Lactifluus volemus, autrefois Lactarius volemus, le Lactaire à lait abondant, est une espèce de champignons de la famille des Russulaceae. On le trouve dans les régions tempérées chaudes et les régions septentrionales de l'hémisphère nord c'est-à-dire en Europe, Amérique du Nord, Amérique centrale et en Asie. Champignon mycorhizien, ses sporophores poussent sur le sol au pied de diverses espèces d'arbres, en été et en automne, soit individuellement soit en groupes. Il est valorisé comme champignon comestible et est vendu sur les marchés asiatiques. Plusieurs autres champignons du genre Lactarius ressemblent à L. volemus, comme l'espèce comestible étroitement liée à L. corrugis mais ils peuvent en être distingués par des différences dans la répartition, l'aspect et les caractéristiques microscopiques. L. volemus donne une impression de spores blanches grossièrement sphériques mesurant de 7 à 8 microns de diamètre.
Sa couleur varie d'abricot à fauve, et son chapeau peut atteindre jusqu'à 11 cm de diamètre. Les lamelles, d'un jaune pâle doré situées sous le dessous du chapeau sont serrées les unes contre les autres et parfois fourchues. Un des traits les plus distinctifs du champignon est la grande quantité de latex (« lait ») qu'il produit quand les lamelles sont endommagées, expliquant son nom vernaculaire de « Lactaire à lait abondant ». Il dégage aussi une odeur de poisson caractéristique qui n'affecte pas son goût. Les sporophores ont été analysés chimiquement et on a trouvé qu'ils contiennent plusieurs stérols apparentés à l'ergostérol dont certains sont uniques à cette espèce. Le champignon contient également un caoutchouc naturel chimiquement caractérisé. L'analyse phylogénétique suggère que Lactarius volemus regroupe plusieurs espèces ou sous-espèces, plutôt qu'un seul taxon.
Taxonomie et dénomination
La première mention de Lactarius volemus dans la littérature scientifique se trouve dans le Species plantarum de Carl von Linné en 1753 sous le nom d’Agaricus lactifluus[1]. En 1821, le mycologuesuédoisElias Magnus Fries l'a appelé Agaricus volemus dans son livre Systema Mycologicum[2]. Dans cet ouvrage, il propose un regroupement des espèces apparentées (regroupées sous le terme tribu) au sein du genre Agaricus qu'il nomma Galorrheus. Fries a reconnu par la suite Lactarius comme un genre distinct dans son Epicrisis Systematis Mycologici en 1838, considérant Galorrheus comme un synonyme[3]. C'est dans cette publication que l'espèce a été appelée pour la première fois par son nom actuel[4]. Bien que Linné ait publié sa liste d'espèces avant Fries, le nom de Fries a été choisi et a pris la priorité de nomenclature. En 1871, Paul Kummer a placé la plupart des tribus de Fries au rang de genre et a ainsi rebaptisé l'espèce Galorrheus volemus[5]. La variété L. volemus var. subrugosus a été identifiée par Charles Horton Peck en 1879[6] mais elle est maintenant considérée comme une espèce distincte, L. corrugis[7]. En 1891, Otto Kuntze a déplacé des espèces dans le genre Lactifluus[8], un genre qui a depuis été réincorporé dans le genre Lactarius[9]. Un autre synonyme historique est Lactarius lactifluus, utilisé par Lucien Quélet en 1886[10], un renommage basé sur Agaricus lactifluus de Linné. Lactarius wangii, décrit par M. Wen Hua-Un et Jian-Zhe Ying comme étant une nouvelle espèce chinoise en 2005[11], a été considéré comme un synonyme deux ans plus tard de L. volemus[12].
L'épithète spécifique volemus dérive du nom latin vola[13] qui signifie « creux de la main », faisant référence à de Fries pour la grande quantité de latex qui « coule suffisamment pour remplir la main »[14].
Il porte comme nom vernaculaire la vachotte (vache à lait) en référence à l'abondance de son latex blanc[15].
Phylogénie
Phylogénie du genre Lactarius section Dulces basée sur l'étude de longues séquences de rDNA. L. volemus et L. corrugis se distinguent sur des différences de couleurs et de répartition : A-1, type velouté ; A-2 type rouge ; A-3, type chinois ; B-1, type rouge ; B-2, type commun ; C-1, commun au Japon ; C-2, type jaune.[16]
Lactarius volemus est l'espèce type de la sectionDulces du sous-genreLactifluus. Cette section regroupe les espèces à chapeau sec, à latex abondant et laissant une impression de spores crème pâle ou blanche[17]. Le très proche L. corrugis ayant certains caractères morphologiques comme la coloration du chapeau et du pied identiques, il a été difficile de distinguer de façon fiable les deux espèces. La difficulté de les discerner est augmentée par le fait que les deux espèces ont plusieurs couleurs ; les spécimens japonais de L. volemus peuvent avoir un chapeau rouge, un chapeau jaune avec un long pied ou une surface veloutée ; les chapeaux de L. corrugis peuvent être soit rouge, soit plus communément de couleur rouille. En 2005, des chercheurs japonais ont clarifié les relations entre ces deux espèces et d'autres espèces de la section Dulces grâce à la phylogénie moléculaire et en comparant les différences dans la composition en acides gras, la morphologie et le goût. Les différences de couleurs permettent de les répartir phylogénétiquement dans différents sous-clades, ce qui laisse à penser qu'ils pourraient être répartis entre « différentes espèces, sous-espèces ou variétés »[16]. En 2010, une étude moléculaire sur L. volemus du nord de la Thaïlande a révélé que 79 échantillons testés pouvaient être divisées en 18 espèces phylogénétiques distinctes; six de ces espèces ont été décrites comme nouvelles :L. acicularis, L. crocatus, L. distantifolius, L. longipilus, L. pinguis et L. vitellinus[18].
