La Cour du Lion
La Cour du Lion est la sixième fable du livre VII de Jean de La Fontaine situé dans le deuxième recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1678. Elle est inspirée des isopets de Marie de France du XIIe siècle, qui a été elle-même inspirée par les fables de Phèdre[1]. Cette fable est une critique de la cour et du Roi. En effet, le Lion est la représentation du roi Louis XIV[2] et les autres animaux de la cour. À la question du Lion, l'Ours et le Singe font dans l'excès : le premier est trop sincère, lorsque le second est trop flatteur. Le Renard, quant à lui, fait preuve de ruse en répondant « en Normand », c'est-à-dire évasivement[3]. Le Roi est donc considéré comme sévère, punissant les personnages ne disant pas ce qu'il veut[2].
LA COUR DU LION
[Guéroult]
Sa Majesté Lionne[N 1] un jour voulut connaître,
De quelles nations le Ciel l'avait fait maître.
Il manda donc par députés
Ses vassaux de toute nature,
Envoyant de tous les côtés
Une circulaire écriture[N 2],
Avec son sceau. L’écrit portait
Qu’un mois durant le Roi tiendrait
Cour plénière[N 3], dont l’ouverture
Devait être un fort grand festin,
Suivi des tours de Fagotin[N 4].
Par ce trait de magnificence
Le Prince à ses sujets étalait sa puissance.
En son Louvre il les invita.
Quel Louvre ! un vrai charnier, dont l’odeur se porta
D’abord[N 5] au nez des gens. L’Ours boucha sa narine:
Il se fût bien passé de[N 6] faire cette mine,
Sa grimace déplut. Le Monarque irrité
L’envoya chez Pluton[N 7] faire le dégoûté.
Le Singe approuva fort cette sévérité ;
Et flatteur excessif il loua la colère[N 8]
Et la griffe du Prince, et l’antre, et cette odeur :
Il n’était ambre, il n’était fleur,
Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie
Eut un mauvais succès, et fut encor[N 9] punie.
Ce Monseigneur du Lion là,
Fut parent de Caligula[N 10].
Le Renard étant proche : Or çà, lui dit le Sire,
Que sens-tu ? dis-le-moi : Parle sans déguiser.
L’autre aussitôt de s’excuser,
Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire[N 11]
Sans odorat ; bref il s’en tire.
Ceci vous sert d’enseignement.
Ne soyez à la Cour, si vous voulez y plaire,
Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère ;
Et tâchez quelquefois de répondre en Normand[N 12].
— Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, Cour du Lion
Images et illustrations
Notes
- ↑ ici, adjectif, s'accorde avec le mot Majesté
- ↑ C'est-à-dire une circulaire
- ↑ « les rois tenaient autrefois leur cour plénière, quand ils mandaient les principaux de leur État auprès d'eux » (dictionnaire de Furetière)
- ↑ Singe savant, dressé par le montreur d'animaux et marionnettiste Brioché, que l'on pouvait voir sur le Pont-Neuf et à la foire Saint-Germain
- ↑ Aussitôt
- ↑ il eût mieux fait de ne pas...
- ↑ dieu des morts
- ↑ Le vers ne rime avec aucun autre. On l'a corrigé diversement, sans proposer d'amélioration satisfaisante
- ↑ l'orthographe "encor" s'impose, sans quoi le vers comporterait 13 syllabes au lieu de 12 et ne serait plus un alexandrin. En effet, si "encor" comprenait un e final, celui-ci, étant placé avant une consonne devrait être décompté, selon les règles classiques de versification.
- ↑ empereur Romain (12-41) particulièrement extravagant et meurtrier : on rapporte qu'à la mort de sa sœur Drusilla, il fit exécuter successivement ceux qui ne pleuraient pas pour insensibilité, et ceux qui pleuraient, parce qu'ils ne croyaient pas qu'elle soit devenue déesse.(Caligula, impopulaire par ses extravagances et ses crimes, mourut assassiné)
- ↑ il ne pouvait rien dire
- ↑ « On dit aussi qu'un homme répond en Normand, lorsqu'il ne dit ni oui, ni non, qu'il a crainte d'être surpris, de s'engager. » (Dictionnaire de Furetière)
Références
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