Elle part en Inde en 1949, où elle restera pendant cinq ans pour s'imprégner de la tradition vivante des écoles shivaïtes du Cachemire. Loin de rester dans une pure approche universitaire, elle s'initiera aux pratiques du shivaïsme du Cachemire auprès des derniers grands maîtres de ce courant[4], dont le swâmiLakshmajoo, qui fut le dernier représentant de la tradition du Trika, telle qu'exposée par le grand maître que fut Abhinavagupta (~950 - ~1020)[5]. Lilian Silburn a séjourné à plusieurs reprises à proximité de son ashram entre 1950 et 1960 afin d'étudier avec lui[6]. Cependant, elle ne trouve pas en lui le guru qu'elle cherchait en Inde. Elle écrit à ce propos[7] : « Au Kashmir, Lakshman Brahmacârin m'a aidée à expliquer quelques problèmes difficiles de la philosophie Trika. C'est un bon érudit ainsi qu'un yogin. J'ai essayé prânânyâma sous son contrôle et j'ai réussi à produire chaleur et lumières brillantes qui n'ont jamais disparu depuis. Mais il n'était pas un guru car il lui manquait le pouvoir de donner shanti (paix) et samâdhi (accomplissement). »
Selon André Padoux[Où ?], avec qui elle a travaillé, « accédant dès lors à une interprétation traditionnelle de cette pensée et à la façon dont on pouvait la comprendre et la vivre de l’intérieur, elle voulut la faire connaître en Occident par ses principaux textes. Elle faisait pour cela œuvre de sanskritiste, mais sans privilégier la philologie, car elle tenait avant tout à faire apparaître l'intérêt philosophique et, plus encore, la signification spirituelle et la portée mystique des œuvres qu'elle présentait ».
Œuvre
Lilian Silburn consacrera l'essentiel de sa carrière au shivaïsme du Cachemire et à sa pensée non-dualiste, et traduira plusieurs textes majeurs de ce courant qui était alors peu connu (neuf volumes de traductions annotées et d'études paraissent entre 1957 et 1990[3]).
Plusieurs de ses ouvrages sont devenus des références, en particulier sa thèse d'État, Instant et cause, qui est une œuvre majeure de l'indianisme français, ainsi que Aux sources du bouddhisme, anthologie — dont elle assuré la direction — de textes du bouddhisme et des doctrines de ce courant (auquel elle s'est aussi beaucoup intéressée[Note 1]). L'ouvrage est qualifié d'« excellent » par Bernard Faure[8], et il reste une référence dans le domaine[3].
Publications
Études
Lilian Silburn, Instant et cause : le discontinu dans la pensée philosophique de l'Inde, Paris, De Boccard, (1re éd. 1955), 439 p. (ISBN2-701-80045-5, BNF34997979)
Lilian Silburn, Le Paramārthasāra de Abhinavagupta, De Boccard, coll. « Publications de l'Institut de civilisation indienne », (1re éd. 1957), 110 p. (BNF34636132)
Vasugupta (trad. Lilian Silburn), Śivasūtra, De Boccard, coll. « Publications de l'Institut de civilisation indienne », (BNF34655822)
Abhinavagupta (trad. Lilian Silburn), Hymnes, De Boccard, coll. « Publications de l'Institut de civilisation indienne », (1re éd. 1970) (BNF37358654, présentation en ligne)
Vasugupta (trad. du sanskrit par Lilian Silburn), Spandakārikā et gloses de Bhaṭṭa Kallaṭa, Kṣemarāja, Utpalācārya. Śivadṛṣṭi, Paris, De Boccard, coll. « Publications de l'Institut de civilisation indienne », (1re éd. 1959), 218 p. (ISBN2-7018-0056-0, BNF35287168)
Maheśvarānanda (trad. Lilian Silburn), La Mahārthamañjarī de Maheśvarānanda ; avec des extraits du Parimala, De Boccard, coll. « Publications de l'Institut de civilisation indienne », (1re éd. 1968) (ISBN2-86803-029-7, BNF36152761)
Lilian Silburn (trad. du sanskrit), Hymnes aux kālī. La roue des énergies divines, Paris, De Boccard, coll. « Publications de l'Institut de civilisation indienne », (1re éd. 1975), 212 p. (ISBN2-868-03040-8, BNF37018753, lire en ligne)
Réunit : Śrīkālikāstotra de Śivānandanātha, Le Kramastotra, Le Pañcaśatika et Le Kramastotra d'Abhinavagupta. - Version française suivie des textes sanskrits translittérés en IAST.
