Jean-Marc Berlière (né le à Dijon), est un historienfrançais, spécialiste de l'histoire des polices en France et professeur émérite à l'université de Bourgogne. Ses recherches sur des thèmes concernant la période de l’Occupation l'ont engagé dans des controverses et polémiques concernant la période et sa représentation publique.
Biographie
Né en 1948 à Dijon, agrégé d'histoire, Jean-Marc Berlière a été professeur dans l'enseignement secondaire[1] avant de soutenir, en 1991, une thèse de doctorat portant sur L'Institution et la société policières sous la IIIe République (1870-1914)[2].
Parallèlement à ses activités de recherche menant à des publications, Jean-Marc Berlière a été maître de conférences à l'IEP de Grenoble[1], puis professeur d’histoire contemporaine de l’université de Bourgogne (désormais émérite)[3]. Ses activités de chercheur ont été menées, entre autres dans le cadre du CESDIP (CNRS/ ministère de la Justice)[3].
Jean-Marc Berlière a commencé à se plonger dans les archives de la police et de la justice lors de ses premiers travaux de recherche sur les tentatives anarcho-syndicalistes de grève générale dans les chemins de fer en 1919-1920 et leur répression[6]. Considéré comme un pionnier du domaine[7], l'essentiel de son travail concernera ensuite l’histoire de la police en France.
Son Histoire des polices en France : de l'Ancien régime à nos jours en 2011, complète ainsi Le Monde des polices qui défrichait en 1996 une historiographie en cours de constitution par une actualisation et des apports de sociologie par son co-auteur René Lévy[8].
À partir de 2001, il travaille plus spécifiquement sur les forces de l'ordre durant l’Occupation. Cela donnera lieu à la publication en 2018 de Police des temps noirs, « Une somme attendue sur les forces de police et de gendarmerie durant la collaboration » qui présente sous forme de dictionnaire les diverses et complexes institutions de forces de l'ordre de cette période[9].
Le PCF pendant la Seconde Guerre mondiale
C’est par le biais des archives de la police que Berlière a contribué à l’histoire du parti communiste dans la clandestinité, en y trouvant non seulement des informations sur la répression, mais aussi des archives du parti clandestin saisies[10].
En 2004, il publie Le Sang des communistes, un livre sur des « oubliés de l'histoire » que furent les premiers jeunes résistants communistes des Bataillons de la jeunesse et sur les mécanismes de cet oubli induits notamment par la promotion concurrente des fusillés de Châteaubriant au rang de premiers martyrs de la Résistance par les otages eux-mêmes et les instances dirigeantes du Parti communiste[11].
Jean-Marc Berlière participe à des controverses ou polémiques sur certains usages de l'histoire qu'il juge des « falsifications » ou « mystifications », notamment dans le cadre de commémorations officielles.
Il lance ainsi avec son confrère Franck Liaigre une controverse sur le qualificatif de « résistant » de Guy Môquet, restée assez confidentielle en 2004 et qui resurgit en 2007 lorsque Nicolas Sarkozy évoque Guy Môquet durant sa campagne et au moment de sa prise de fonction[15]. La question donne lieu à l'ouvrage L'Affaire Guy Môquet : enquête sur une mystification officielle.
Il est aussi pris dans une polémique sur la question de Vichy et les juifs après celle autour d'Éric Zemmour qui s'appuyait sur les vues de l'historien Alain Michel. Ayant estimé qu'il y avait là une question historique à revoir[16] et défendu des vues proches d'Alain Michel[17], il est critiqué en 2020 par Laurent Joly dans un numéro de la Revue d'histoire de la Shoah qui considère que Berlière, seul historien à avoir pris Alain Michel au sérieux, ne maîtrise pas l'historiographie du sujet et que si ces deux auteurs « n’ont guère d’influence dans le champ scientifique. », ils posent un problème politique en donnant du crédit à Éric Zemmour[18]. Un droit de réponse est refusé aux deux mis en cause[19].
En 2022, tout en récusant la dangerosité d'Éric Zemmour, Jean-Marc Berlière s'indigne dans Causeur de commémorations qui selon lui déformeraient l'histoire avec la complicité « d’historiens-idéologues »[20],[21].
