Lilian Mathieu est sociologue, directeur de recherche au CNRS, au centre Max-Weber et à l'ENS de Lyon. Il est spécialiste de l’étude de la prostitution et des mouvements sociaux[1]. Il est considéré comme un sociologue « qualitativiste » à cause de son attachement aux enquêtes de terrain[2].
Biographie
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue ! Comment faire ?
Lilian Mathieu passe un DEUG de sociologie avant de partir passer une maitrise en ethnologie au Québec, où il mène une enquête de terrain dans une réserve amérindienne. Son passage par l'ethnologie influencera sa méthodologie. À son retour, il passe son DEA à Lyon, où il commence à s'intéresser à la prostitution[2]. En 1998, il passe sa thèse à l'Université Paris 10, sous la direction de Michel Dobry. Son travail de thèse donne lieu, en 2001, à la publication d'un ouvrage intitulé Mobilisations de prostituées aux Éditions Belin[3].
En 2000, il rentre au CNRS et reçoit en 2008 la médaille de bronze du CNRS qui récompense le premier travail d'un chercheur[2]. À cette occasion il signe un appel avec un grand nombre de médaillés contre le dépeçage du CNRS par le gouvernement[4].
À partir de 2010, il co-dirige avec le sociologue Philippe Corcuff la collection « Petite encyclopédie critique » chez les Éditions Textuel. L'objectif est de proposer des synthèses accessibles et pédagogiques sous la forme de points de vue critiques dans des petits formats accessibles qui appellent à penser par soi-même. Ils s'adressent aux étudiants, militants, associations, citoyens ouverts sur le monde[5],[6].
En 2007, il publie dans la revue Politix un article intitulé « L'espace des mouvements sociaux »[7] qui a été cité 245 fois entre sa publication et 2022[8]. Cet article est suivi par la publication d'un livre du même titre aux Éditions du Croquant en 2011[9],[10]. Il y esquisse une « théorie générale des mouvements sociaux »[11]. Dans un compte-rendu de lecture, le professeur agrégé en sciences sociales Igor Martinache le qualifie de « spécialiste incontestable des mobilisations collectives »[12]. Ce travail s'inspire et discute du concept de champ élaboré par Pierre Bourdieu dans le cas des mouvements sociaux, ce qui l'amène à proposer la notion « d'espace » car « l’autonomie de celui-là n’est que partielle, contrairement aux champs analysés par Pierre Bourdieu »[12].
En 2015, il publie un ouvrage de synthèse à propos de la sociologie de la prostitution dans la collection « Repères » à La Découverte[13],[14],[15],[16].
Questions de prostitution
Lilian Mathieu est spécialisé dans l'étude de la prostitution. II prend position contre la pénalisation et le mouvement abolitionniste. Pour lui, la pénalisation des clients est une fausse bonne idée. En faisant de l’interaction client-prostituée un délit, la pénalisation ne fera que repousser ces rencontres loin du regard de la police[17]. Ainsi la prostitution ne diminue pas et l'interdiction entraine des conséquences dramatiques sur les prostituées, elles sont éloignées vers des lieux plus discrets et entrent dans la clandestinité, ce qui augmente considérablement leur insécurité[18],[19]. « Cela conduira à dégrader la situation de ces personnes que l'on prétend protéger ! »[20]. Il rappelle que pour la majorité, la prostitution est un moyen de survie[17]. Il défend une amélioration des conditions des prostitués. Mais cela ne doit pas passer par la légalisation des maisons closes, qui ramène selon lui, à la soumission à un patron, de plus ces maisons n'accueilleront jamais toutes les prostituées, surtout les plus vulnérables[17].
L'auteur appréhende la prostitution non seulement comme une des expressions les plus brutales de la domination masculine, mais également comme une des manifestations les plus extrêmes des rapports économiques[21]. Il assène une urgence à réinscrire la prostitution dans la question sociale. Le vrai problème est la difficulté d’accès au monde du travail. Rabaisser le RSA sous le seuil des vingt-cinq ans et l'augmentation de l’ensemble des minima sociaux seraient des solutions[17]. Il rappelle que la violence n'est pas seulement la délinquance ou le terrorisme, c'est aussi la violence sociale[22].
À la suite d'une tribune dans Rue89, la militante féministe abolitionniste et proche du Mouvement du Nid, Christine Le Doaré publie à son tour une tribune dans L'Obs, en 2016, dans laquelle elle l'accuse de vouloir associer le PS et le FN dans la défense d'un système « prostitueur », de ne pas avoir d’arguments à opposer aux mesures proposées qu'il dénonce, de ne pas connaître le terrain, de défendre la plus vieille et la plus sexiste exploitation et de relever de la supercherie intellectuelle. Elle va jusqu'à écrire que le patriarcat lui doit beaucoup[23].
Engagements
Lilian Mathieu est un sociologue engagé qui prend fréquemment position dans les médias sur des sujets variés que ce soit dans ses travaux sur la prostitution ou des sujets plus éloignés de ses sujets d'études. Pour l'exemple, en 2003 il est cosignataire d'une tribune contre la guerre en Irak[24], en 2013, il co-signe avec le Collectif retraites 2013 un appel contre « la régression sociale » qui se prépare à la suite de l'annonce de François Hollande lors de la Conférence sociale du 20 juin 2013[25], en 2014, il est cosignataire d'une tribune soutenant le mouvement cheminot[26] et d'une tribune contre la violence utilisée par l’État contre les exilés de Calais[27]. Il écrit ponctuellement dans Contretemps, revue trimestrielle de critique communiste fondée par Daniel Bensaïd en 2001, qui a pour projet d'armer la gauche radicale[28]. En 2015, il écrit un article sur les problèmes axiologiques qui se posent à la sociologie des engagements, il se demande si le sociologue peut rester neutre et objectif comme semblent y inviter les deux fondateurs de la sociologie Émile Durkheim et Max Weber ou s'il doit être sociologue engagé. Il conclut son article en prônant un retour à des principes « wébériens revivifiés »[29].
Publications
Pour une liste de ses publications plus complète voir le site du HAL[30].
Ouvrages
Prostitution et sida, Sociologie d'une épidémie et de sa prévention, L'Harmattan, Coll. Logiques sociales, 2000
Mobilisations de prostituées, éd. Belin, 2001
La prévention sur le trottoir, éd. Textuel, 2001
Comment lutter ?, éd. Textuel, 2004
La double peine histoire d'une lutte inachevée, La Dispute, 2006
La condition prostituée, Textuel, 2007
Les années 70, un âge d'or des luttes ?, Textuel, 2010
L'espace des mouvements sociaux, Du croquant, 2012
Columbo, la lutte des classes ce soir à la télé, Textuel, 2013
La fin du tapin - Sociologie de la croisade pour l'abolition de la prostitution, Les peregrines, 2014
Sociologie de la prostitution, La découverte, 2015
Prostitution, où est le problème ?, Textuel, 2016
Direction d'ouvrages collectifs
Lilian Mathieu (dir.) et Violaine Roussel (dir.), Penser les frontières sociales: Enquêtes sur la culture, l'engagement et la politique, Presses Universitaires de Lyon, 2019.
Olivier Fillieule (dir.), Lilian Mathieu (dir.) et Cécile Péchu (dir.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Presses de Science Po, 2020.