Avec cet album, Laurindo Almeida et Bud Shank méritent d'être reconnus comme les pionniers de la fusion de la musique brésilienne et du jazz et comme les premiers musiciens de jazz à avoir joué des sambas brésiliennes, cinq ans avant Antônio Carlos Jobim, cofondateur de la bossa nova, et huit ans avant les premiers morceaux de bossa nova américaine de Dizzy Gillespie, Herb Ellis et Herbie Mann à l'automne 1961, et le fameux album au succès planétaire Jazz Samba enregistré en 1962 par Charlie Byrd et Stan Getz[9],[10],[11],[12],[13].
L'album Laurindo Almeida Quartet featuring Bud Shank a influencé Jobim et l'a « aidé à trouver dans quelle direction aller »[9].
Biographie
Jeunesse
De mère pianiste concertiste classique, il reçoit très tôt une formation musicale.
Durant sa jeunesse, Almeida est convaincu que les musiciens ne doivent pas rester dans leur propre pays[14]. En 1936, à l'âge de 19 ans, il décroche un job dans l'orchestre d'un bateau de croisière qui accoste au Portugal, en Espagne, en France, en Belgique, en Hollande et en Allemagne, ce qui lui permet d'aller à Paris voir Django Reinhardt et Stéphane Grappelli jouer avec le Quintet du Hot Club de France[5],[7],[14],[6].
Au Brésil, il travaille comme chef d'orchestre dans une station de radio (1939-46).
Big band de Stan Kenton
Possédant une collection de disques de jazz américains, Almeida rêve cependant de s'installer aux États-Unis : il choisit la Californie parce qu'il sait qu'il y a là beaucoup de travail en studio[14]. Il débarque donc en 1947 à l'âge de 30 ans en Californie et, étant déjà un artiste bien établi au Brésil, il décroche un emploi dans un studio d'Hollywood, où il collabore au film A Song is Born de Danny Kaye[5],[9]. Mais le musicien Joe Riddle est frappé par le fait qu'Almeida joue de la guitare avec les doigts, alors que l'habitude aux États-Unis était d'utiliser un plectre[14]. Riddle le recommande à Stan Kenton, qui est à l'époque à la recherche d'un nouveau son acoustique à la guitare et apprécie le fait qu'Almeida joue avec les doigts[9],[14]. Kenton lui dit « Je ne veux plus de plectre ou de guitare électrique, je veux quelque chose de vraiment pur et clair »[14]. Almeida quitte donc les studios d'Hollywood et intègre l'orchestre de Kenton, dont il reste le guitariste durant trois ans, de 1947 à 1950[8],[14],[3]. Il y joue le rôle de guitariste / arrangeur / compositeur, un rôle inédit aux États-Unis à l'époque[7],[6].
Par ailleurs, Almeida accompagne les Four Freshmen et travaille pour les studios de cinéma.
Almeida et Shank, précurseurs de la bossa nova dès 1953
En 1950, Stan Kenton tombe malade et dissout son big band[14] : Almeida se lie alors avec le saxophonisteBud Shank, le bassisteHarry Babasin et le batteur Roy Harte[9]. Le jeune producteur Richard Bock, fondateur du label Pacific Jazz Records, leur demande d'enregistrer un disque[9],[14]. Shank est enthousiaste mais ne sait trop que faire[9],[14]. Almeida suggère alors « Et bien, marions nos musiques et voyons ce qui se passe »[9],[14]. Shank et Babasin jouent tous deux un rôle très important dans l'élaboration de l'aspect jazz de l'album[9],[14] et en le quatuor enregistre ce disque innovant dans lequel il mélange le jazz et la samba brésilienne[5],[8],[15].
Almeida baptise ce nouveau style « samba-jazz »[7].
Deux disques vinyle de format 10 pouces intitulés Laurindo Almeida Quartet, featuring Bud Shank et Laurindo Almeida Quartet, featuring Bud Shank Vol. 2 sont publiés en 1954, combinés en 1961 en un album de format douze pouces intitulé Brazilliance publié sur le labelPacific Jazz Records[8],[9].
Almeida et Shank reprennent leur collaboration « samba-jazz » en enregistrant en Holiday in Brazil, un album qui est légèrement antérieur à la fondation de la bossa nova par Antônio Carlos Jobim, Vinícius de Moraes et João Gilberto, marquée officieusement par l'album Canção do amor demais composé par Jobim et de Moraes et enregistré par la chanteuse Elizeth Cardoso en , et officiellement par l'album Chega de saudade de João Gilberto paru en 1959[16],[17],[18],[19],[20],[21]. Holiday in Brazil précède par ailleurs de plus de trois ans les premiers morceaux de bossa nova américaine enregistrés par Dizzy Gillespie et Herb Ellis à l'automne 1961, et le fameux album au succès planétaire Jazz Samba enregistré en par Charlie Byrd avec l'aide de Stan Getz[9],[10],[11],[12].
Après Holiday in Brazil, rebaptisé plus tard Brazilliance Volume 2, vient enfin en 1959 Latin Contrasts[8],[22], parfois appelé Brazilliance Volume 3, qui est un disque de Bud Shank avec des arrangements d'Almeida.
Par ailleurs, Almeida combine des styles musicaux brésiliens divers (modinha, choro, maracatu, boi-bumbá) au jazz et à des formes musicales classiques comme dans son album Duets with the Spanih Guitar de 1957[8].
Au début des années 1960, il sacrifie à la mode de la bossa nova créée par Getz, Gilberto, Byrd et Jobim, avec son album Viva Bossa Nova! de 1962, qui est un succès commercial[8].
Carrière ultérieure
Établi en Californie, menant de pair une carrière de musicien de variété et de jazzman, Almeida joue et enregistre avec le Modern Jazz Quartet, Stan Getz, Herbie Mann, le L.A. Four avec quelques incursions symphoniques.
De plus en plus investi dans son travail d'arrangeur pour petit et grand écran (800 musiques pour films et séries télé), il enregistre encore parfois, en trio ou en compagnie d'autres guitaristes, jusqu'à son décès.
↑ abc et d(en) Tim Brookes, Guitar: An American Life, Grove Press, New York, 2005, p. 164.
↑ abcdef et g(en) Chris McGowan et Ricardo Pessanha, The Brazilian Sound: Samba, Bossa Nova, and the Popular Music of Brazil, Temple University Press, 1998, p. 165.
↑ abcdefghij et k(en) S. Duncan Reid, Cal Tjader: The Life and Recordings of the Man Who Revolutionized Latin Jazz, Mc Farland & Company, 2013, p. 118-119.
↑ a et b(en) Morris B. Holbrook, Playing the Changes on the Jazz Metaphor, Now Publishers, , p.186.
↑ a et b(en) Lewis Porter, Michael Ullman et Ed Hazell, Jazz: from its origins to the present, Prentice Hall,, , p.366.
↑ a et bPierre Breton, « Charlie Byrd », dans Dictionnaire du Jazz: Les Dictionnaires d'Universalis, Encyclopaedia Universalis, .
↑(en) K. E. Goldschmitt, Bossa Mundo: Brazilian Music in Transnational Media Industries, Oxford University Press, p. 44.