Le Nez qui voque

Le Nez qui voque
Image illustrative de l’article Le Nez qui voque
Première de couverture de l'édition de 1967 dans la collection blanche de Gallimard.

Auteur Réjean Ducharme
Pays Drapeau du Canada Canada
Genre Roman
Éditeur Éditions Gallimard
Collection Blanche
Lieu de parution Paris
Date de parution 1967
Nombre de pages 274
ISBN 2-07-022044-3

Le Nez qui voque est un roman de l'écrivain et dramaturge québécois Réjean Ducharme. Il fut publié chez Gallimard en 1967, soit un an après la parution de L'Avalée des avalés, œuvre qui avait valu à l'auteur le Prix du Gouverneur général[1] ainsi qu'une nomination au Prix Goncourt[2]. Malgré l'ordre des publications, il est le premier roman écrit par Ducharme[3].

Comme l'ensemble des romans de Ducharme, Le Nez qui voque prend la forme d'un monologue intérieur proche du courant de conscience. Il dépeint les pensées d'un adolescent « farouchement individualiste[1] », surnommé Mille Milles, et sa détestation du monde des adultes. Le style ressemble au langage parlé et contient de nombreux jeux de mots, néologismes et emprunts au joual, un sociolecte du français québécois.

Le roman constitue à la fois un adieu à l'enfance et une réflexion sur le langage. Le personnage de Mille Milles, qui projette de se suicider pour ne jamais devenir un adulte, apprend progressivement à accepter son vieillissement. Au fil de sa transformation, il dénonce l'inaptitude des mots à décrire la réalité, critique la littérature[3] et remet en question le concept d'identité personnelle. Au terme du livre, il propose de rejeter tout ce qui dépasse l'expérience immédiate.

Résumé

Le narrateur est un adolescent de 16 ans, qui se présente sous le pseudonyme de Mille Milles. L'action se déroule principalement dans une chambre située au 417 de la rue de Bonsecours, face à la Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, à Montréal, et est centrée autour du narrateur et d'une adolescente de 14 ans, dont le nom véritable est Ivugivic mais à laquelle Mille Milles s'adresse par le nom « Chateaugué », allusion à Châteauguay, ville du Québec.

Mille Milles parle de Chateaugué comme étant sa sœur, non pas de sang mais de l'air. Les deux protagonistes ont conclu un pacte de suicide dont la date n'a pas été choisie, ou n'est pas révélée au lecteur. Au fil du roman, Réjean Ducharme fait choisir à ses personnages un autre mot, tiré au hasard du dictionnaire, pour le substituer au mot « suicide ». Ce mot sera remplacé par « branle-bas », et le verbe « suicider » (ou « branle-basser ») sera conjugué conséquemment par les deux héros.« Suicide » (ou « branle-bassement ») n'est pas à entendre dans le sens d'un acte désespéré, ultime, mais il s'agit pourtant encore là d'un acte solutionnaire, d'évitement. Ils veulent éviter de devenir adultes, car « [d]evenir adulte, c'est entrer, être pris de plus en plus, dans le royaume du mal ». Mille Milles et Chateaugué éprouvent du dégoût et du mépris pour l'adulte, triste résultat d'une corruption par les pulsions sexuelles et être sale, ignoble, laid. L'adulte représente l'enfant mort, substitué par un corps sexué qui ne vit pas, mais qui « survit ».

Les deux personnages vivent un amour chaste, sur lequel l'amitié prédomine. Ils dorment dans le même lit, mais ne s'embrassent même pas. Le refus de passer à l'âge adulte et la nécessité d'avoir des rapports physiques sont, avec la mort, les thèmes principaux du récit.

Mille Milles évoque parfois ce qui semble être la masturbation, exprimée dans les mots de Ducharme par le verbe « s'hortensesturber ». Éventuellement, Mille Milles et Chateaugué décident de se fondre en une seule identité, qu'ils baptiseront « Tate ».

Or, leur mode de vie les conduit à un cloisonnement malsain et éventuellement dysfonctionnel. La vie les rattrape. De surcroît, selon les apparences, Mille Milles est en train de devenir un homme. Il se sait perverti et obsédé par le sexe et par « l'hortensestubation ». Il commence aussi à « flirter » avec l'adulte qui croît en lui au contact de Questa, une épouse désillusionnée, ivrognesse et mère de trois petites Anne. Il finit même par travailler comme plongeur dans un restaurant grec, suivi de Chateaugué, alors serveuse. L’amitié entre Mille Milles et Chateaugué se fissure de plus en plus, et l’idée de suicide disparaît, laissant la jeune fille toute penaude. Enfin, l’irréversible survient, et Tate est disloqué, marqué par la mort de l’enfant et la survie de l’adulte.

Récompenses

  • Prix littéraire de la Province de Québec (1967)

Réception

À la parution du roman en 1967, un compte-rendu de Jean-Cléo Godin souligne le côté « neuf, précieux, et très beau » de l’ouvrage, tout en lui reprochant une certaine « verbosité » et un usage inconsidéré des jeux de mots[4].

Adaptation au cinéma

Bibliographie

  • Jean-François Chassay, « Le Québec entre la France et les États-Unis dans Le Nez qui voque », Roman 20-50, vol. 41, no. 1, 2006, p 55-64 (lire en ligne).
  • Jean Cléo Godin, « Réjean Ducharme, le Nez qui voque, Paris, Gallimard, novembre 1967, 275 p. », Études françaises, vol. 3, n° 4, 1967, p. 447-449 (lire en ligne).
  • Yves Taschereau, « Le vrai Nez qui voque », Études françaises, vol. 11, n° 3-4, octobre 1975, p. 311–324 (lire en ligne).

Notes et références

  1. a et b Colin Boyd, « Réjean Ducharme », sur L'Encyclopédie canadienne, (consulté le )
  2. Chantal Guy, « Réjean Ducharme : la mort d'un mythe », sur La Presse, (consulté le )
  3. a et b Yves Taschereau, « Le vrai Nez qui voque », Études françaises,‎ , p. 312 (lire en ligne).
  4. Jean-Cléo Godin, « Réjean Ducharme, le Nez qui voque, Paris, Gallimard, 1967, 275 p. », Études françaises,‎ (lire en ligne)
  5. Léo Bonneville, « Du nez qui voque à Milles et Chateaugué - Entretien avec Alain Périsson », Séquences,‎ , p. 4-7 (lire en ligne)

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