Description
Le sporophore de Lactarius volemus a un chapeau charnu et ferme avec une surface veloutée ou lisse et une forme qui change selon la maturité : il commence par être convexe, avec des bords incurvés vers l'intérieur puis devient plat avec une dépression centrale. D'un diamètre typique de 5 à 11 cm, sa couleur varie du fauve à abricot[19]. Sa couleur est, cependant, assez variable, comme on l'a noté sur les spécimens des pays asiatiques[12], européens[20] et américains[21]. Le pied, dont la hauteur varie entre 4 et 12 cm et qui a généralement un diamètre compris entre 1 et 1,5 cm, a une couleur légèrement plus claire que le chapeau. Le pied est ferme, avec une surface veloutée ou lisse, parfois des dépressions s'étendant longitudinalement de haut en bas sur sa longueur. Les lamelles sont adnées à légèrement décurrentes, cassantes, étroites, très serrées et parfois fourchues. Normalement, de couleur jaune pâle, les lamelles brunissent quand on les écrase. On trouve intercalées entre les lamelles les lamellulae, des lamelles courtes qui n'atteignent pas le pied. La chair est blanchâtre et ferme. Le champignon a une odeur qui rappelle le poisson[19]. L'odeur est « celle d'une alose morte, dont les pêcheurs vous diront probablement que c'est le poisson d'eau douce le plus malodorant »[22]. L'odeur est plus forte chez les champignons séchés. Un des traits les plus distinctifs du champignon est son latex abondant, tellement abondant qu'une petite entaille sur les lamelles fait « pleurer » la substance laiteuse[23]. Le latex tend à tacher de brun tout ce qu'il touche[22].
L'impression des spores est blanchâtre. Les spores sont à peu près sphériques, translucides (hyalines) et mesurent généralement 7,5 à 10 sur 7,5 à 9 µm[24]. La surface des spores est réticulée avec des crêtes qui forment un réseau complet. Les arêtes sont hautes de 0,8 µm et ont des pointes pouvant atteindre jusqu'à 1,2 µm. Les cellules porteuses de spores, les basides, sont en forme de massue, hyalines, avec quatre spores et ont des dimensions de 40 à 62 sur 7,2 à 10,4 µm[25]. Entre les basides, on trouve des cellules stériles appelées cystides. Les pleurocystides (cystides situées sur le côté d'une lamelle) ont à peu près une forme de massue et mesurent de 48 à 145 par 5 à 13 µm. Les cheilocystides (cystides sur le bord d'une lamelle) peuvent être en forme de fuseau, de club, subulé ou de forme intermédiaire et mesurent de 27 à 60 sur 5 à 7 µm[21]. En outre, elles sont présentes tant sous la surface du chapeau que sur le pied[19]. Si on applique une goutte de sulfate ferreux (réactif utilisé comme test chimique dans l'identification des champignons) sur la chair de ces champignons, elle prendra immédiatement une couleur d'un bleu-vert sombre[24].
La variété Lactarius volemus var. flavus a été décrite par Alexander H. Smith et Ray Lexemuel Hesler dans leur monographie de 1979 des espèces nord-américaines de Lactarius[21]. Cette variété rare, trouvée dans le sud-est des États-Unis (de la Caroline du Sud à la Floride et vers l'ouest jusqu'au Texas), a un chapeau qui reste jaune tout au long de son développement. Il a aussi des spores légèrement plus petites que la variété nominale : 6,5 à 9,0 sur 6 à 8 µm[24]. Certains auteurs ont considéré leL. volemus var. oedematopus, rarement trouvé dans le centre et le sud de l'Europe, comme une variété distincte de la variété commune en raison de la couleur d'un brun-rougeâtre de son chapeau et de son pied renflé. Cet avis n'est pas universellement admis probablement parce que ces caractéristiques s'inscrivent dans la fourchette des variations morphologiques de la variété principale[26]. L. volemus var. asiaticus, nommé en 2004 à partir de spécimens vietnamiens trouvés poussant en association avec le pin de Benguet, a de petits sprorophores veloutés d'un brun terne[27]. En général, on attache peu de valeur taxonomique à plusieurs autres variétés de L. volemus qui ont été proposées[18].
Écologie
On le trouve dans les forêts de conifères et de feuillus en Europe et sur la côte Est des États-Unis. Il pousse en été et en automne (plus rarement) seul ou en groupe
Comestibilité
Comestible, il est d'un goût médiocre.
Composition
Le Lactarius volemus contient du volemitol (sucre polyol) qui a été isolé pour la première fois à partir de ce champignon (d'où il tire son nom) en 1889 par un scientifique français Émile Bourquelot[28].
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