n'est pas toujours le cas.
Dans les savanes australiennes, trois espèces d'oieaux : le milan noir [Milvus migrans], le milan siffleur [Haliastur sphenurus] et le faucon bérigora (Falco berigora) étaient génériquement dénommées "faucon de feu" ou "mangeurs de feu" par les aborigènes de cette région[17].

Des ornithologues ont récemment confirmé avoir observé des tentatives, « en solo, et en coopération, souvent réussies, de propagation intentionnelle d'incendies de forêt via le transport ponctuel ou répété de bâtons enflammés dans leurs serres ou leur bec. Ce comportement, souvent représenté lors de cérémonies sacrées, est largement connu des populations locales du Territoire du Nord, où nous avons mené des recherches ethno-ornithologiques de 2011 à 2017 ; il nous a également été signalé d'Australie-Occidentale et du Queensland »[17].

Après une phase de scepticisme officiel quant à la réalité du phénomène de propagation aviaire de feux, cette recherche collaborative doit aider à mieux comprendre comment « la propagation aviaire du feu, à la fois en Australie et, potentiellement, ailleurs, peut contribuer aux théories sur l'évolution des savanes tropicales et les origines du feu humain »[17].

Taxonomie

Milan noir Milvus migrans affinis en vol au dessus de l'Adelaide River, fleuve en Australie. Novembre 2023.

D'après la classification de référence (version 14.1, 2024)[18] de l'Union internationale des ornithologues, le Milan noir possède 4 sous-espèces (ordre philogénique) :

Deux anciennes sous-espèces sont désormais considérées comme faisant partie d'une espèce à part, le Milan d'Afrique (Milvus aegyptius)[19] :

  • M. a. aegyptius (anciennement M. m. aegyptius), présente en Afrique du Nord-est, sédentaire ;
  • M. a. parasiticus (anciennement M. m. parasiticus), présente en Afrique tropicale, sédentaire.

Il a été aussi suggéré de considérer la sous-espèce M. m. lineatus comme une espèce à part entière, mais les éléments semblent manquer[20].

Le Milan noir dans la culture

L'écrivain Anton Tchekhov décrit, dans sa nouvelle La Steppe, le vol d'un milan au-dessus de la plaine russe[21] :

« Un milan rasa le sol de son vol coulé et soudain s'immobilisa dans l'espace comme s'il eût médité sur l'ennui de vivre, puis il battit des ailes et fila comme un trait au-dessus de la plaine sans que l'on comprenne pourquoi et dans quel dessein. »

Notes et références

  1. Nik Borrow, Ron Demey et Benoît Paepegaey, Oiseaux de l'Afrique de l'Ouest (ISBN 978-2-603-02396-9 et 2-603-02396-9, OCLC 944442325, lire en ligne)
  2. « Milan noir Milvus migrans - Black Kite », sur oiseaux.net (consulté le ).
  3. Michel Cuisin, Les rapaces d'Europe : diurnes et nocturnes, Delachaux et Niestlé, impr. 2013, cop. 2013 (ISBN 978-2-603-01958-0 et 2-603-01958-9, OCLC 864891856, lire en ligne)
  4. (en) Mark Bonta, Robert Gosford, Dick Eussen, Nathan Ferguson, Erana Loveless et Maxwell Witwer, « Intentional Fire-Spreading by “Firehawk” Raptors in Northern Australia », Journal of Ethnobiology (en),‎ (DOI 10.2993/0278-0771-37.4.700, lire en ligne), accès libre.
  5. « Le milan noir, oiseau pyromane », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  6. « Une observation rarissime : un milan noir (milvus migrans) en Guadeloupe »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur Association pour la Sauvegarde et la réhabilitation de la Faune des Antilles, .
  7. Le statut juridique des oiseaux sauvages en France, Ligue pour la protection des oiseaux
  8. a b c d e et f « Milan noir », Observatoire des rapaces, Ligue de Protection des Oiseaux.
  9. Jones R (1980) Cleaning the country: the Gidjingali and their Arnhemland environment. BHP Journal, 1(10).
  10. Dop, H., and P. Robinson, eds. 2012. Travel Sketches from Liberia: Johann Büttikofer's 19th Century Rainforest Explorations in West Africa. Brill, Leiden
  11. a et b Thiollay, J.-M. 1971. Exploitation des Feux de Brausse par les Oiseaux en Afrique Occidentale. Alauda 39:54–72.
  12. a b et c C.V.H Gimingham et R. Komarek, « Proceedings of the (California) Tall Timbers Fire Ecology Conference, No. 7. », The Journal of Applied Ecology, vol. 6, no 3,‎ , p. 518 (ISSN 0021-8901, DOI 10.2307/2401523, lire en ligne, consulté le )
  13. Majnep I.S and Bulmer R (1977). Birds of My Kalam Country. Oxford University Press, Auckland, NZ.
  14. John Warren Williams, « Bonnicksen, T. M. 2000. America's Ancient Forests: From the Ice Age to the Age of Discovery. Wiley, New York. », Conservation Ecology, vol. 4, no 2,‎ (ISSN 1195-5449, DOI 10.5751/es-00201-040202, lire en ligne, consulté le )
  15. Oliveira P.S and Marquis R.J (2002), The Cerrados of Brazil: Ecology and Natural History of a Neotropical Savanna, Columbia University Press, (ISBN 978-0-231-52939-6, DOI 10.7312/oliv12042, lire en ligne)
  16. Sick H (1968). Vogelwanderungen im kontinentalen Südamerika. Vogelwarte, 24, 217-243.
  17. a b et c Mark Bonta et Robert Gosford, « Intentional Fire-Spreading by “Firehawk” Raptors in Northern Australia », sur Journal of Ethnobiology, (ISSN 0278-0771, DOI 10.2993/0278-0771-37.4.700, consulté le ), p. 700.
  18. « Hoatzin, New World vultures, Secretarybird, raptors – IOC World Bird List », sur www.worldbirdnames.org (consulté le )
  19. J.A. Johnson, R.T. Watson et D.P. Mindell, « Prioritizing species conservation: does the Cape Verde Kite exist? », Proc. R. Soc. B, vol. 272 (2005), p. 1365-1371.
  20. Arnd Schreiber, Michael Stubbe & Annegret Stubbe, « Red kite (Milvus milvus) and black kite (M. migrans): minute genetic interspecies distance of two raptors breeding in a mixed community (Falconiformes: Accipitridae », Biological Journal of the Linnean Society, vol. 69, no 3 (2000), p. 351-365.
  21. Anton Tchékhov, La Steppe, Éditions Gallimard, Paris 1970 et 1971, (ISBN 978-2-07-042576-1), p. 26.

Voir aussi

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Références taxonomiques

Liens externes

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