Vātūlanātha sūtra : avec le commentaire d'Anantaśaktipāda (trad. du sanskrit par Lilian Silburn), Paris, De Boccard, coll. « Publications de l'Institut de civilisation indienne », , 109 p. (ISBN2-868-03008-4, BNF35770041)
Abhinavagupta (trad. du sanskrit par Lilian Silburn et André Padoux), La lumière sur les tantras : Chapitres 1 à 5 du Tantrāloka avec commentaire de Jayaratha, Paris, De Boccard, coll. « Publications de l'Institut de civilisation indienne », , 316 p. (ISBN2-86803-066-1, BNF37067441, lire en ligne)
Le Vijñāna-Bhairava, De Boccard, coll. « Publications de l'Institut de civilisation indienne », (1re éd. 1968), 222 p. (ISBN2-868-03015-7, BNF37106403)
Lilian Silburn, La bhakti : étude sur le śivaïsme du Kaśmīr, De Boccard, coll. « Publications de l'Institut de civilisation indienne », (1re éd. 1964), 162 p. (ISBN978-2-868-03019-1, BNF39059653)
Contient le poème Stavacintāmaṇi en sanskrit translittéré (IAST) avec trad. française à la suite.
Direction de publication
Aux sources du bouddhisme (Textes traduits et présentés sous la direction de Lilian Silburn), Paris, Fayard, (1re éd. 1977), 538 p. (ISBN978-2-213-59873-4, BNF36166124)
Par ailleurs Lilian Silburn assuma la direction de la série Hermès. Recherches sur l'expérience spirituelle, à la mort de Jacques Masui en 1975. Une nouvelle série, issue des numéros précédents avec de nouveaux articles, a paru aux éditions Les Deux Océans, comportant quatre numéros[9] :
Lilian Silburn (dir.), Les voies de la mystique : ou l'accès au sans accès d'après le shivaïsme du Cachemire, des auteurs chrétiens, soufis et un maître du Tch'an. Avec un hommage à Jacques Masui, Les Deux Océans, coll. « Hermès. Recherches sur l'expérience spirituelle » (no 1), (réimpr. 1993), 288 p. (OCLC714958017)
Lilian Silburn (dir.), Le Vide : Expérience spirituelle en occident et en orient, Les Deux Océans, coll. « Hermès. Recherches sur l'expérience spirituelle » (no 2), (réimpr. 1989), 336 p. (ISBN978-2-86681-102-0)
Lilian Silburn (dir.), Le Maître Spirituel : selon les traditions d'Orient et d'Occident et d'après des témoignages contemporains, Les Deux Océans, coll. « Hermès. Recherches sur l'expérience spirituelle » (no 3), (réimpr. 2010), 304 p. (ISBN2-86681-103-8)
Lilian Silburn (dir.), Tch'an Zen : racines et floraisons, Les Deux Océans, coll. « Hermès. Recherches sur l'expérience spirituelle » (no 4), (réimpr. 2005), 448 p. (ISBN978-2-86681-104-4)
Notes et références
Notes
↑Sa thèse porte d'ailleurs la dédicace« À GOTAMA LE BUDDHA ».
André Padoux, « Recension de Jacqueline Chambron, "Lilian Silburn. Une vie mystique", Paris, Almora, 2015, 330 p. », Archives de sciences sociales des religions, no 176, oct..- déc. 2016 (lire en ligne)
Jacqueline Chambron, Lilian Silburn. Une vie mystique, Paris, Almora, coll. « Almora Essai », , 330 p. (ISBN978-2-351-18271-0)
Recension: v. ci-dessus, Padoux, 2016
(en) Denis Matringe, « The Self, the guru and the Absolute: the bhakti of the French 20th Century Indologist Lilian Silburn », Paper presented at the international conference “Bhakti and the Self”, Max Weber Center for Advanced, Cultural and Social Studies, Erfurt University, 2016, 2021 (revised edition), p. 12 p. (lire en ligne [archive])
Colette Poggi, « Silburn, Lilian », dans Audrey Fella (Dir.), Les Femmes mystiques. Histoire et Dictionnaire, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1120 p. (ISBN978-2-221-11472-8), p. 871-874