Ce thème est repris en 2023 dans Histoire d'une falsification – Vichy et la Shoah dans l'Histoire officielle et le discours commémoratif, ouvrage écrit sur un ton pamphlétaire[22] avec deux historiens amateurs, René Fiévet et Emmanuel de Chambost, publié chez un éditeur habitué du genre.
Si l'ouvrage reçoit quelques soutiens dans la presse[23],[24],[25] et est bien accueilli à droite et à l'extrême droite[réf. souhaitée], il est ignoré par la plupart des universitaires et sévèrement jugé par un des historiens attaqués, Laurent Joly, qui dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine reprend la généalogie de ses idées, qui passe notamment par Alfred Fabre-Luce, et inscrit ce livre « dans une histoire de l’histoire de Vichy et des crimes de la collaboration qui, depuis des décennies, ont suscité toute une littérature visant à en minimiser la gravité, jusqu’aux récentes provocations d’Éric Zemmour »[19].
Publications
Ouvrages
L'Institution policière en France sous la Troisième République (1875-1914), 3 vol. (LIV-1 304 p.), 30 cm, 1991
Nouvelle édition enrichie et mise à jour : Naissance de la police moderne, Paris, Perrin, coll. « Tempus » (no 407), , 411 p., poche (ISBN978-2-262-03580-8).
« Police, État et société en France des années trente aux années soixante : essai bibliographique », in Cahiers de l’IHTP, 36, (en collaboration avec Marie Vogel).
La Police française entre bouleversements et permanences : années trente-années cinquante, La Documentation française, Paris, 2000 (direction avec Denis Peschanski).
Les Policiers français sous l'Occupation : d'après les archives inédites de l'épuration (coécrit avec Laurent Chabrun), Paris, Perrin, , 388 p. (ISBN978-2-262-01626-5). Prix Jacques Derogy du livre d'investigation.
Réédition au format de poche : Policiers sous l'occupation, Perrin, coll. « Tempus », 2009.
Édition revue et mise à jour : Histoire des polices en France : de l'Ancien régime à nos jours (coécrit avec René Lévy), Paris, Nouveau Monde, coll. « Poche : histoire », , 863 p. (ISBN978-2-36583-379-0).
Fichés ? : photographie et identification, 1850-1960 (direction avec Pierre Fournié), Perrin, 2011.
Ainsi finissent les salauds : séquestrations et exécutions clandestines dans Paris libéré, Robert Laffont, 2012 (avec Franck Liaigre). Prix Guizot de l'Académie française. Réédition en livre de poche, Éditions Tallandier, coll. « Texto », 2018.
La Police à Paris en 1900, Nouveau Monde éditions, 2023, 296 p. (ISBN9782380942347).
Histoire d'une falsification. Vichy et la Shoah dans l'histoire officielle et le discours commémoratif (avec Emmanuel de Chambost et René Fiévet), éditions de l'Artilleur, 2023, 325 p. (ISBN978-2-81001-154-4).
Direction d'ouvrages
Jean-Marc Berlière (dir.), Les Grandes Affaires Criminelles du Moyen Âge à nos jours. Perrin, 2020 (réédition collection Tempus, 2022)
La Police des années noires, documentaire de 52 minutes réalisé par Arnaud Gobin pour France Télévisions en 2002 (Zeaux productions/ France 5 ), prix spécial du jury au Festival international du film de la Résistance de Nice, .
Policiers sous l’Occupation, série documentaire en quatre parties de 26 minutes (Toute l’Histoire) et version de deux parties de 52 minutes pour TV5, réalisée par Arnaud Gobin (AB Sat, TV5, Zeaux productions, 2003).
Crimes à la Belle époque, série de huit documentaires de 26 minutes, Toute l’Histoire (AB Sat)/ Zeaux Productions, 2003, réalisée par Christine Bouteiller et Katherine Thompson. Édition DVD, Doriane Films, 2019
L’Histoire de la police française : de la Lieutenance de police à Schengen, série de quatre documentaires de 52 minutes réalisée par Michel Kaptur et Éric Pittard pour TF1/Odyssée, (JEM Productions, 13 production, 2004). Cette série est éditée en coffret de deux DVD : Histoire de la police française : mythes et réalités de Louis XIV à nos jours, LCJ éditions, 2007, distribution Europe Images International.
