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Jesús Franco Manera, ou Jess Franco, est un cinéasteespagnol né le à Madrid et mort le [1] à l'âge de 82 ans.
Spécialisé dans les films mêlant horreur et érotisme, il a travaillé sous de nombreux pseudonymes, dont Clifford Brown, Adolf M. Frank, J.P. Johnson, David Khune et Jess Frank.
Biographie
Jess Franco reçoit une formation classique au Conservatoire royal supérieur de musique de Madrid, où il apprend le piano. Il a fait ses études de cinéma à l'Instituto de Investigaciones y Experiencias Cinematográficas de Madrid et à l'Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC) de Paris[2]. Il entame sa carrière cinématographique en tant que compositeur en 1954. Il se lance dans la réalisation avec des courts métrages de commande (films d'entreprise comme El árbol de España en 1957, courts à visée culturelle). Son premier long métrage, Tenemos 18 años, est achevé en 1959, premier d'une longue série de 185 films.
Franco tourne des productions à petit budget, son acharnement au travail le pousse à sortir parfois plusieurs films à la fois malgré des problèmes de distribution quasi-systématiques (certains de ses films sont directement sortis en vidéo), utilisant pour ce faire un entourage en accord avec ses visions, capable de tourner plusieurs films en même temps, parfois sans même être au courant (le réalisateur faisait parfois tourner des scènes pour un prochain film à ses acteurs, sans les avoir prévenus). Le réalisateur a travaillé pour ses compagnies de production variées du continent européen, notamment la firme française Eurociné, spécialisé dans le très petit budget. Franco propose un cinéma artisanal, parfois bâclé mais qui a toujours privilégié le fond sur la forme en laissant volontairement de côté les artifices de production au bénéfice d'une urgence créatrice[3].
Sa rencontre avec la jeune Lina Romay dans les années 1970 (rencontrée après le décès de sa muse Soledad Miranda) bouleverse non seulement sa vie privée mais aussi artistique, Romay jouant dans la quasi-totalité de ses films ultérieurs. Franco fait de son égérie un personnage sulfureux aux rôles souvent tendancieux, parfois pervers. Dans les années 1990, Franco a également fait tourner plusieurs actrices américaines dans certains de ses films parmi lesquelles Michelle Bauer et Linnea Quigley, deux scream queens populaires aux États-Unis dans les années 1980.
Il a également travaillé comme assistant réalisateur pour Orson Welles sur le tournage de Falstaff, et a effectué un montage de son Don Quichotte inachevé.
La monstruosité féminine interne dans le cinéma de Jesús Franco
Le concept de monstruosité féminine est exploré dans le cinéma mondial, en particulier dans les œuvres du cinéaste Jesús Franco. Également connu sous le nom de Jess Franco, il était un cinéaste espagnol influent, réputé pour son vaste corpus d’œuvres, englobant près de 200 films, se concentrant principalement sur les films d’horreur et de sexploitation[4]. Mettant l’accent sur l’intersectionnalité de la sexualité, du genre et de la violence, Franco crée des pièces stimulantes qui contestent les attentes et repoussent les limites sociétales.
Les films de Franco transcendent les manifestes extérieurs, s’aventurant dans les paysages complexes de la psyché humaine, explorant profondément la monstruosité interne et les complexités de l’esprit humain. Au cœur du concept de « monstruosité féminine interne », il offre des explorations viscérales, des émotions brutes, de la convoitise et de la rage. Dans lequel les femmes se transforment en êtres surnaturels, ou en incarnations de désirs primaires. À la frontière de la pornographie, il a réalisé des films mémorables comme « Vampyros Lesbos, » (1971). Une exploration de la monstruosité intérieure féminine à travers un mélange d’horreur, d’érotisme et de surnaturel[5]. En embrassant le grotesque et le macabre, Franco oblige le spectateur à se confronter à des vérités inconfortables sur la nature humaine et sa capacité au mal.
Vampyros Lesbos (1971)
En toile de fond d’Istanbul, « Vampyros Lesbos » suit Linda Westinghouse (Ewa Strömberg), une jeune femme attirée par la séduisante vampire comtesse Nadine Carody (Soledad Miranda). En raison de son obsession du sang, les frontières entre la vie et la mort, le plaisir et la douleur deviennent de plus en plus floues. Le film aborde des sujets comme la politique des genres (le lesbianisme, l’érotisme) et l’attrait du surnaturel. Adoptant des relations lesbiennes explicites, le film s’attaque aux perceptions conservatrices sur la sexualité et présente une vision nuancée de la féminité monstrueuse. Au lieu d’être punis pour leurs désirs, les personnages développent un lien basé sur la compréhension mutuelle et l’attirance qu’ils éprouvent l’un envers l’autre[6].
