Né dans la pourpre, par le légendaire Nijinsky et une lauréate des Oaks issue d'une prestigieuse lignée, Lammtarra était entraîné à 2 ans par le jeune Alex Scott, qui le fit débuter directement, et avec succès, dans une listed, en . Scott était persuadé qu'il tenait là un phénomène, et paria £ 1000 à 33/1 que son cheval serait le prochain vainqueur du Derby d'Epsom. La suite devait lui donner raison, mais il ne put vérifier sa prédiction : il fut assassiné un mois plus tard, à l'âge de 35 ans[1]. Lammtarra est alors envoyé par son propriétaire Saeed bin Maktoum al Maktoum au soleil de Dubaï pour passer l'hiver. Il y tombe gravement malade, passant à deux doigts de la mort. De retour en Angleterre, il rejoint l'armada Godolphin, passant sous la responsabilité d'un autre jeune entraîneur, Saeed Bin Suroor, avec pour objectif le Derby d'Epsom.
Les ennuis de santé de Lammtarra ont considérablement retardé sa préparation du poulain, si bien qu'il doit faire sa rentrée directement sur le parcours exigeant d'Epsom dans un Derby qui sera la deuxième épreuve de sa carrière, après une absence de dix mois. Monté par Walter Swinburn, il s'élance à la cote de 14/1. Sa victoire ce jour-là fait grand bruit : non seulement il bat le vieux record de la course (détenu depuis 1936 par Mahmoud), mais surtout on n'avait jamais vu un poulain s'imposer dans le Derby sans une course dans les jambes. Ladbrokes, qui avait enregistré le pari d'Alex Scott l'année d'avant, versa les gains à la veuve du défunt entraîneur.
Avant de crier au génie, on attend tout de même de Lammtarra qu'il confirme son coup d'éclat. Il est naturellement annoncé au départ des King George VI and Queen Elizabeth Diamond Stakes à Ascot, et s'y impose au courage, désormais monté par Lanfranco Dettori. Cette fois, le doute n'est plus permis quant aux qualités exceptionnelles du poulain, installé favori du Prix de l'Arc de Triomphe. Voici le prodige qui s'apprête à venger son père dans l'épreuve reine de Longchamp. Objet de tous les regards, Lammtarra y demeure invaincu avec classe et courage, repoussant les assauts du Français Freedom Cry. Il devient ainsi le second cheval avec Mill Reef à réaliser la même année le triplé Derby / King George / Arc, soit les trois plus prestigieuses courses d'Europe. Son jockey, Lanfranco Dettori, déclare qu'il s'agit peut-être du meilleur cheval qu'il ait jamais monté, lui qui a connu d'innombrables champions.
À la suite de ses exploits, Lammtarra est naturellement élu meilleur 3 ans de l'année (le titre de cheval de l'année lui échappant au profit de la championne du mile Ridgewood Pearl), ses victoires dans le Derby et l'Arc sont notées 130 par la FIAH, et Timeform lui décerne un rating de 134 - un score certes pas exceptionnel, mais qui s'explique par le fait que le cheval, s'il n'a jamais connu la défaite, n'aura foulé les pistes qu'à quatre reprises seulement : c'est un phénomène, certes, mais trop éphémère pour convaincre absolument.
Fin 1995, il est en effet annoncé que l'étoile filante ne courra plus. Lammtarra entre au haras en Angleterre. Après sa première saison de monte, un groupe d'éleveurs japonais débourse 30 millions de dollars pour s'offrir ses services. Lammtarra rejoint le Japon pour faire la monte à environ 45 000 € la saillie, mais il déçoit beaucoup et ses tarifs sont ramenés autour de 3 500 €. Racheté par son propriétaire en 2006, il est ramené en Europe et retiré de la monte, jusqu'à son décès en 2014[2].
Origines
À propos du magnifique pedigree de Lammtarra, on notera, outre un inbreding très serré (2x4) sur Northern Dancer, que la famille maternelle regorge de juments passées par les plus grands élevages du monde : E.P. Taylor, Niarchos, Cheikh Mohammed. On peut la détailler à partir de Queen's Statute, acquise dans les années 50 par E.P. Taylor, et qui est la mère de :
Court Royale (par Chop Chop), jument d'âge de l'année au Canada en 1963.
Dance Act (par Northern Dancer), cheval de handicap de l'année au Canada en 1970 et 1971.