Pour la matière nucléaire en technologie des centrales et réacteurs, voir Matière nucléaire.
La matière nucléaire est un système idéalisé, de dimension infinie, de nucléons en interaction (protons et neutrons), maintenus ensemble par les seules forces nucléaires[1], sans faire intervenir la répulsion électrostatique entre les protons (force de Coulomb). Le volume infini implique qu'il n'y a pas d'effets de surface et que les propriétés de la matière sont invariantes par translation (identiques en tous points).
La détermination des propriétés de la matière nucléaire à partir de l'interaction nucléaire forte, ou plus exactement de l'interaction nucléon-nucléon[2] qui en résulte, est au centre des recherches théoriques de ce domaine. C'est une étape pour dériver les propriétés des noyaux réels et finis à partir d'une force réaliste entre les nucléons et pour étudier des objets cosmologiques comme les étoiles à neutrons (voir Chapitre VIII de la référence[2] - Astrophysique nucléaire).
"Malgré son idéalisation, la compréhension des propriétés de la matière nucléaire est une condition préalable à toute théorie cohérente des noyaux, car un morceau fini de matière nucléaire constitue le noyau des noyaux lourds. L'étude de la matière nucléaire complète ainsi les approches portant sur les propriétés spécifiques des noyaux individuels. À son tour, la matière nucléaire ne fournit qu'une description grossière (synthétique) des noyaux, car elle néglige les principaux effets de taille finie"[3].
Les deux caractéristiques principales de la matière nucléaire proche de son état fondamental, sont sa densité et le rapport du nombre des protons au nombre des neutrons.
En analogie avec les systèmes thermodynamiques, on peut définir une équation d'état de la matière qui relie son énergie (ou la température) à la densité et/ou à la pression E ( ρ , p ) {\displaystyle E(\rho ,p)} . L'énergie est mesurée en MeV par nucléon, (traditionnellement notée MeV/A ou MeV/u).
En analogie avec la thermodynamique des gaz réels, la matière nucléaire pourra exister sous différentes phases (voir infra). Mais à des énergies et/ou des pressions très élevées, on s'attend, sur la base de la liberté asymptotique de la chromodynamique quantique, à ce qu'elle devienne de la matière de quarks, qui est un gaz de Fermi dégénéré de quarks[4].
L'idéal théorique serait de pouvoir déduire l'équation d'état nucléaire de l'interaction nucléaire forte entre ses composants. Cet idéal est inatteignable, car
Pour étudier l'équation d'état nucléaire, de nombreuses forces effectives ont été utilisées (pour une revue voir la référence[8]). Parmi les plus populaires, les interactions effective, dites de Skyrme, font l'hypothèse que les interactions sont de contact (portée nulle), ce qui conduit à des expressions simples de l'équation d'état, qui dépend de 3 paramètres t 0 {\displaystyle t_{0}} , t 3 {\displaystyle t_{3}} , γ {\displaystyle \gamma } :
U ( ρ ) = 3 4 t 0 ρ + 2 + γ 16 t 3 ρ 1 + γ {\displaystyle U(\rho )={\frac {3}{4}}t_{0}\rho +{\frac {2+\gamma }{16}}t_{3}\rho ^{1+\gamma }}
Les paramètres sont ajustés pour retrouver la densité nucléaire ρ 0 {\displaystyle \rho _{0}} et l'énergie de liaison par nucléon de 16 MeV dans l'état fondamental (point de saturation).
Ces modèles permettent de déduire des caractéristiques essentielles de la matière nucléaire autour du point de saturation[3] :
Loin du point de saturation, la matière n'est plus composée uniquement de nucléons ; de nouvelles phases apparaissent. La figure présente de manière qualitative les différentes phases attendues.
Autour du point de saturation, le principe de Pauli bloque les collisions entre les nucléons ; la matière nucléaire se comporte comme un liquide quantique superfluide. Aux plus faibles densités, on retrouve la zone de coexistence liquide (noyaux légers) - gaz (nucléons), calculable avec les forces effectives (voir supra). Lorsque l'énergie d'excitation (de) augmente, les fragments légers se dissocient en protons, neutrons et particules alpha.
Aux hautes énergies d'excitation, les seuils de création de particules nouvelles, comme les pions, sont franchis et dans des conditions plus extrêmes, la théorie prévoit la dissociation de toutes les particules composites en leurs constituants (plasma de quarks et de gluons).
La composition d'une étoile à neutrons, qui nécessite plus que des neutrons et des protons, n'est pas nécessairement neutre de charge localement et ne présente pas d'invariance de translation, est souvent appelée différemment, par exemple, matière d'étoile à neutrons ou matière stellaire et est considérée distincte de la matière nucléaire[11],[12]. Dans une étoile à neutrons, la pression monte de zéro (à la surface) à une grande valeur inconnue au centre.