Dimension psychologique de la monstruosité féminine – Sexe et violence
À travers des séquences oniriques et des images surréalistes, Franco crée un paysage psychologique (un psychodrame sensuel) dans lequel les personnages affrontent leurs désirs les plus intimes, leurs peurs et les conséquences de succomber à leurs pulsions les plus sombres. Grâce au sexe et à la violence, leur nature vampirique leur permet de transcender les limites imposées aux femmes pour exprimer ouvertement leurs désirs sexuels. Franco mélange le surnaturel et le psychologique en présentant le vampirisme comme une métaphore des désirs refoulés et des tabous sociaux. Les personnages du film sont pris dans un réseau d’enchevêtrements sensuels et psychologiques qui brouillent les frontières entre la prédation et la proie. Ils incarnent alors des conflits internes, des émotions opposées suscitées par le vampirisme : attirance sexuelle intense associée à des instincts innés de survie (désir et peur). L’objectif de Franco est de capter la sensualité des rencontres vampiriques en introduisant dans le film des scènes explicites d’érotisme et de violence, en particulier, par le thème du sadomasochisme. Le réalisateur Franco utilise beaucoup de nudité et de violence, ainsi que des effets spéciaux particuliers pour mettre l’accent sur le thème de la monstruosité féminine. Ces personnages naviguent dans un monde où la sensualité devient une source de danger par l’aspect de domination et de soumission: éléments de BDSM présentés lors des interactions entre la Comtesse Nadine Carody et les autres personnages (p. ex. l’acte de mordre et de consommer du sang)[7]. L’usage de la violence est présenté comme une métaphore pour se libérer des contraintes sociales.
Problématique
Les figures vampiriques du film incarnent une forme unique de monstruosité féminine qui s’oppose aux normes et aux attentes sociales. Contrairement aux représentations traditionnelles des vampires, elles symbolisent la libération des contraintes patriarcales. Le traitement de Franco sur la monstruosité et la sexualité féminines suscite des controverses. Les films de Franco comportent une nudité excessive et des tendances fétichistes qui réduisent les personnages féminins à des objets du désir. La cinématographie de Jess porte sur sa représentation négative des femmes et de la sexualité : « female vampires as feminist boundary-pushers »[8]. Le vampirisme antagonise les femmes de la société, le plus qu’elles sont indépendantes/autonomes le plus qu’elles sont considérés dangereuses pour les hommes et une menace contre la patriarchy. Les femmes perdent leur innocence domestique par une manifestation de caractéristique surnaturelle telle que la nécessité de se nourrir du sang pour maintenir l’immortalité. Cela dépeint les vampires féminins comme corrompus, séduisantes et dangereuses. Symbolisant l’aspect plus sombre de la nature humaine. Cette anxiété culturelle alimente la perception de la monstruosité féminine interne[9]. Son œuvre objectifie et exploite les femmes, ce qui entretient des stéréotypes nuisibles plutôt que de les démonter. Se fondant sur la conviction que les femmes abusent du pouvoir de la féminité, il estime que la séduction mène au mal et même à la mort (surtout dans le cas d’une relation homme-femme).
Conformément à l'usage concernant Jess Franco[11],[12],[13],[14],[15], la filmographie est présentée dans l'ordre chronologique des tournages, et non des sorties. Les années indiquées correspondent donc aux années où les films ont été tournés (et non aux années où ils sont sortis sur les écrans).
Les films sont signés "Jess Franco", sauf indication contraire.
↑(en) Katie O’Connor, « The Interior Other: Gender and Monstrosity in
Victorian Gothic Novels », Spectrum, vol. No. 11, no 2023, , p. 2 (lire en ligne [PDF])
↑(en) Lucas Balbo, Peter Blumenstock, Christian Kessler et Tim Lucas, Obsession : The Films of Jess Franco, Berlin, Selbstverlag Frank Trebbin, , 256 p. (ISBN3-929234-05-X)
↑(en) Carlos Aguilar, Jess Franco : El sexo del horror, Firenze, Glittering Images, coll. « Bizarre Sinema ! », , 193 p. (ISBN88-8275-040-X)
↑Alain Petit, Jess Franco ou les prospérités du bis, Alignan-du-vent, Artus Films, , 752 p. (ISBN978-2954843537)
↑(en) Stephen Thrower, Murderous Passions : The Delirious Cinema of Jesús Franco, vol. 1, Londres, Strange Attractor Press, , 432 p. (ISBN978-1907222313)
↑(en) Stephen Thrower, Flowers of Perversion: The Delirious Cinema of Jesús Franco vol. 2, Londres, Strange Attractor Press, , 512 p. (ISBN978-1907222603)
Voir aussi
Bibliographie
Lucas Balbo, Peter Blumenstock, Christian Kessler, Additional Material by Tim Lucas, Obsession - The Films of Jess Franco (Foreword by Howard Vernon), Published by Graf Haufen and Frank Trebbin, 1993. 256 p.
Alain Petit, Manacoa Files, 1994-1999
Alain Petit. Jess Franco ou les prospérités du bis. Artus films, 2015. (ISBN978-2-9548435-3-7)
Jess Franco, Memorias del tío Jess, 2004 (autobiographie, en espagnol)
Stéphane du Mesnildot, Jess Franco : Énergies du fantasme, éd. Rouge Profond, 2004.
Daniel Bastié, Jess Franco : L’homme aux 200 films, éd. Grand Angle, 2014
Christian Berger, « Nécrologie des personnalités disparues en 2013 : Jesus Franco », L'Annuel du Cinéma 2014, Editions Les Fiches du cinéma, Paris, 2014, 800 p., p. 778, (ISBN978-2-902-51624-7)
Katie O’Connor, « The Interior Other: Gender and Monstrosity in Victorian Gothic Novels », Spectrum, vol. No. 11, no 2023, août 2023, p. 2, https://doi.org/10.29173/spectrum183