Règlement de comptes à l'institut, réalisé par Joseph Beauregard, produit par les Films des tambours de soie, La Chaîne Histoire, décembre 2021 (et diffusions Suisse et Belgique sur la RTS et la RTB)
Notes et références
↑ a et b« Jean-Marc Berlière », sur k-libre.fr - site dédié à la littérature noire et policière (consulté le ).
↑Interview de Jean-Marc Berlière, Le Figaro Histoire, n° 18, février-mars 2015, p. 18-24
↑Arnaud-Dominique Houte, « Quand polices et gendarmerie deviennent objets d’histoire », Revue française de science politique, vol. 62, nos 5-6, , p. 976-977 (JSTOR43124184, lire en ligne)
↑Laurent López, « Jean-Marc Berlière et René Lévy, Histoire des polices en France. De l’Ancien régime à nos jours », Criminocorpus [En ligne], Comptes rendus, (DOI10.4000/criminocorpus.430, lire en ligne)
↑Arnaud Houte, « Qui fait régner l'ordre sous Vichy ?
», L'histoire, (lire en ligne)
↑Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, Liquider les traîtres, Robert Laffont, 2007, p.371-375.
↑Guillaume Piketty, « Le sang des communistes. Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée », Revue Historique, t. 307, no 633, , p. 207-208 (JSTOR40957551)
↑Jean-Marc Berlière et Sylvain Boulouque, « Guy Môquet : le mythe et l'histoire », Le Monde, (lire en ligne)
↑Jean-Marc Berlière, « Vichy, la police, les Juifs…au(x) risque(s) de l’Histoire ? », Cahiers de la sécurité et de la justice, no 32, , p. 104-111 (lire en ligne [PDF]) : « Au moins le livre d’Éric Zemmour aura-t-il cette vertu d’obliger les historiens à s’attaquer de front à un « paradoxe » qu’ils ont jusqu’à présent – à de très rares exceptions près – prudemment contourné. »
↑Jean-Marc Berlière, Police des temps noirs : France 1939-1945, Perrin, (lire en ligne), p. 26 : « un théorème essentiel [Raul Hilberg (1961)] : […] « En abandonnant une partie [des Juifs], la plupart des autres furent sauvés » – soigneusement contourné par la suite par les spécialistes »
↑Laurent Joly, « Introduction », Revue d’Histoire de la Shoah, no 212 « Vichy, les Français et la Shoah : un état de la connaissance scientifique », , p. 11-29 (lire en ligne)
↑ a et bLaurent Joly, « Anatomie d’une falsification historique : Lecture d’un récent pamphlet sur Vichy et la Shoah. », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 70-3, no 3, , p. 151-171 (DOI10.3917/rhmc.703.0153, lire en ligne) - accessible gratuitement par la bibliothèque Wikipedia.
↑Jean-Marc Berlière, « La rafle du « Vel’ d’hiv’ » vue par les médias et les historiens. C’est l’histoire qu’on assassine ! », Causeur, (lire en ligne) : « d’historiens-idéologues pour lesquels, la vérité historique importe moins que la lutte sans danger [...] contre des moulins à vent (Zemmour, Vichy…) relativement inoffensifs. »
↑Jean-Marc Berlière, « La rafle du « Vel’ d’hiv’ » vue par les médias et les historiens. C’est l’histoire qu’on assassine ! : Suite et fin », Causeur, (lire en ligne)
↑Jean Lopez, « J.-M. Berlière, Histoire d’une falsification. Vichy et la Shoah dans l’histoire officielle et le discours commémoratif », Science et vie - Guerres et Histoire, no 74,
↑Alain Michel, « Le risque de la vérité », Le Figaro Histoire, no 66, (lire en ligne)
↑Limore Yagil, « La sélection de l'historienne Limore Yagil », Carnets de Bernard Lazare, (lire en ligne)
↑Jean-Louis Panné, « Histoire d’une falsification. Vichy et la Shoah dans l’Histoire officielle et le discours commémoratif », L'ours, (lire en ligne)